samedi 28 avril 2018

CINEMA DE MINUIT - ECLOSION DE LA ROSE ANNA...

Bonjour les amis !

Dimanche, à 00 H 30, sur F3 : Mademoiselle Vendredi (1941), de Vittorio De Sica...


Avant de devenir le réalisateur le plus emblématique du néo-réalisme italien, Vittorio de Sica fut un jeune premier très populaire, qui s'appuya sur cette popularité pour faire ses gammes de metteur en scène dans une Italie en guerre. Loin de  Sciuscià, du Voleur de Bicyclette ou d'Umberto D....



... le film, le troisième de son auteur, n'est pas, loin s'en faut, un film social. Il s'agit d'un joli mélodrame , comme l'Italie en produisait alors une palanquée.
Un jeune pédiatre ruiné (De Sica) est contraint d'exercer dans un pensionnat de jeunes filles, où, ô surprise, il tombe amoureux d'une des pensionnaires...
Le film est visiblement destiné à lancer une nouvelle actrice : Adriana Benetti, la belle et jeune orpheline.

Seulement voilà : dans le film, le beau docteur a une volcanique maîtresse, une chanteuse, qui plus est.
Et la maîtresse, c'est Anna Magnani.


Après plus de dix ans passés à ronger son frein de petits rôles en occasions, l'actrice trouve ici, enfin , un rôle à la mesure de son talent, de son énergie , de son tempérament . A chacune de ses apparitions , elle vole le show (comme disent les québecois) au couple vedette qui n'en peut mais.

Elle qui, au départ, n'avait même pas son nom sur l'affiche (voir plus haut) , voit ensuite son nom écrit en plus gros que celui de ses partenaires, lors de certaines ressorties nationales ou étrangères.


C'est elle qui donne au film tout son sel.
La demoiselle Benetti aura sa revanche quelques mois plus tard, en incarnant une fille-mère, aux côtés de Gino Cervi, dans un des plus grands succès commerciaux et critiques de l'époque, annonciateur du néo-réalisme : Quatre Pas dans les Nuages, d'Alessandro Blasetti ...


Il faudra à la Magnani attendre encore 1944 et le Rome, Ville Ouverte de Rossellini pour entrer dans l'Histoire du Cinéma de plain-pied.

Extrait du film, avec la belle Anna, bien sûr !


A plus !

Fred.



samedi 21 avril 2018

CINEMA DE MINUIT - YIDDISH CONNECTION...

Bonjour les amis !

Dimanche, à 00 H 35 sur F3 : Le Dibbouk (1937), de Michal Waszynski...


Il reste aujourd'hui fort peu de traces de ce que fut le Cinéma Yiddish. Et pourtant, il exista , de 1910 à 1940, un infime courant du cinéma mondial destiné spécifiquement aux juifs ashkénazes, qui se développa aussi bien en Russie qu'aux Etats-Unis et en Europe.
D'abord muette, cette production , à l'orée du parlant, fit résonner dans les salles les sonorités du yiddish, langue parlée du peuple juif. .
Ces films pouvaient aussi bien être de petites bandes médiocres, produites par des producteurs opportunistes  que des films réellement ambitieux.

Dans la première catégories, on trouve les mélos américains signés Sidney Goldin ...


