dimanche 8 avril 2018

CINEMA DE MINUIT - DIFFICILE DISTRIBUTION DU COURIER...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 55, sur F3 : La Ferme des 7 Péchés (1949), de Jean-Devaivre...

Bien oublié aujourd'hui, le pamphlétaire Paul-Louis Courier fut une des personnalités les plus talentueuses et les plus sulfureuses du début du XIXème Siècle. Stendhal le tenait pour l'homme le plus intelligent de France, mais il fut surtout un des plus ingérables !
Militaire antimilitariste, pacifiste envoyé sur tous les fronts, républicain défiant, anti-bonapartiste,  libéral, anticlérical, il sera surtout un des opposants les plus vifs à  Louis XVIII et à La Restauration . Finissant en prison plus souvent qu'à son tour, il se fait un nombre considérable d'ennemis.
C'est pourquoi, quand on le retrouve assassiné près de sa propriété de Veretz, en Touraine, le 10 Avril 1825, la liste des suspects est longue. Et si, au terme de deux procès, un coupable est désigné , le doute restera longtemps de mise.
La flamboyance du personnage, et le mystère de sa mort devaient naturellement attirer, à un moment ou à un autre, le cinéma.
C'est Jean-Devaivre qui releva le gant. Il faut dire que le réalisateur est lui-même un Résistant. Au sens propre. Il se définissait même comme "terroriste à temps complet dans le maquis de Saône-et-Loire".
Il venait de se faire remarquer avec La Dame d'Onze Heures (dont nous parlerons la semaine prochaine , au moment de sa diffusion au CDM). Raconter Courier l'excite. Seul souci : il est bien le seul.
Trois ans après la Libération , l'image de Courier est encore celle d'un personnage subversif , d'un agitateur. Les banques privées , qui finançaient (déjà) en grande partie le cinéma français, refusent d'entendre parler du projet.
C'est la banque franco-chinoise qui sauvera le film ! Les firmes distributrices  Neptune et Sirius, , de leur côté, n'y croient pas du tout et tâchent de dissuader Devaivre. Qui n'a pas d'autre choix que de proposer de rémunérer son équipe à la participation. Exit Charles Boyer, Louis Jouvet et Maria Casarès, le prestige du casting est revu à la baisse. Et c'est tant mieux.
Car s'il s'adresse à des comédiens moins côtés, le cinéaste a le nez creux. Pour Courier, il s'adresse à un comédien subtil, angoissé, mais souvent mal employé : Jacques Dumesnil.


Sa sensibilité , et la finesse du metteur en scène, empêchent  l'écueil du numéro d'acteur.Peut-être son meilleur rôle.
Et pour cette reconstitution traitée comme une enquête policière, où les sept témoins vont raconter leur vision du crime (Rashomon n'est pas loin), la distribution est aux petits oignons : Pierre Renoir, Aimé Clariond, Alfred Adam, Palau, René Génin, ainsi que la jeune Claude Génia ...


Devaivre se félicitera particulièrement de deux recrues : monsieur Jean Vilar, qui, à l'instar de son personnage des Portes de la Nuit, joue ici un personnage étrange, choeur antique d'un destin funeste en train de s'accomplir...


... et surtout un tout jeune gars qui n'en veut , et qui trouve ici son premier rôle important au ciné : Jacques Dufilho.

Cavalier émérite, Dufilho tiendra à effectuer lui-même ses cascades, dont une fort dangereuse, ce qui lui attirera le respect de toute l'équipe (et deux jours sans pouvoir lever les bras !). Il est également , et comme il le sera souvent, excellent dans son rôle.

Si le tournage, en Touraine, se passe bien, la suite sera moins rose. La sortie du film sera sans cesse retardée . Par crainte du scandale, des salles de cinéma reviennent sur leur engagement de passer le film. Les distributeurs, désabusés, sabotent le destin de l'oeuvre en la sortant en plein mois d'Août.
Seule consolation : le film remporte un Prix, le Voile d'Or du Jury, au Festival de Locarno.
Consolation avec des réserves, toutefois : le film étant en concurrence avec Le Voleur de Bicyclette, de De Sica, la remise du prix est copieusement sifflée par tous les italiens présents, parmi lesquels les jeunes Comencini et Fellini !
Néanmoins, les mérites et la grande originalité du film vont être rapidement reconnus par quelques contemporains éclairés, dont Erich Von Stroheim, et Jean Cocteau , qui déclarera : Devaivre, c'est le contraire de l'IDHEC (ancêtre de la FEMIS), et c'est ça qu'il fait faire !

A ne pas rater ! 

A plus !

Fred.




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