dimanche 10 décembre 2017

CINEMA DE MINUIT - CHAPLIN SANS CHARLIE...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 25 sur France 3 : L'Opinion Publique (1923), de Charles Chaplin...


Pour le grand public, et dans l'inconscient de tous, un film de Chaplin, c'est un film AVEC Chaplin, et de préférence, avec Charlot.
Deux films firent pourtant exception à cette règle : La Comtesse de Hong-Kong, oeuvre ultime du maître, qui réunissait, en 1966, Marlon Brando et Sophia Loren...


et cette Opinion Publique, titre français étrange donné à A Woman of Paris. Mais si la Comtesse est la bien piteuse conclusion d'une carrière éclatante, le film de ce soir, lui, est un chef d'oeuvre, et vachement culotté, encore.
Chaplin sort alors du triomphe de son premier long métrage, The Kid. 
Mais il est surtout frustré : en 1919, il fonde , avec Douglas Fairbanks, D.W.Griffith et Mary Pickford, la United Artists , qui doit permettre aux artistes de monter les projets qui leur tiennent à coeur, en toute liberté.


Sauf que lui, Chaplin, il est pas en liberté : la First National , chez qui il a signé, refuse de lui rendre son contrat , et l'oblige à tourner les six films qu'il lui a promis. En 1921, après avoir tourné trois courts métrages pour faire un compte rond, Chaplin est libre de faire ce qu'il veut.
Et ce qu'il veut faire , c'est un drame. Un drame destiné à montrer qu'il n'est pas qu'un comique, mais aussi un créateur. Et d'autre part, un film destiné à installer la carrière d'Edna Purviance.


Partenaire féminine régulière de Chaplin depuis presque dix ans, Edna fut , brièvement, sa compagne en 1915-1916. Mais ils sont , et demeureront, d'ailleurs, très proches. Pour qu'elle prenne son indépendance cinématographique, Chaplin lui offre donc une rampe de lancement. Or, pour une jolie et talentueuse comédienne américaine, la voie royale, ce n'est pas le burlesque, c'est le drame.
Charlot s'efface donc et écrit un pur mélodrame : une jeune fille de campagne en fugue amoureuse, abandonnée par son amant, devient demi-mondaine à Paris. Un jour, évidemment, elle recroise l'amant...
Sauf que Chaplin ne compte pas du tout monter un mélodrame classique et flamboyant. Suivant en cela l'exemple de Griffith, il dirige ses acteurs dans le sens de la retenue, conscient qu'il est que ses contemporains passent plus de temps à cacher leurs sentiments qu'à les exprimer. 
La mise en scène est donc d'une grande subtilité, d'une grande finesse, et toute la distribution est au diapason. Edna Purviance livre ici une composition très juste, et le film révèle un autre très bon comédien : Adolphe Menjou.


Celui qui aimait à dire qu'il devait sa carrière à sa fine moustache, devint rapidement un pilier des films Fairbanks-Pickford, où il jouait couramment des rôles de français, langue qu'il maîtrisait parfaitement de par ses origines (ce qui n'était pas forcément utile dans le cinéma muet, mais bon.). Son côté charmant s'opposait aux rôles de méchants qu'on lui confiait. Il fuit un des premiers méchants charismatiques.
C'est le cas ici . L'homme vil qui entretient la pauvre Marie n'est pas une brute. C'est un homme doux, civilisé , bien plus enjôleur que l'amant gauche , joué par Carl Miller -qui, lui, jouait déja dans Le Kid. 
Menjou devient ensuite un acteur fétiche de Ernst Lubitsch. A cette occasion, beaucoup d'historiens du cinéma s'interrogèrent sur l'influence que le Chaplin de A Woman of Paris aurait pu avoir sur le futur cinéaste de Comédiennes (avec Menjou) , qui sortira deux ans plus tard.
Seulement voilà, en Allemagne, Lubitsch filmait déjà depuis 1914, dans plein de genres différents, y compris la comédie dramatique urbaine, où est née la fameuse Lubitsch Touch. 
Plutôt que de chercher qui a devancé l'autre, on peut quand même parler de porosité, puisque durant tout le tournage de l'Opinion Publique, Chaplin vivait une liaison torride avec... Pola Negri, actrice fétiche de Lubitsch, avec lequel elle était en train de tourner Rosita...

La critique fut enthousiaste comme jamais devant le film. Mais le public ne suivit pas. Il n'avait pas envie de voir un Chaplin sans Charlot. Ce qui n'était pas complètement vrai, l'artiste s'étant réservé le rôle clin d'oeil d'un porteur...
Vexé, Chaplin retira le film et le laissa invisible pour des décennies. En 1976, peu de temps avant sa mort, il se laissa convaincre de ressortir le film, qui fut acclamé à sa juste mesure.

A l'époque, pour laver l'affront, Chaplin se lança dans l'épique aventure de la Ruée vers l'Or, beaucoup moins intimiste, mais beaucoup plus rentable...

A plus !

Fred.




vendredi 1 décembre 2017

CINEMA DE MINUIT - QUAND PASSE LA MICHELINE...

Bonjour les amis !

Dimanche, à 00 H 25, sur F3 : Paradis Perdu (1939) , d'Abel Gance...


Les années 30 furent un authentique chemin de croix pour le fantasque réalisateur Abel Gance.
Ruiné dès 1930 par l'échec de sa Fin du Monde, il passa le reste de la décennie à accepter des films de commande, parfois fort déprimants, pour retrouver la confiance du métier et du public.


Paradis Perdu fait partie des oeuvres les plus réussies de cette sombre période.
Il s'agit pourtant, là aussi, d'une pure commande , passée par le producteur-scénariste Joseph Than : un mélodrame contant les malheurs d'un artiste peintre, dont le grand amour meurt en accouchant de sa fille, fille pour laquelle il sacrifiera, vingt ans plus tard, une nouvelle opportunité de bonheur.
Sujet casse-gueule, surtout pour Gance, à qui il arrivait de ne pas y aller avec le dos de la cuillère.
Pourtant, ici, aidé par le dialogue du boulevardier Steve Passeur, Gance parvient, notamment dans la première partie, qui se situe avant la guerre de 14, à trouver le ton juste , et à livrer un drame de bonne tenue.
Il est aidé par une toute jeune comédienne qui est la révélation du film : Micheline Presle.


Remarquée l'année précédente dans Jeunes Filles en Détresse, de Pabst, film qui lui donne au passage son pseudonyme (son personnage s'appelle Jacqueline Presle), la jeune comédienne mange la pellicule, irradie de son charisme cette sombre histoire et se paye le luxe de voler la vedette au monstre sacré Elvire Popesco !
Elle est en grande partie responsable du succès du film , succès qui se poursuivra durant l'Occupation, en faisant une de ces madeleines dont le public de ces heures sombres était alors friand.
En 1940, Micheline Presle sera devenue une vedette.
Mais Gance n'a cure du succès du film, dont il ne supervise même pas le montage . Il n'a qu'une seule idée en tête : monter un spectaculaire Christophe Colomb, digne de ses productions du muet.
Mais la coproduction s'effondre.
A la veille de l'armistice, pour l'auteur jadis louangé de J'accuse, tout est encore à recommencer.

Long extrait du film.


A plus !

Fred.