vendredi 24 janvier 2014

CINEMA DE MINUIT - CLAP DE FIN DE TOURNEUR...

Bonjour les amis !

Dimanche, à 00 H 15, sur F3 : Impasse des Deux-Anges (1948) de Maurice Tourneur...


Rare encore, ce film; qui est le dernier signé par Maurice Tourneur.


Tourneur est un pionnier, une légende des premiers temps du cinéma. Débutant dans la mise en scène en 1913, il est rapidement expédié aux Etats-Unis, où, au lendemain de la Première Guerre Mondiale, il devient un des cinéastes les plus importants, dirigeant Mary Pickford, Lon Chaney ou Wallace Beery.
La main-mise de plus en plus grande des Majors, à la fin des années 20, l'amène à rentrer en France, où, après un temps d'acclimatation du à l'émergence du parlant, , il retrouve la place qui est la sienne, notamment grâce aux Gaietes de l'Escadron ou à Justin de Marseille (1934) :


Mais la vie n'est pas tendre avec lui. Durant l'Occupation, il continue de tourner, notamment pour la Continental, firme française à capitaux allemands, ce qui n'empêche pas sa femme, juive, d'être arrêtée et séquestrée par les allemands en 1943. Bouleversé, affaibli, il abandonne la fin du tournage de La Main du Diable à son assistant Jean Devaivre...Ce sera son dernier chef d'oeuvre.
A la Libération, il est un temps suspendu , comme d'autres, pour son travail à la Continental.
Quand il reprend son activité , en 1948, il a 71 ans. J'ai déjà écrit ici que les derniers films des auteurs n'étaient pas forcement des testaments fulgurants. C'est hélas le cas ici.
Même si Tourneur fait appel à Jean-Paul le Chanois, son scénariste fûté de La Main du Diable, l'inspiration manque à l'appel, et , surtout, l'univers est celui d'avant-guerre. Cette histoire d'une actrice  tombant amoureuse d'un voyou le soir de son riche mariage, et fuyant avec lui, fleure trop la destinée tragique des amants et le réalisme poétique d'avant-guerre. Mais les temps ont changé, et le cinéma d'alors, est soit plus noir ( les films d'Yves Allégret et Jacques Sigurd, Une si jolie petite plage, avec Gerard Philipe, ou Manèges, avec Signoret) ou carrément cornichon ( les films de Bourvil, Fernandel et Tino Rossi). Le mythe de la pauvre fille et du mauvais garçon ne reviendra, avec un soupçon de nostalgie , qu'avec Casque d'Or, en 1952...


Mais, comme toujours, dans le cinéma de cette époque, ce qui charme, ce sont les acteurs. ¨Paul Meurisse, en voyou, laisse libre cours à son tempérament d'adorable salaud, qui fera merveille, quelques années plus tard, dans Les Diaboliques de Clouzot :


La garde rapprochée des fringants seconds rôles, Jacques Castelot, Jacques Baumer, Paul Demange est de la partie, ainsi que la doyenne Marcelle Praince et l'impressionnant Marcel Herrand dans le rôle du marquis bafoué.
Et puis, bien sûr, il y a Signoret, dont on ne dira jamais assez la singulière beauté et la puissance de jeu, dans tous ses films d'alors...


Je signalais que Tourneur n'avait pas été gâté par la vie. Quelques temps après la fin du tournage, il eut un grave accident de voiture. On l'amputa d'une jambe, et il resta paraplégique. Ce qui mit, evidemment, fin à sa carrière. Il termina sa vie en écrivant des romans policiers... Parfois, la vie est encore plus noire que les films...

A plus.
Fred.








dimanche 19 janvier 2014

CINEMA DE MINUIT - JANIE DE MES RÊVES...

Bonjour les amis !

Ce soir , à 00 H 25, sur France 3 : Mam'zelle Nitouche ( 1931) de Marc Allégret...

