vendredi 23 octobre 2015

CINEMA DE MNUIT - AU BOUT DU ROULEAU...

Bonjour les amis !

Dimanche prochain, à 00 H 20, sur France 3 : L'Aventure commence demain (1948), de Richard Pottier...


Richard Pottier au Cinéma de Minuit ? Gloups !


Ce metteur en scène française d'origine austro-hongroise va aligner , des années 30 à 60, tout un chapelet d'oeuvres hautement dispensables , la plupart étant des véhicules pour Tino Rossi et Luis Mariano, comme Destins (1946), ou Violettes Impériales (1951)...




... s'aventurant aussi dans d'autres directions, avec des bonheurs divers : Signé Picpus, un piteux Maigret, l'étrange Meurtres ?  (1950) , avec Fernandel...

ou, car il obtenait parfois de fameux succès commerciaux, le premier volet de la fameuse trilogie Caroline Chérie (1951), avec Martine Carol...



Les retours sur sa direction d'acteur sont édifiants : d'après son assistant Jean Devaivre, il lançait aux comédiens juste avant la prise : essayez ça pas trop con ! Il n'a jamais très bien parlé le français , mais la consigne était claire... et la vision de la plupart de ses films démontre qu'elle fut fort peu suivie...
Avec le film de ce soir, en plus, nous n'aurons pas l'occasion de nous gausser du jeu déplorable de tel ou tel roucouleur.
Ce film , bien bien méconnu, ne nous propose qu'un couple bien oublié : Isa Miranda/Raymond Rouleau.


Star depuis les années 30, où elle fut découverte par Max Ophüls, Isa Miranda  passe à côté d'une brillante carrière hollywoodienne à cause d'un bête accident de voiture. Elle reste donc en Europe, où elle enquille quelques grands succès, comme dans Malombra de Mario Soldati, et surtout, surtout, le très beau Au-delà des Grilles (1948 - elle le tourne juste après le film de ce soir), de René Clément, avec Jean Gabin...



Raymond Rouleau était un fou de théâtre dont on a fait trop vite un jeune premier de cinéma. Dès les années 30, il se partage entre mise en scène de théâtre ET de cinéma, ainsi qu'entre jeu au théâtre ET au cinéma. Question mise en scène, c'est au théâtre qu'il s'épanouit vraiment. Mais le cinéma, curieusement, le sollicite énormément, notamment à partir des années 40. Sûr de lui et dominateur, il se montre insupportable sur les plateaux ! Aujourd'hui, son jeu léger (trop ?), bondissant et ironique surprend, dans cette époque propice aux monstres sacrés tonitruants...

Et le film , alors ? Pas vu, vous pensez bien..Le scènario est intrigant : deux filous essaient d'arnaquer un ancien colonial (André Luguet, éternel colonial, éternel cocu). Mais ils finissent par tomber z'amoureux... 
Soyons brefs : le nom de Pottier comme metteur en scène laisse craindre le pire... Mais la présence, au scénario et aux dialogues , de Norbert Carbonnaux peut être une bouée de sauvetage : il sera, en effet, quelques temps plus tard, l'auteur complet de quelques comédies françaises assez réjouissantes, telles Courte-Tête, ou Candide...


A plus !
Fred.



samedi 17 octobre 2015

CINEMA DE MINUIT - UN OCCIDENT EST SI VITE ARRIVE...

Bonjour les amis !

Demain  soir, à 00 H 15, sur F3 :Razumov /Sous les Yeux d'Occident (1936), de Marc Allégret...


Vous avez aimé les parigots jouant des Turcs ? Vous ADOREREZ les parisiens jouant des russes !!
Cette fois, c'est le déjà fort expérimenté Marc Allégret qui s'y colle, assisté de son frère Yves, et d'une jeunette nommée France Gourdji, qui sera plus connue sous le nom de Françoise Giroud !
Le film est une adaptation d'un roman de Joseph Conrad, le futur inspirateur de Coppola pour Apocalypse Now. Ici, nous en sommes loin .
Un étudiant russe apolitique, après avoir secouru un camarade, se retrouve emporté dans la grande tourmente de la révolution. Il trahit les siens, qui finiront par l'exécuter.
On sent dans ce récit, qui tourne autour de la culpabilité et du cas du conscience,  l'influence du Dostoievski de Crime et Châtiment . Sans doute les producteurs ont-ils voulu réitérer la réussite de la version réalisée en 1934 par Pierre Chenal, la meilleure à ce jour :

En tous cas, ils ont mis le paquet : le générique annonce dix vedettes . C'est un peu exagéré , mais réussir à réunir Michel Simon, Jean-Louis Barrault, Pierre Renoir et Pierre Fresnay était déjà un tour de force. Le film est à coup sûr une curiosité, car il nous permet de découvrir à l'écran le célèbre mais rare Jacques Copeau.