Et dans la seconde, des films soviétiques signés Granowski ou Koulechov... ou le film de ce soir, qui appartient à ce que les historiens nomment l'Âge d'Or du Cinéma Yiddish, qui commence en 1935, et concerne quasi exclusivement les films produits en Pologne.
Michal Waszynski, qui le réalise, est le réalisateur polonais le plus prolifique des années 30 (un quart des films produits pendant la décennie !). Juif converti au catholicisme, il décide de revenir à ses origines en adaptant une des pièces les plus fameuses du répertoire yiddish.
Le Dibbouk est, dans la tradition juive, un esprit qui vient posséder un vivant fautif . Ici, c'est un serment de marier leurs enfants respectifs, non respecté par des parents , qui cause le malheur de leur descendance . L'intervention d'un rabbin miraculeux fera partir le Dibbouk, et c'est dans l'Au-Delà que les amants maudits seront enfin liés.
L'oeuvre est une véritable synthèse des thèmes et enjeux des contes hassidiques.
Le réalisateur développe certains aspects, comme celui qui unit les deux mères des deux amants . Certains critiques y ont vu un parfum d'homosexualité . Waszynski, qui était lui-même gay, fait surtout montre d'un véritable inspiration esthétique pour raconter cette histoire, s'approchant souvent du meilleur de ce qui fut l'expressionnisme allemand. Ce qui, à cette époque, paraît très ironique.
Le film fut redécouvert à l'occasion d'une série de restaurations de films yiddishs  effectués par Lobster Films.
Trésors échappés  du néant , reliques d'un cinéma, selon le mot terrible de Serge Bromberg, évaporé avec ses spectateurs...

A ne rater sous aucun prétexte.

Extrait : 


A plus !

Fred.





vendredi 13 avril 2018

CINEMA DE MINUIT - PAUL BOIT LE BOUILLON..

Bonjour les amis !

Dimanche, à 00 H 30, sur F3 : La Dame d'Onze Heures (1948), de Jean-Devaivre...


Avant La Ferme aux 7 Péchés, diffusé la semaine dernière , Jean-Devaivre a tourné ce film, qu'il considère comme son premier film. On le comprend, car son premier premier , Le Roi des Resquilleurs, avec Rellys, est un remake crétin d'un film crétin tourné par Georges Milton/Bouboule au début des années 30...
A l'issue de cette besogne, Devaivre se voit offrir un roman policier, signé Pierre Apostéguy. Il y voit tout de suite la matière pour un film amusant et énergique. Il contacte alors Jean-Paul Le Chanois. Ces deux-là furent très importants dans la réussité d'un des grands films de l'Occupation : La Main du diable, écrit par Le Chanois, et dont Devaivre, assistant, réalisa quelques plans essentiels, en l'absence du réalisateur Maurice Tourneur...
Le financement du film s'annonce compliqué: aussi Devaivre propose-t-il à ses acteurs principaux et techniciens d'être rémunéré à la participation, à l'intéressement. La plupart acceptent, sauf Paul Meurisse, vedette du film. Des comédiens amis du cinéaste (Palau, Pierre Renoir) , ne sont sollicités qu'une journée pour ne pas alourdir le budget. Quand aux scènes de poursuites, nombreuses , elles se feront  à la va-vite, ce qui faillit entraîner un drame : en montrant à l'acteur Pierre Louis une cascade à moto, Devaivre se prend un arbre et se blesse à la jambe. Mal soigné, il termine le tournage dans un fauteuil roulant !
Suivant l'exemple des films de Tourneur et de Clouzot, le réalisateur bétonne son histoire, ses dialogues et sa distribution,, mais contrairement à eux, cinéastes d'atmosphère, il mène son récit à vive allure, se passe de générique , entre directement dans le vif du sujet, et ne laisse pas au spectateur le temps de souffler.
Cette audace sera payante : le film sera un très grand succès critique et public. Devaivre dira que les qualités de son film, originalité, vivacité , inventivité visuelle, seront celles, quinze ans plus tard, de la Nouvelle Vague. Celle-ci n'aura jamais la politesse de se rappeler au bon souvenir du cinéaste...

Encore une fois, à ne pas manquer !

Extrait : 


 A plus !

Fred.




dimanche 8 avril 2018

CINEMA DE MINUIT - DIFFICILE DISTRIBUTION DU COURIER...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 55, sur F3 : La Ferme des 7 Péchés (1949), de Jean-Devaivre...

