dimanche 23 octobre 2011

CINEMA DE MINUIT - CARREFOUR DE L'EXIL...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 15, sur France 3 : " Carrefour" (1938) de Kurt Bernhardt...


Kurt Bernhardt fait partie de cette génération de jeunes cinéastes allemands que le nazisme contraignit à l'exil.
Un exil qui ne lui fut pas aisé : en 1933, sautant sur un contrat qui lui permettait de tourner un film à Paris ("Le Tunnel" avec Jean Gabin), il apprit en arrivant en France que le film serait finalement tourné... à Berlin. Retour à la case départ, où il fut immédiatement arrêté par la Gestapo. Il put heureusement être libéré et re-rejoindre la France. S'ensuivirent quelques années où il tourna peu, entre la Grande-Bretagne et notre pays.
Et c'est ce "Carrefour" qui lança sa carrière , puisqu'il lui permit de décrocher un contrat avec la Warner et de partir pour les USA, où sous le nom de Curtis Bernhardt, il mènera un assez beau parcours hollywoodien.

"Carrefour" est considéré comme un des meilleurs films de son auteur. Cette histoire d'un amnésique rattrapé par son passé et par un maître chanteur s'avère en effet passionante. On dit même qu'elle a inspiré Léo Malet pour son "120, Rue de la Gare", première enquête de Nestor Burma.
Le film est, de plus, porté par deux superbes comédiens , au jeu, encore aujourd'hui, étonamment moderne :

D'abord, l'inoubliable Jules Berry.


Trop souvent considéré comme un habile cabotin, ce natif de Poitiers (eh oui !) était en fait un comédien surprenant et à l'instinct très sûr. Il faut dire qu'il n'avait pas trop le choix : sa passion pour les courses et le casno, ainsi qu'une mémoire défaillante l'obligeaient souvent à arriver sur le plateau à la dernière minute et à improviser durant les prises, ce qui ne se faisait pas à l'époque. Et la plupart des réalisteurs ont convenu que ses trouvailles étaient le plus souvent justes, pour ne pas dire géniales. Sur le plateau du "Jour se lève" de Prévert et Carné, Gabin, acteur très "carré", était en admiration devant lui.


Le jour se leve par Corey71

Ses dettes de jeu l'obligèrent à accepter tout et n'importe quoi , ce qui abîma le lustre de sa filmographie.
Mais aujourd'hui, la moindre de ses apparitions laisse pantois, à quelques exceptions près ("Les Visiteurs du Soir").
Il fut un temps marié à Suzy Prim, actrice truculente qui joue également dans le film.

Mais il est surtout confronté au monumental Charles Vanel.


Monumental, déjà , par l'extraordinaire longévité de sa carrière ( premier film en 1912, dernier en 1988, à l'âge de 96 ans !), qui lui a fait traverser toutes les grandes vagues du cinéma, mais également monumental par sa faculté d'adaptation et son engagement de comédien. Il passe sans soucis du muet au parlant, des rôles de jeunes premiers à ceux de la maturité, puis , enfin, à ceux de patriarche, avec une énergie et une intelligence constante. Rappelons seulement qu'en 1954, à 60 ans passés, il dame le pion (et largement !) au jeune Montand dans "Le Salaire de la Peur" de Clouzot , particulièrement dans la scène dite de "la mare de pétrole", où vous apprécierez l'engagement physique du sexagénaire...



De même, dix ans plus tard, il tiendra la dragée haute à Belmondo dans "L'Aîné des Ferchaux" de Melville...
Jusqu'à sa mort, il restera un homme fin, dévoué à son métier, modeste, alors que, sur l'écran, quelque soit l'époque de sa prestation, il demeure simplement bluffant.

Bonne séance.

A plus.
Fred.

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