dimanche 29 janvier 2017

CINEMA DE MINUIT - MARTINE PREND SON BAIN...

Bonjour les amis !

Fin du cycle Lucrèce Borgia ce soir, avec le Lucrèce Borgia (1953), de Christian-Jaque...


Depuis 1950, et le triomphe de Caroline Chérie, la jeune et jolie Martine Carol est le sex-symbol de la France de l'après-guerre.


Ayant compris, comme le feront Marilyn et Brigitte un peu plus tard, que son corps était son ami magique, elle n'hésita pas à en dévoiler de nombreuses parties, jouant en contre-point la ravissante ingénue inaccessible , ne sachant très bien comment elle a bien pu se retrouver au lit avec tous ces messieurs. Angélique/ Michèle Mercier lui doit beaucoup.
C'est donc tout naturellement que l'on pense à elle pour incarner  Lysistrata, l'initiatrice de la grève du sexe, dans un segment du film à sketches Destinées, qui doit être réalisé par le déjà vétéran Christian-Jaque.

 Coup de foudre entre ces deux-là, qui se marient. Et monsieur décide de faire incarner à madame tous les grands personnages féminins historiques dotés d'un minimum de sex-appeal.
Et bien évidemment, Lucrèce est en haut de la liste .
La faux-culterie est tout de même un peu au coeur du projet. La production est franco-italienne, et , comme nous l'avons vu avec la version de 1940, les italiens ont une vision de la belle beaucoup plus soft que la nôtre.
Christian-Jaque se répand alors en déclarations rassurantes, affirmant avoir "entrevu l'image fine d'une femme spirituelle". Et de fait, dans cette version-ci, signée par Cécil Saint-Laurent (le créateur de Caroline Chérie), et le pourtant féroce dialoguiste Jacques Sigurd, Lucrèce apparaît comme une brave jeune fille naïve, souvent victime des évènements, ou dépassée par eux . Le vrai méchant est , comme de juste, le frangin César Borgia, joué ici avec pas mal d'ironie ( et beaucoup mieux que Gabrio !), par le mexicain Pedro Armandariz..




 Mais bon, le film se veut avant tout une bonne affaire commerciale, destiné à rameuter le public gourmand de Caroline Chérie. Alors, allons-y pour les orgies soft, la scène où l'héroïne est fouettée, et , évidemment, la scène de bain, parce que , sinon, quand même !

 A l'époque , les Cahiers du Cinéma avaient légendé malicieusement une photo de cette scène : Martine Carol vous présente le savon Lux...


A l'arrivée, le film est un sympathique petit bijou kitsch, plus assumé, plus cossu  et ô combien plus léger que la version de Gance, illuminé par un Technicolor flamboyant et par l'évidente beauté de son actrice principale. Car si Martine est toujours restée une faible comédienne, nul ne pourra jamais lui contester sa formidable photogénie, qui éxplique pourquoi elle a eu tant de succès à l'époque, avant que ne déboule le phénomène Bardot. Mais ça, c'est une autre hsitoire...

Galerie photos parce qu'elle le vaut bien :




Et un extrait !



A plus !

Fred.









dimanche 22 janvier 2017

CINEMA DE MINUIT - L'EFFEUILLAGE DE FEUILLERE...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 45 (ou un peu plus tard à cause des sottes primaires du PS), sur F3,  suite du cycle Lucrèce Borgia avec le Lucrèce Borgia (1935) d'Abel Gance...


Pour ce grand cinéaste écorché vif qu'était Abel Gance, les années 30 furent un calvaire.
Elles devaient pourtant commencer avec une oeuvre grandiose, que son auteur, pour son premier film parlant, voulait prophétique : La Fin du Monde...


 Ce film coûteux ; dans lequel Gance avait mis toute son énergie, fut un fiasco critique et public. Du jour au lendemain, la Gloire Nationale qui avait signé J'accuse et La Roue devint un paria, dont tous les producteurs refusaient les projets.
Pour survivre, ou, comme il le disait avec son emphase habituelle, "pour ne pas mourir", Gance accepta alors une multitude de projets clés-en-main, qu'il filmait souvent avec désinvolture, les producteurs marlous se servant de son nom pour donner du chic à des projets qui n'en avaient pas.
Lucrèce Borgia est de ceux-là.
A l'origine, un scénario roublard de Léopold Marchand et Henri Vendresse , qui compile tous les ragots existant autour des Borgia , et se plaît à enchaîner les scènes à faire pour titiller le public : ripailles, orgies, viols, et bien évidemment la toilette de la dame, nous y reviendrons.
Qui plus est, le film ne dispose pas de beaucoup de moyens, et ça se voit. Pour compenser, le production bétonne la distribution : des vedettes de théâtre (Maurice Escande, Aimé Clariond, Roger Karl), de jeunes espoirs (le futur écrivain Philippe Hériat, ou Josette Day, qui deviendra La Fille du Puisatier de son mari Pagnol), qui, ici, apparaissent un peu en roue libre, Gance n'étant pas réputé pour la finesse de sa direction d'acteurs.
La présence insolite du cher mais excessif  Antonin Artaud, dans le rôle exalté du moine Savonarole, n'arrange pas grand'chose .
Ce qui n'est rien à côté de la magistrale erreur de distribution que constitue le choix de Gabriel Gabrio pour incarner César Borgia, le frangin dégénéré de Lucrèce.