 
Encore une rareté franchement ancienne, que cette version de Mam'zelle Nitouche ! La version la plus connue, en tous cas la plus souvent diffusée est celle réalisée, plus de vingt ans plus tard,  en 1954 par Yves Allégret ( le jeune frère de Marc, déjà assistant sur la version de 31) , avec Fernandel et Pier Angeli...
Mais  Mam'zelle Nitouche, c'est avant tout une antique opérette (1883 !) signée Henri Meilhac et Albert Millaud  , sur une musique d'Hervé, fameux rival d'Offenbach.
Populaire et fréquemment reprise , cette bluette ne pouvait qu'intéresser les pionniers du parlant. Il faut dire qu'elle mêle roucoulades et vaudeville militaire , deux genres qui faisaient un carton à l'époque.
L'histoire est inspirée de la propre vie du compositeur Hervé : Celestin, un organiste de couvent le jour, écrit des opérettes la nuit. Suite à une série de malentendus, il devient le chaperon d'une des pensionnaires , qui veut fuir le couvent car ses parents veulent la marier. Les deux se retrouvent dans une caserne.
Ayant visionné la version de 54, je peux d'ores et déjà vous dire que les chansonnettes sont sympas, mais que le livret ne va pas loin. Le véritable intérêt du film est , je pense, dans sa distribution, où l'on retrouve, d'abord, l'hénaurme Raimu.


Si celui-ci est devenu une vedette au théâtre grâce au Marius de Pagnol en 1928, sa gloire cinématographique est toute récente : Nitouche est en effet son troisième rôle parlant, après Le Blanc et Le Noir de Guitry, et, déjà, Marc Allégret ( qui voit aussi les débuts de Fernandel !) ...



... et, bien sûr, la version filmée de Marius, signée Alexandre Korda...


On y aperçoit également des acteurs pittoresques, venus de l'univers de Pagnol ( Delmont, Maupi) ou encore du théâtre parisien ( Alerme) et surtout, on y découvre , dans son deuxième ... et avant-dernier long métrage , l'étrange Janie Marèse .


Petite bourgeoise proprette possédant un joli filet de voix, "divette" comme on disait alors, elle n'aurait pu être qu'une de ces fraîches candeurs qui font merveille dans les opérettes filmées, et dont Darrieux, quelques mois plus tard, allait être l'emblême.
Mais elle rencontra Jean Renoir, qui eut la fulgurance , juste après Nitouche, de l'engager pour son premier chef d'oeuvre, La Chienne, aux côtés de Michel Simon. De l'avis de tous les amateurs de garces cinématographiques (appelons les choses par leur nom), elle fut la plus vraie, la plus sincère, la moins factice de toutes, loin devant Viviane Romance, Ginette Leclerc et autres Mireille Balin. . La composition de Simon et Marèse , ainsi que l'âpreté de la mise en scène de Renoir, permirent de métamorphoser le mélo en tragédie :



Mais la jeune femme ne profita jamais de l'excellence de sa composition . Peu après la fin du tournage, et bien avant la sortie du film, elle eut un accident de voiture avec son  amant Georges Flamant (que l'on aperçoit dans l'extrait.) Il survécut, pas elle. Elle avait 23 ans. Michel Simon, tombé éperdument amoureux d'elle, eut un malaise pendant l'enterrement.
Des années plus tard, à la fin des années 60,  l'émotion du tournage était encore vive pour les deux vieux compères (à partir de 05 :00, mais vous pouvez regarder, je pense , l'intégralité de cette archive d'anthologie...)




Mam'zelle Nitouche , qui n'est sans doute pas un chef d'oeuvre , a au moins le mérite d'être une rares occasions de redécouvrir cette étoile filante...
Extrait (chanté, bien sûr) :


A plus.
Fred.

dimanche 12 janvier 2014

CINEMA DE MINUIT - IL ETAIT UN PETIT NAVIRE...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 25, sur France 3 : Le Paquebot Tenacity (1934) de Julien Duvivier...


