jeudi 22 février 2018

CINEMA DE MINUIT - ET JACQUES DEVINT PREVERT...

Bonjour les amis !

Dimanche, à 00 H 55, sur France 3 : Un Oiseau Rare (1935), de Richard Pottier...


Résumé des épisodes précédents : le jeune Jacques Prévert, pilier du groupe Octobre, s'essaie au cinéma par l'entregent de son frère Pierre . Après le scandale provoqué par leur film L'Affaire est dans le Sac, Prévert accepte une commande plus sage, celle de dialoguer Si j'étais le Patron, de Richard Pottier (diffusé la semaine dernière)...

Le travail clandestin de Prévert sur le film donne pleine satisfaction au producteur (Oscar Dancigers) et au metteur en scène Richard Pottier, qui proposent donc au poète de travailler seul et en pleine lumière pour leur projet suivant : l'adaptation d'un roman d'Erich Kästner .


Poète lui-même et auteur d'ouvrages pour la jeunesse, celui-ci est alors célèbre pour son Emile et les Détectives . Prévert s'empare de son roman Trois Hommes dans la Neige, et se l'approprie , sur un canevas alors déjà bien éprouvé : celui de la substitution d'identité, entre un riche et un pauvre, tous deux conviés aux sports d'hiver après avoir gagné un concours de slogans publicitaires.
Il est intéressant de noter que le casting est très proche de celui de Si j'étais le Patron : en tête, on retrouve Max Dearly, mais également Pierre Larquey, Madeleine Guitty, Gildés, Edmond Beauchamp, Claire Gérard.
Seul le couple de jeunes premiers n'est pas le même : exit Mireille Balin ( partie tourner M des Angoisses !), qui cède la place à la mystérieuse Monique Rolland, que l'on voit pas mal à l'écran dans les années 30, mais sur laquelle il est très difficile de trouver des infos aujourd"hui, si ce n'est que durant l'Occupation, redevenue simple figurante, elle eut l'idée saugrenue de se rebaptiser Monique Garbo !...


Dans le rôle du jeune premier, et c'est déjà beaucoup plus intéressant, Fernand Gravey est ici remplacé par... Pierre Brasseur.


Poète à ses heures, cet enfant de la balle rencontre Prévert chez les surréalistes . Ils demeurent proches, et c'est probablement sur suggestion du scénariste que Brasseur est engagé . En effet, s'il triomphe déjà au théâtre, il a du mal à s'imposer au cinéma, accumulant les petits rôles dans des films de diverses qualités ; S'il se fait remarquer dans l'adaptation filmée du Sexe Faible d'Edouard Bourdet par Robert Siodmak , aux côtés de Victor Boucher, créateur comme lui de son rôle sur scène, il reste pour les producteurs (et pour lui-même !) un acteur de théâtre.
Ici, il se révèle un génial acteur de comédie. Laissant libre à sa gouaille et à sa voix déjà rocailleuse, il donne toute son épaisseur au personnage de Jean Berthier, prolo chanceux balancé sur les pistes de ski. Le film lui doit beaucoup.
Il en faut pas en effet s'attendre ici au poète grinçant des Enfant du Paradis. Pour cette farce bon enfant, Prévert puise plutôt dans son inspiration post-surréaliste. La folie douce des péripéties, l'irruption d'un oiseau grossier, les quiproquos à la chaîne menés sans temps mort par un Pottier plutôt dans ses bons jours ( on a beau dire, parfois, il en eut !) ont fait que cette comédie fut plutôt remarquée à son époque . Le fait est qu'elle a plutôt bien tenu le coup , et marque une étape essentielle dans la carrière cinématographique du futur dialoguiste du Jour se Lève. 
La prochaine étape, elle, sera encore plus décisive : en 1936, il rencontre Marcel Carné , pour Jenny, et Jean Renoir, pour Le Crime de Monsieur Lange...
L'Histoire du Cinéma est en marche...



A plus !

Fred.


dimanche 18 février 2018

CINEMA DE MINUIT - LE CRIME DE MONSIEUR POTTIER...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 55 (Misère !), sur F3 : Si j'étais le Patron (1934), de Richard Pottier...




Au début des années 1930, le jeune Jacques Prévert fait feu de tous bois.