Ce serait exagéré d'écrire que Gabrio a toujours été mauvais. La preuve, c'est qu'il y a des films où il est moins mauvais que d'autres. Notamment ceux où il parle pas. Car si cet acteur massif a une véritable présence à l'écran, il joue redoutablement faux. Il joue faux dans Pépé Le Moko, dans Les Croix de Bois, et surtout dans Regain, de Pagnol, où , comble, il joue faux face à Orane Demazis, qui joue pas très juste non plus, ce qui donne un résultat vertigineux...
Ici, il charge son monstre de façon démesurée, hurlant, bâfrant, donnant à ses scènes des airs de parodie jouée sous coke .
Et Lucrèce, me direz-vous ?
Eh bien, Lucrèce, elle est jouée , figurez-vous , par une femme qui deviendra une des Grandes Dames du Théâtre Français : madame Edwige Feuillère...

 Avant....


Après...

La métamorphose théâtrale ne se produira vraiment qu'après l'Occupation , et les grands rôles au cinéma, qui resteront rares, n'arriveront qu'à l'orée de la guerre. En attendant, comme toutes les actrices débutantes,  et quoique pensionnaire de la Comédie Française, madame Feuillère prend ce qu'on lui donne. Et comme elle est fort bien faite, on la retrouve dans des vaudevilles médiocres, filmée en déshabillée, voire pire, comme dans cet obscur Monsieur Albert de 1932 :

 
 
Le fait qu'Edwige accepte de jouer nue n'est certes pas un détail pour les producteurs malins du film . En fait, même, tout est là : il s'agit de faire un film sur la dépravation, avec des images de dépravation. Et les dits producteurs ont certainement en tête le film ahurissant de Cecil B.De Mille, Le Signe de la Croix,sorti en 1932,  où Claudette Colbert/Poppée se baigne lascivement dans un bain de lait d'ânesse... 


On verra donc Lucrèce / Edwige faire sa toilette, laissant entrapercevoir, de façon assez chaste pour nos yeux contemporains, mais rare pour l'époque, les formes de son corps. La seule présence de cette scène suffira à garantir le succès du film.
Mais la grande Feuillère est déjà plus forte que cela , et s'il y a quelque chose à sauver du film, c'est bien ses multiples tentatives pour donner de la profondeur et de la sincérité à un personnage et à des tourments écrits à la truelle.

Le film est donc à réserver aux amoureux d'Edwige... et surtout aux amateurs de kitsch !!

Bonus : allez, bande de coquins, voici quelques captures de la scène du bain !





Allez, ça suffit, maintenant !

A plus !

Fred.

Sources :
Roger Icart, Gance et ses films alimentaires, revue 1895.
Raymond Chirat/Olivier Barrot , Noir et Blanc, Flammarion, 2000.








vendredi 13 janvier 2017

GARE A TES FESSES, LUCRECE !

Bonjour les amis !

Dimanche prochain, à 00 H 25 , sur France 3 : Lucrezia Borgia (1940) , de Hans Hinrich...

 A partir de ce dimanche, et pour trois semaines, le CDM a la bonne idée de diffuser plusieurs évocations de la vie et des frasques d'une des plus belles garces de l'Histoire  : Lucrèce Borgia.
Fille naturelle d'un cardinal romain, la vraie Lucrèce sera élevée comme une princesse, ce que la grande noblesse ne lui pardonna pas. Très proche de son frère, l'ambitieux Cesar Borgia, elle est mariée pour servir les intérêts de celui-ci à un homme trop vieux pour elle. Le mariage ne dure pas et on dit que c'est lui qui, le premier, fera courir les bruits sur la prétendue vie de débauche de son ex-femme, et , surtout, sur ses liens incestueux entre elle, son frère et son père.
Si aujourd'hui, la plupart de ces affirmation sont fortement sujettes à caution, cette légende va ravir les raconteurs d'histoire de toutes époques.  Mérimée, Dumas, Zévaco feront d'elle une héroïne de littérature. Au théâtre, c'est le père Hugo qui lui réglera son compte.
Vous vous doutez bien que le cinéma n'a pas traîné .
Dès 1910, les pionniers du Cinéma Italien (Caserini, Genina) , impriment son histoire sur pellicule. L'époque est aux péplums , aux grosses reconstitutions historiques, et la flamboyance (ainsi que le côté coquin) des Borgia fait recette.
Hollywood s'y colle dès 1917, avec Florence Reed dans le rôle principal d'un film aujourd'hui perdu,  The Eternal Sin...


... et l'Allemagne expressionniste en 1922 !