Et nous voilà repartis pour un nouveau cycle Patrimoine Français , avec , cette fois, pas mal de raretés. Et là, on commence très fort avec un des plus obscurs films du père Duvivier. Avant sa programmation, je n'en connaissais même pas l'existence, et pourtant, je m'intéresse à tout ce qu'a fait le Juju.
Je vais donc vous donner les rares infos glanées ça et là sur le film et ses interprètes, pour le reste, ce sera la surprise, ce soir, pour vous comme pour moi .
Contrairement à Sous le Ciel de Paris, diffusé il y a peu, ce film se situe dans la période montante de la carrière de Duvivier .A l'arrivée du parlant, il s'est imposé en s'associant avec succès avec l'acteur Harry Baur pour David Golder, La Tête d'un Homme, et le remake sonore de son propre Poil de Carotte : 


 Il s'apprête également à lancer la carrière de Gabin : ses deux films suivants seront Maria Chapdelaine et, surtout , La Bandera : 


Il semble donc bien que ce Paquebot soit un film de transition entre la période Baur et la période Gabin.
Il est adapté par Charles Vildrac de sa propre pièce de théâtre, créée en 1920. L'action ne s'y déroule pas sur le bateau, mais dans un hôtel, où deux copains sur le départ se battent pour le coeur d'une serveuse. Devinez quoi ? Un seul des deux prendra le bateau. Voilà qui a toutes les apparences d'une petite comédie sentimentale. Impression confirmée par le choix de l'acteur principal, Albert Préjean.


 Préjean fut , avec Henri Garat et Pierre Mingand, un de ces acteurs-chanteurs au filet de voix un peu insuffisant pour le music-hall, mais qui firent merveille dans l'univers formidablement amplifié du cinéma sonore. Il avait déjà fait son trou au moment du muet, notamment auprès de René Clair, dont il fut également, , en tant qu'ancien aviateur , conseiller technique sur La Proie du Vent (1927)


Et c'est tout naturellement Clair qui lui offre son premier grand rôle parlant dans la comédie musicale Sous les Toits de Paris (1930) :



La chanson et le film font un triomphe , qui lance la carrière de Préjean. Celui-ci incarne donc, pendant quelques années, le jeune premier issu du peuple, ouvrier, employé , ou p'tit marlou sympathique, celui, qui, en deux trois blagounettes, emballe la catherinette à la fin de la fête foraine. L'arrivée de Gabin, acteur plus solide, plus massif, et au registre de jeu incomparable, fera pâlir l'étoile de Préjean, qui , après avoir incarné  Maigret à plusieurs reprises sous l'Occupation, s'éloignera progressivement des écrans, laissant son fils Patrick reprendre le flambeau. Il n'en reste pas moins un des visages les plus emblêmatiques du cinéma populaire des années 30, et un des plus appréciés du public nostalgique.

Nettement plus lointain est le souvenir de sa partenaire, Marie Glory.



 Ce charmant petit minois fait partie, aux côtés de Lilian Harvey, Meg Lemmonier et autres Colette Darfeuil, de ces frimousses que l'Histoire du Cinéma a mangées toutes crues, et, qui , pourtant, en leur temps , furent des vedettes fort appréciées du grand public. Marie est révélée dans l'un des derniers chefs-d'oeuvre du muet français, L'Argent de Marcel l'Herbier, en 1928 :


A partir de là, et sans être freinée par le parlant, elle va tourner sans cesse, jusqu'à six films par an, dirigée aussi bien par des tâcherons que par des Tourneur ou des Feyder, cela jusqu'à la Seconde Guerre Mondiale. A partir de là, c'est sa vie qui devient un film : aviatrice elle aussi , elle est une des rares actrices à rejoindre les Forces Françaises Libres en 1942. A la Libération, elle ne parvient pas à retrouver sa place. Après quelques apparitions, elle se range et ouvre un salon de coiffure à Paris.
Presque totalement oubliée du milieu et du public, elle aura tout de même le privilège de demeurer un certain temps la doyenne du Cinéma Français : elle meurt en 2009, à l'âge vénérable de ... 103 ans !

Quand à Hubert Prélier, le comparse de Préjean dans le film, il est un mystère : sa fiche IMDB indique six films tournés entre 1933 et 1942, dont trois Duvivier : sans doute un lancement raté. Nous verrons ce soir s'il s'agissait d'une injustice ou non...