Jacques Copeau fut une des figures les plus importantes du théâtre du début du XXè Siècle, fondant le théâtre du Vieux-Colombier en 1913, en opposition à l'art dramatique enseigné alors au Conservatoire. Il dépoussièrera le répertoire, et lancera des auteurs, tel Roger Martin du Gard ou Claudel. Ses disciples, Jouvet, Dullin, poursuivront son oeuvre.
A la fin des années 30, cherchant à financer ses nombreux projets, et suivant l'exemple de Jouvet, il consent à apparaître au cinéma. Le rôle de Mikulin est son premier rôle parlant. Quatre autres suivront, avant que 'lOccupation ne l'éloigne et des studios et des plateaux...
Le film est également l'occasion de retrouver la fort oubliée Danièle Parola.

Sa carrière est intimement liée à celle du producteur André Daven, qu'elle épouse en 1927, et qui produira la grande majorité de ses films. Sa plus grande victoire est d'être apparue dans la fameuse Veuve Joyeuse , de Lubitsch , aux côtés de Maurice Chevalier et Jeanette MacDonald...


Elle se retire des écrans dès la fin de 1937, mettant fin à une carrière sans grand éclat...

Aimos, Gabrio, Sokoloff, Jean Dasté, et des troisièmes rôles fameux complètent la distribution de cet obscur ouvrage, qui me rend bien curieux : Allégret, réalisateur au souffle bien limité, est-il parvenu à donner épaisseur à ce sujet bien ambitieux ? Fresnay convaint-il , lui, à qui les rôles d'homme perturbé (La Main du Diable)  ont plutôt bien réussi ? Ou tout ce monde a-t-il été convoqué pour pas grand'chose ?
Wait and see...

A plus !

Fred.

dimanche 11 octobre 2015

CINEMA DE MINUIT - AU PIED, SULTAN !

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 25, sur France 3 : L'Esclave Blanche (1939), de Marc Sorkin...


Gloups ! Il y a des hasards malheureux : programmer , le lendemain des attentats d'Ankara, ce film ancien qui montre ouvertement la Turquie comme un repaire de barbares est une coïncidence fâcheuse. Mais bon, tout ceci n'est qu'un cinéma d'époque.
Ce film, très très obscur , témoigne de la difficulté qu'ont eu les producteurs à trouver des rôles valables pour madame Viviane Romance, alors au faîte de sa gloire (elle coiffait alors au box-office ET Darrieux, ET Morgan !).

Révélée par Duvivier dans La Bandera et surtout La Belle Equipe, Viviane Romance est incontestablement la vamp de l'avant-guerre, sensuelle et vénéneuse, ce qu'elle confirmera dans La Maison du Maltais , en 1938.

Mais ce ne sont que rôles de filles perdues, prostituées ou garces. Elle ambitionne qu'on lui confie de grands rôles "sains" ... que personne ne souhaite lui confier. Le film de ce soir se situe dans cette queue de comète, où l'actrice se perd dans des mélodrames qui ne la méritent pas  : ici, une femme , mariée à un diplomate, se retrouve dans une Turquie barbare, où elle est victime des assiduités d'un cruel sultan.

Le réalisateur crédité est Marc Sorkin , ancien monteur et assistant de G.W. Pabst, crédité ici comme superviseur . Ne nous emballons pas, le Pabst d'alors est en pleine déconfiture artistique, loin de la grandeur de ses films avec Louise Brooks...
Sorkin, dont c'est le quatrième et dernier film de fiction, n'a guère laissé de traces.


La distribution ne s'embarrasse pas de réalisme, comme souvent à l'époque : le méchant sultan turc est en effet incarné par... le cher Marcel Dalio, encore une fois grimé en métèque de service, ce qui est bien triste si l'on rappelle que , la même année, il trouvait le rôle de sa vie dans La Règle du Jeu, de Renoir...


Et le reste de la distribution turque est 100 % française , bien sûr : Sylvie, Mila Parély, Roger Blin, j'en passe et même l'inévitable et loufoque Saturnin Fabre dans le rôle de... Djamel Pacha !
On me rétorquera : oui, mais bon, pour Pépé le Moko, c'était la même limonade, et c'est tout de même un chef d'oeuvre !
Oui, certes, mais sur Pépé, il y avait Duvivier derrière la caméra, ainsi que Jeanson aux dialogues . Ici, aux côtés de deux adaptateurs inconnus (le film est un remake d'un muet de 27), on trouve le nom du bien oublié Steve Passeur.
Quand au mari , turc occidentalisé, il est joué, en toute logique, par... un américain ! Il s'agit de John Lodge, dont le titre de gloire fut d'avoir serré Marlène Dietrich dans ses bras dans L'Impératrice Rouge, de Sternberg ...