Bien oublié aujourd'hui, le pamphlétaire Paul-Louis Courier fut une des personnalités les plus talentueuses et les plus sulfureuses du début du XIXème Siècle. Stendhal le tenait pour l'homme le plus intelligent de France, mais il fut surtout un des plus ingérables !
Militaire antimilitariste, pacifiste envoyé sur tous les fronts, républicain défiant, anti-bonapartiste,  libéral, anticlérical, il sera surtout un des opposants les plus vifs à  Louis XVIII et à La Restauration . Finissant en prison plus souvent qu'à son tour, il se fait un nombre considérable d'ennemis.
C'est pourquoi, quand on le retrouve assassiné près de sa propriété de Veretz, en Touraine, le 10 Avril 1825, la liste des suspects est longue. Et si, au terme de deux procès, un coupable est désigné , le doute restera longtemps de mise.
La flamboyance du personnage, et le mystère de sa mort devaient naturellement attirer, à un moment ou à un autre, le cinéma.
C'est Jean-Devaivre qui releva le gant. Il faut dire que le réalisateur est lui-même un Résistant. Au sens propre. Il se définissait même comme "terroriste à temps complet dans le maquis de Saône-et-Loire".
Il venait de se faire remarquer avec La Dame d'Onze Heures (dont nous parlerons la semaine prochaine , au moment de sa diffusion au CDM). Raconter Courier l'excite. Seul souci : il est bien le seul.
Trois ans après la Libération , l'image de Courier est encore celle d'un personnage subversif , d'un agitateur. Les banques privées , qui finançaient (déjà) en grande partie le cinéma français, refusent d'entendre parler du projet.
C'est la banque franco-chinoise qui sauvera le film ! Les firmes distributrices  Neptune et Sirius, , de leur côté, n'y croient pas du tout et tâchent de dissuader Devaivre. Qui n'a pas d'autre choix que de proposer de rémunérer son équipe à la participation. Exit Charles Boyer, Louis Jouvet et Maria Casarès, le prestige du casting est revu à la baisse. Et c'est tant mieux.
Car s'il s'adresse à des comédiens moins côtés, le cinéaste a le nez creux. Pour Courier, il s'adresse à un comédien subtil, angoissé, mais souvent mal employé : Jacques Dumesnil.


Sa sensibilité , et la finesse du metteur en scène, empêchent  l'écueil du numéro d'acteur.Peut-être son meilleur rôle.
Et pour cette reconstitution traitée comme une enquête policière, où les sept témoins vont raconter leur vision du crime (Rashomon n'est pas loin), la distribution est aux petits oignons : Pierre Renoir, Aimé Clariond, Alfred Adam, Palau, René Génin, ainsi que la jeune Claude Génia ...


Devaivre se félicitera particulièrement de deux recrues : monsieur Jean Vilar, qui, à l'instar de son personnage des Portes de la Nuit, joue ici un personnage étrange, choeur antique d'un destin funeste en train de s'accomplir...


... et surtout un tout jeune gars qui n'en veut , et qui trouve ici son premier rôle important au ciné : Jacques Dufilho.

Cavalier émérite, Dufilho tiendra à effectuer lui-même ses cascades, dont une fort dangereuse, ce qui lui attirera le respect de toute l'équipe (et deux jours sans pouvoir lever les bras !). Il est également , et comme il le sera souvent, excellent dans son rôle.

Si le tournage, en Touraine, se passe bien, la suite sera moins rose. La sortie du film sera sans cesse retardée . Par crainte du scandale, des salles de cinéma reviennent sur leur engagement de passer le film. Les distributeurs, désabusés, sabotent le destin de l'oeuvre en la sortant en plein mois d'Août.
Seule consolation : le film remporte un Prix, le Voile d'Or du Jury, au Festival de Locarno.
Consolation avec des réserves, toutefois : le film étant en concurrence avec Le Voleur de Bicyclette, de De Sica, la remise du prix est copieusement sifflée par tous les italiens présents, parmi lesquels les jeunes Comencini et Fellini !
Néanmoins, les mérites et la grande originalité du film vont être rapidement reconnus par quelques contemporains éclairés, dont Erich Von Stroheim, et Jean Cocteau , qui déclarera : Devaivre, c'est le contraire de l'IDHEC (ancêtre de la FEMIS), et c'est ça qu'il fait faire !

A ne pas rater ! 

A plus !

Fred.