Hors Sujet : Les gens de goût, avant de savourer le film du CDM, n'hésiteront pas à se brancher sur Arte pour y savourer Casque d'Or, le chef-d'oeuvre de Jacques Becker avec Simone Signoret et Serge Reggiani...


A plus !
Fred.
 







samedi 4 janvier 2014

CINEMA DE MINUIT - LA CHANCE AUX CHAMPION...

Bonjour les amis et bonne année à tous !

Demain soir, à 00 H 25 sur France 3 : Donnez-lui une chance (1953) de Stanley Donen...


Dernier musical MGM des fêtes, et pas le plus connu, Donnez-lui une chance permettra aux curieux de découvrir un tandem bien oublié : celui constitué par  Marge & Gower Champion.


Si ce nom ne vous dit rien, c'est parce qu'Hollywood est un monde sans pitié, où le talent de certains explose aux yeux de tous, alors que celui d'autres... explose en vol. C'est particulièrement vrai dans le domaine de la Comédie Musicale , où le passage de Broadway à Hollywood s'est avéré périlleux pour beaucoup.
Par exemple, au début du parlant, où des valeurs sûres de la scène comme Lilian Roth ou Ethel Merman ne sont pas parvenues à s'imposer sur grand écran :


C'est aussi un peu le cas de Gower Champion, qui se fit remarquer dès la fin des années 30 comme danseur et chorégraphe. Après la guerre, il rencontre et épouse Marjorie. Leur période faste est au début des années 50, où ils sont engagés par la MGM, qui souhaite en faire de nouveaux Astaire-Rogers, et où Gower rencontre son premier grand succès de chorégraphe avec Make a Wish à Boroadway. Des deux mèches allumées, une fera long feu.
Assez vite, en effet, le studio ne sait trop que faire du couple, certes talentueux, mais trop peu charismatique. Très vite, on leur adjoint des stars maison : Kathryn Grayson, Howard Keel, Esther Williams .On peut même se demander si l'exclusivité de leur tandem ne leur nuit pas, ce qui peut venir à l'esprit lorsque l'on voit Gower, tout jeune, associé  à Cyd Charisse,  dans La Pluie Qui Chante, en 1946 :


Cette sensation de remplissage se sent également dans le film de ce soir, où les Champion se voient adjoindre une autre débutante, Helen Wood , et surtout la pétillante Debbie Reynolds, vraie locomotive du film...


Celle-ci était encore tout auréolée de son triomphe dans Chantons Sous la Pluie, réalisé un an auparavant par Gene Kelly et  Stanley Donen...


Drôle de casting pour un film qui n'est d'ailleurs pas produit par Arthur Freed, signe que nous sommes sans doute en présence d'une Série B - mais une Série B MGM, donc quand même assez cossue.
On notera que les scénario, signé par les deux briscards Albert Hackett et Frances Goodrich, reprend peu ou prou le dispositif de Ziegfeld Girl, diffusé il a quinze jours : on y suit les parcours croisés de trois danseuses...
Ce qui porte le film ici, ce sont bien évidemment les séquences dansées, réalisées sous l'oeil expert de Donen, de Champion, et... d'un petit jeune, qui, très vite, allait sa faire un grand nom dans les monde du musical : Bob Fosse.

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Il deviendra ensuite un des plus grands chorégraphes et metteurs en scène d'Hollywood ,chaînon manquant entre l'ancien et le moderne,  avec All that Jazz, Star 80, et, bien sûr, Cabaret...
Un des plus beaux numéros du film est celui qu'il execute avec Debbie Reynolds :


En 1955, les Champion retournent à New York. Bien leur en prend. Gower devient , dans la décennie suivante, un des plus grands money-makers de Broadway, en montant notamment deux grands succès, Bye Bye Birdie et Hello Dolly !  Il totalisera sur toute sa carrière, pas moins de neuf Tony Awards (équivalent de nos Molières) .

Bande-annonce du film de ce soir :


A plus !
Fred.