Ironie du destin, il quittera le cinéma pour la politique et terminera sa carrière en tant ... qu'ambassadeur !
Quoiqu'il en soit, il y a  fort à craindre que le film de ce soir soit un petit monument de kitsch années 30, avec son cortège d'invraisemblances et de connotations racistes. Que les tenants du politiquement correct soient prévenus.
Pour moi, malgré ces grosses réserves, la joie de retrouver ces irremplaçables monstres sacrés que sont Fabre, Dalio, Sylvie , et la belle Viviane, devrait faire passer l'amertume de la pilule.
Et puis on n'est jamais à l'abri d'une bonne surprise !


A plus !

Fred.


 


dimanche 4 octobre 2015

CINEMA DE MINUIT - AVEC LE CARREFOUR, RENOIR POSITIVE !

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 20 sur F3 : La Nuit du Carrefour (1932), de Jean Renoir...

 Après le décevant Chotard et Cie diffusé la semaine dernière, quelle joie de retrouver un vrai Renoir ! Pas son meilleur film, selon moi, j'y reviendrai, mais en tous cas un jalon important de sa carrière, et sa seule rencontre avec l'oeuvre de Simenon.
1932 marque l'entrée de l'oeuvre simenonienne au cinéma, et par la grande porte, puisque deux films sortent cette année-là, mettant en scène le commissaire Maigret : La Nuit du carrefour, d'abord , et Le Chien Jaune, d'Abel Tarride. Ils seront rapidement suivis, début 33, de La Tête d'un Homme , de Julien Duvivier.
La Nuit du Carrefour est d'abord un des meilleurs Maigret de Simenon. Cette histoire très angoissante d'un crime commis près d'un des nombreux garages perdus qui fleurissaient alors au milieu des carrefours de France, s'avère sèche, nerveuse et troublante. Et toutes les versions filmées qu'il m'a été donné de voir étaient réussies, tant le dispositif de base était efficace. Il n'empêche, et c'est en cela que le film est important pour les renoiriens, Renoir décide de prendre des libertés de metteur en scène avec l'intrigue originelle. Il ne la modifie pas , non, mais au lieu de montrer l'arsenal déjà habituel du film policier français (interrogatoires, hypothèses, recherche de preuves), Renoir flâne et fait flâner ses acteurs , le plus souvent de nuit, sur les lieux du crime. Les personnages sont peu diserts , et le malaise s'installe . Tout cela donne un film un peu cotonneux, très original, mais où l'on perd , finalement, l'intérêt pour l'enquête policière.
De plus, Pierre Renoir campe un singulier Maigret .

Sans doute influencé par ses sympathies anarchistes d'alors, qui allaient l'emmener tout droit vers Boudu, Renoir fait composer à son frère un Maigret sombre, peu sympathique, plus proche du cogne cher aux libertaires que du bon papa qui sait écouter. Difficile de s'attacher au personnage.
Le malaise est accentué par le jeu de l'actrice Winna Winfried.


 Cette obscure actrice danoise, dont c'était le premier film, a fasciné Renoir. A tel point qu'il a développé à l'envi les scènes où elle apparaît. Si la jeune femme est fort belle et photogénique, son accent à couper au couteau n'aide pas à la compréhension du film, loin de là ! A tel point que le film véhicule des légendes invraisemblables : les deux dernières bobines auraient été perdues par l'assistant Jean Mitry ( futur fondateur de la Cinémathèque Française) , ce qui expliquerait la durée inhabituelle (70 minutes !), du film, ou alors la script-girl aurait fait de colossales erreurs , ou bien, pour finir, Renoir aurait été soûl tout le long du tournage !
Quoi qu'il en soit, l'intrigue est , au final, assez incompréhensible. La mise en scène audacieuse, inspirée, de Renoir , fait tout le sel de cette envoûtante Nuit du Carrefour.
De là à écrire , comme le fit Godard, que c'est le meilleur film d'aventures de tous les temps, il y a un pas que je ne franchirai pas, attaché que je suis à défendre plutôt le film de Duvivier, La Tête d'un Homme, sorti, donc, l'année suivante, et où Harry Baur compose, lui, un Maigret pétri d'humanité.

Je préciserai pour terminer que cette critique se base sur la copie assez abîmée qui circule depuis quelques années, et qui est , sans doute, celle qui sera diffusée ce soir. Peut-être qu'une restauration du film, si elle est possible, et notamment du son,  permettrait d'apprécier au plus juste sa valeur . En l'état, c'est un peu compliqué.

Extrait du film de ce soir : 



 A plus !

Fred.