La version proposée ce soir n'est pas une des plus célèbres, elle est même carrément rare. Rare, mais bien dans cette époque , si je puis dire.
Le cinéma fasciste italien tente en effet, depuis le milieu des années 30, de retrouver la splendeur de l'Âge d'Or du Péplum, en finançant pour partie son cinéma et en mettant en oeuvre, ponctuellement,  à des fins de propagande, de grandes fresques patriotes dont la plus célèbre est Scipion l'Africain (1937), de Carmine Gallone...


A l'orée des années 40, le film en costume est particulièrement à la mode , car il permet de contourner une censure particulièrement tatillonne sur la représentation du contemporain...
On retrouve l'axe Rome-Berlin à travers la personnalité du metteur en scène , Hans Hinrich, obscur metteur en scène de la UFA berlinoise pendant l'époque nazie. Echange de bons procédés, sans doute. A la même époque, Karl Koch mettra en scène La Tosca...

 
Lucrèce est interprétée par Isa Pola , qui fut une des comédiennes les plus importantes du cinéma italien des années 30, abonnée aux comédies.


Ses partenaires Carlo Ninchi et Nerio Bernardi sont, eux, des coureurs de fond , que l'on verra durant plus de trente ans dans des rôles d'inégale valeur, du film historique à la comédie en passant par le peplum.

Une authentique curiosité que le film de ce soir , sans doute plus sage, moins coquine et roublarde que les suivantes (nous y reviendrons), mais peut-être aussi plus juste !


Long extrait du film, pour vous donner un avant-goût :


A plus !

Fred.







dimanche 8 janvier 2017

CINEMA DE MINUIT - LE ROI EST NU...

Bonjour les amis !

Je vous souhaite à tous une très bonne année, riche en redécouvertes archéocinéphiles de toutes sortes !

Et on commence dès ce soir, à 00 H 25, sur F3, avec Le Petit Roi (1933), de Julien Duvivier...


L'année dernière a vu la restauration , la diffusion et la réhabilitation de nombreux films de Duvivier. Ce n'est que justice, tant ce grand cinéaste fut longtemps gardé dans l'ombre de son brillant contemporain, Jean Renoir.
Panique, la Fin du Jour, Pépé Le Moko, Voici le Temps des Assassins, témoignent d'une maîtrise totale de l'art cinématographique et d'une incontestable sensibilité, qu'on lui a longtemps dénié.
Bien sûr, toute son oeuvre n'égale pas ses sommets, et il connaît des coups de mous.
Mais surtout, surtout, une large part de son oeuvre reste à découvrir . Ses films muets, à l'exception de Poil de Carotte  et d'Au Bonheur des Dames, sont invisibles, ou portés disparus .


Porté disparu, on l'a longtemps cru du Petit Roi . Mais une copie subsistait, conservée aux archives du Film de Bois d'Arcy. C'est celle-ci, sortie en vidéo il y a quelques mois, qui est ici proposée.
A cette époque, Duvivier a pour acteur fétiche le génial Harry Baur. Ils explosent ensemble à l'orée du parlant, avec l'excellent David Golder. Suivent Les Cinq Gentlemen Maudits,  et un remake parlant de Poil de Carotte. Baur y joue monsieur Lepic face au tout jeune... Robert Lynen.


Baur et Duvivier sont très impressionnés par la photogénie de ce garçon de douze ans. Le film est un triomphe, et Lynen devient une vedette du jour au lendemain, le premier enfant-star du parlant français. Duvivier ne tient pas à le laisser filer, et décide de battre le fer tant qu'il est chaud, en adaptant un roman pour enfants datant de 1910, et relatant l'accession au pouvoir d'un souverain de 10 ans, dans un pays imaginaire. On est loin du réalisme social de Poil de Carotte, et le film n'aura pas le même écho.
Il n'empêche : Lynen est lancé , et s'il loupe de peu le rôle de Gavroche dans Les Misérables , de Raymond Bernard, il devient le Rémi du Sans Famille de Marc Allégret.


 Son succès s'amenuisera avec l'âge,qui met davantage en évidence ses limites de comédien ( Jouvet disait de lui qu'il "jouait comme une vache" !) ,  mais Duvivier le soutiendra toujours, lui donnant des petits rôles dans Carnet de Bal, La Belle Equipe et l'Homme du Jour.
Pendant l'Occupation, il entre dans la Résistance. Arrêté , il est fusillé en 1944, en Allemagne, à 23 ans, après avoir tourné 13 films.
En 1967, pour rendre hommage à l'acteur et à l'homme, la Cinémathèque de la Ville de Paris devient la Cinémathèque Robert Lynen...





Autour de lui, dans le film , au sein d'une distribution un peu vieillotte, on remarque Robert le Vigan, autre acteur fétiche de Duvivier, acteur halluciné qui joue ici le rôle ... d'un fou, et surtout Béatrice Bretty, monstre sacré de la Comédie Française pendant plus de trente ans, et qui ne fit que très très peu de cinéma ( deux films dans les années 30, trois dans les années 50) !


Ne serait-ce que pour redécouvrir Lynen et Bretty, vedettes oubliées, le film vaut le détour...

A plus !

Fred.