En rupture de ban avec le mouvement surréaliste, il est contacté par le groupe de théâtre militant Octobre, proche du Parti Communiste , pour leur écrire des brûlots contestataires. Il s'en débrouille si bien que le groupe y gagne en renommée et est régulièrement convié à jouer dans les usines , durant les manifestations, souvent à chaud.
Son frère Pierre, également membre du groupe, est, lui, féru de cinéma. Grimpant les échelons, il devient assistant, et permet à son frère d'écrire son premier film, Baleydier, dont le rôle principal est joué par Michel Simon ! Etrangeté de l'Histoire, cette première oeuvre sera mise en scène par le sinistre Jean Mamy, qui sera, dix ans plus tard, le plus actif des cinéastes collabos, ce qui lui coûtere la vie à la Libération.
Mais ce film , ainsi que le suivant, Ciboulette, première oeuvre de Claude Autant-Lara, sont des échecs cuisants.
Heureusement, les frères Prévert n'en ont cure : ils viennent de parvenir à monter le financement de leur premier film à eux, un délire surréaliste et irrévérencieux, L'Affaire est dans le Sac. 



Le film fait scandale, surtout auprès de l'extrême-droite, qui dévaste les salles de projection.
Les frères sont ravis. Mais bon. Ni le groupe Octobre, ni les provocations cinématographiques ne nourrissent leur homme.
Prévert se résout  alors à proposer (discrètement) ses services au cinéma commercial, au cinéma du samedi soir. Il faut savoir que , dans cette première partie des années 30, la production de films était prolifique et anarchique : tout le monde s'improvisait producteur de films, et il suffisait de signer un ou deux noms connus pour qu'un film se fasse. Et le résultat était souvent une cornichonnerie.
Si j'étais le Patron s'inscrit , visiblement, dans cette lignée . Ici, nous avons en tête de pont, un des jeunes premiers les plus choyés de l'époque , Fernand Gravey.


A ses côtés, dans un de ses premiers rôles importants, on trouve celle qui sera quelques mois plus tard une des plus belles garces du cinéma français face à Gabin dans Pépé le Moko et Gueule d'Amour : Mireille Balin.


Mais le cador du film, bien oublié aujourd'hui , mais très populaire à l'époque, c'est l'insubmersible artiste de music-hall, danseur, chanteur, qui s'apprêtait à prendre sa retraite quand le parlant lui fit les yeux doux : Max Dearly.

Sans oublier les indispensables seconds rôles Pierre Larquey et Madeleine Guitty, éternelle concierge.
Il fallait bien ça pour porter cette petite histoire assez anodine et populiste d'un jeune inventeur (Gravey) , bombardé directeur à la place de celui-ci (Dearly) afin de relancer l'entreprise !
Quand on pense à l'agit-prop du groupe Octobre !
Si le dialogue est cosigné par le redoutable René Pujol ( Trois Artilleurs au pensionnat, le Comte Obligado, Titin des Martigues !), la patte de Prévert ( pourtant non crédité !) se fait bel et bien sentir , et donne au film un supplément d'âme dont il a bien besoin, car ce n'est pas la mise en scène qui va relever le niveau.
Car le film a également le douteux privilège d'être la première oeuvre de monsieur Richard Pottier, cinéaste franco-hongrois , et qui restera comme un des plus grands nanardeurs de l'histoire du cinéma national !
Drôle de rencontre, drôle de mélange. Mélange qui perdurera un certain temps, puisque le duo se reformera dès l'année suivante, pour... Un Oiseau Rare, programmé la semaine prochaine !
On s'en reparle !

A plus !

Fred.


dimanche 11 février 2018

CINEMA DE MINUIT - JEAN DECHIREE...

Bonjour les amis !

Ce soir, sur F3, à .... 00 H 55 !

(Eh oui, madame Delphine Ernotte, considérant que l'émission faisait trop d'audience à 00 H 25, a décidé de la reculer d'une demi-heure , histoire de la mettre en valeur ! Qui veut noyer son chien...)

... fin du cycle Seconde Chance avec A la Française (1963), de Robert Parrish...



Acteur-enfant dès les années 20, puis monteur reconnu (il reçoit un Oscar pour le montage du Sang et Or de Robert Rossen), Robert Parrish entame, à partir des années 50, une carrière de metteur en scène discret et subtil, davantage apprécié par les critiques que par le public et par Hollywood. Séries B, reprises de projets en cours de route, coproductions internationales, le trajet de l'auteur ne sera jamais un long fleuve tranquille. Pourtant, dans ce parcours cahotique se dessine un univers récurrent, teinté d'errance et de mélancolie. Cette tristesse, on la retrouve à son paroxysme dans ses deux meilleurs films, la britannique Flamme Pourpre, et surtout le superbe western l'Aventurier du Rio Grande, produit et interprété par Robert Mitchum.


Curieusement, après cette réussite, Parrish se tournera pendant quelques temps pour la télévision, où il réalisera des épisodes pour deux des plus ambitieuses séries de l'époque, La Quatrième Dimension et Johnny Staccato (avec John Cassavetes).



Il revient au grand écran en 1963, avec cette étrange coproduction franco-américaine, adapté d'un roman d'Irwin Shaw ( Le Bal des Maudits) par lui-même. Shaw et Parrish produisent le film ensemble, ce qui n'est pas un problème : Parrish s'est toujours très bien entendu avec les écrivains , et la réussite du film tient en partie à cette compréhension mutuelle du sujet . Il n'était pas facile de transcrire au cinéma le désarroi d'une étudiante américaine à Paris , ne sachant si elle doit partir ou rester. Influencé comme d'autres par la Nouvelle Vague française, Parrish y trouvera d'abord son actrice principale : la vedette d' A Bout de Souffle, Jean Seberg.


Ce qui tombe très bien : le désarroi du personnage étant celui de l'actrice , américaine venue s'installer à Paris en 1958 avec un mari français qu'elle délaissera bien vite pour vivre une passion tumultueuse avec l'écrivain Romain Gary. Enceinte d'un autre, elle accouche quelques temps avant le tournage , non sans avoir plusieurs fois menacé  Gary de se suicider s'il l'abandonnait. Gary reconnaîtra l'enfant et épousera Jean à la fin de l'année 1963.
Tous ces drames privés influent sur le jeu, l'humeur de la comédienne , qui apparaît ici sombre , tourmentée, parfois ailleurs, ce qui sert bien évidemment le propos du film.
Son partenaire masculin est le solide comédien britannique Stanley Baker.


D'abord cantonné par le cinéma britannique aux rôles de durs, à la manière d'un Lino Ventura, Baker sera sorti de cette ornière par Joseph Losey, qui en fait un de ses acteurs fétiches. En 1962 , il tient  la dragée haute à Jeanne Moreau dans Eva...


Autour d'eux, on retrouve une distribution hétéroclite : le batteur Moustache, le comédien-français Jacques Charon... et un petit nouveau qui ne fera pas long feu : Philippe Forquet.
Le film ne rencontrera pas le succès escompté . Parrish retournera à ses montagnes russes, et sera sorti de sa retraite par un de ses plus grands admirateurs, Bertrand Tavernier , qui lui proposera d'écrire et de réaliser avec lui Mississippi Blues ...


A plus !

Fred .




samedi 3 février 2018

CINEMA DE MINUIT - ROBIN QUI BOÎTE...

Bonjour les amis !

Dimanche soir, à 00 H 25, sur F3, poursuite du cycle Seconde chance, avec La Rose et la Flèche (1976), de Richard Lester...


Il y a des insuccès qui sont compréhensibles. L'aspect ardu, trop original, ou tout simplement raté des oeuvres programmées dans ce cycle depuis quelques semaines, peut expliquer la désaffection du public et de la critique.
Mais l'échec de La Rose et la Flèche laisse encore aujourd'hui pantois.
L'idée, déjà, était belle : montrer le fringant et mythique Robin des Bois ... vingt ans après , de retour de croisade , à Nottingham. Tout le monde a vieilli. Les dangers, l'injustice , sont toujours là, mais les héros sont fatigués.
Richard Lester est , à l'époque, le réalisateur britannique le plus en vue après Kubrick. Il est, entre autres, le maître d'oeuvre des films des Beatles, et de ce qui reste aujourd'hui une des versions les plus brillantes des Trois Mousquetaires...





Alors, le public s'attend à un pastiche ironique du Robin des Bois d'Errol Flynn et Michael Curtiz...


D'autant que Lester a rassemblé une distribution a rassemblé une distribution en or massif : autour de Sean Connery, cherchant encore à casser son image après les James Bond, on retrouve Nicol Williamson (La Vie Privée de Sherlock Holmes), Richard Harris (Un Homme nommé Cheval), Robert Shaw (Les Dents de la Mer) , et même l'humoriste Ronnie Barker.
Et surtout, surtout, Lester a réussi à convaincre madame Audrey Hepburn de sortir de  sa retraite pour incarner Lady Marian.


Le miracle se produisit alors... Mais pas celui que le public attendait. Si la mise en scène de Lester est toujours enlevée, bondissante, ce n'est pas au service d'une rigolade, mais d'une histoire assez mélancolique, nous présentant des personnages assez las de devoir toujours se battre pour ci ou ça , et qui prennent conscience que leur combat contre l'injustice ne prendra jamais fin, que leur idéal est inaccessible.
Mais le film est surtout un magnifique film d'amour , où Robin et Marian, mûrs, vivent de façon ô combien intense, mais différemment, une passion qui continue de les consumer.
Le film dérouta un peu tout le monde . Etrangement, Lester ne s'en releva jamais . Sa carrière s'effondra, le contraignant, à signer des suites de Superman qui ne le méritaient pas...


Le film fut heureusement assez vite réhabilité, et est aujourd'hui considéré comme un des plus jolis films historiques des années 70.

A noter que le film , tourné en Espagne, voit la première apparition de la toute jeune Victoria Abril...


Bande-annonce :

A plus !

Fred.