dimanche 28 décembre 2014

CINEMA DE MINUIT - LE RASOIR QUI RASAIT...

Bonjour les amis et Joyeux Noël en retard !

Ce soir, à 00 H 15 sur France 3 : Le Fil du Rasoir (1946), d'Edmund Goulding...


Drôle de programmation entre Noël et le Jour de l'An. Autant Carmen Jones, diffusé la semaine dernière , était un film jubilatoire, autant Le Fil du Rasoir est une de ces oeuvres de prestige qui ont fait beaucoup de barouf à leur sortie, et qui ne valent aujourd'hui plus grand'chose.
Le film a été mis en oeuvre pour relancer la carrière de Tyrone Power.


Avant-guerre, il est une des idoles d'Hollywood, on le voit comme le nouveau Rudolf Valentino, et la Fox a réussi, de plus,  a en faire un habile concurrent d'Errol Flynn, en le faisant jouer dans des films d'aventures trépidants comme Le Cygne Noir, et, surtout Le Signe de Zorro :


Il part à la guerre en 1943 . A son retour, il a vieilli. La Fox décide alors de réorienter sa carrière vers des rôles sérieux. Darryl F.Zanuck choisit donc d'adapter un grand roman de l'auteur en vogue, William Somerset Maugham, et chosit pour metteur en scène un des meilleurs directeurs d'acteurs de l'époque, Edmund Goulding.

(Ici, avec Power sur le tournage du Charlatan, tourné l'année suivante...)

Goulding se fait connaître en 1932 , avec le célébrissime ( et un peu surestimé ) Grand Hôtel, où il parvient à gérer sur le même plateau Greta Garbo, Joan Crawford, Wallace Beery, et les deux frères Barrymore, ce qui n'était pas une mince affaire...


Son secret ? Eh bien, d'après les témoignages de ses collaborateurs, Goulding ne jurait que par le jeu de l'acteur. Peu lui importait de donner du rythme à la scène par le découpage, peu lui importait le placement de la caméra, Goulding voulait du jeu. Sa méthode de travail consistait à répéter jusqu'à l'envi une scène le matin, et de la filmer, de préférence en une seule prise, l'après-midi. Ce système, qui impliquait énormément les comédiens, plaisait énormément à ceux-ci. Et particulièrement à Bette Davis, que Goulding filma beaucoup à la Warner, dans des mélos qui ont fait date, comme La Vieille Fille ou Victoire sur la Nuit.


La période Warner-Davis est la meilleure de Goulding. A la Fox, il ne retrouva pas sa liberté de travail, et fut submergé par les exigences de Zanuck et les objectifs de commande.
La production ne lésine pas sur les moyens : 4 millions de dollars,  presque 90 décors somptueux, et trois mois et demi tournage. Les piliers de la Fox sont là pour sauver le soldat Power : Clifton Webb, Herbert Marshall, et la belle Gene Tierney, la mythique Laura, ici dépourvue de l'étrangeté qui la caractérise.
Car la fidélité très grande à l'oeuvre parfois pataude de Maugham, le découpage pachydermique (le film dure deux heures trente !), la volonté de faire date et de faire beau tuent la puissance mélodramatique du film , qui conduit pourtant le spectateur de Paris à Chicago en passant par l'Himalaya. 
Seule originalité de ce Rasoir, qui conte les aventures parallèles de deux amoureux séparés par la vie : les préoccupations métaphysiques (!) du personnage de Larry, joué par Power. On parlait fort peu de spiritualité , alors, à Hollywood. Mais , hélas, là aussi, le respect tue la bonne idée.
La seule à tirer son épingle du jeu est la jeune Anne Baxter, qui, pour son interprétation de la femme délaissée et alcoolique de Power, remportera l'Oscar du meilleur second rôle en 47.


Comme quoi, Goulding savait encore être un grand directeur d'actrices...

A noter qu'un remake avec Bill Murray fut tourné en 1984, raté lui aussi . Malédiction ?



A plus et bonne fin d'année !

Fred.



dimanche 21 décembre 2014

CINEMA DE MINUIT - LE BIZET QUI FIT SCANDALE...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 20, sur France 3 : Carmen Jones (1954), d' Otto Preminger...

 
Oh, qu'il y en eut, des adaptations de Carmen au cinéma, oh nom d'un chien ! Je ne vous les énumérerai pas toutes, mais de DeMille à Godard en passant par Rosi, chacun a voulu sa petite rouleuse de cigares !
Mais la version qui vous est proposée ce soir est sans doute la plus sulfureuse,  la plus jazzy ... et la plus black !
En effet, Carmen Jones  est une adaptation vraiment très libre de Bizet, dont elle ne ne garde que les principales mélodies. Pour le reste, le redoutable auteur de comédies musicales Oscar Hammerstein II ( Show Boat , le Roi et Moi, plus tard La Mélodie du Bonheur) a tout bousculé , situant l'action durant la Seconde Guerre Mondiale ( le spectacle fut créé en 1943 à Broadway), modifiant les professions des protagonistes ( Carmen travaille dans une usine d'armement, José/Joe est parachutiste), et, surtout, faisant incarner tous les personnages par des afro-américains ! Le but étant de faire swinguer l'opéra de Bizet ! Ce fut une réussite, et même un triomphe sur scène, et l'on ne doit sans doute qu'au racisme latent de certains pontes d'Hollywood d'avoir dû attendre dix ans pour voir la pièce sur grand écran !
Il faut dire qu'à l'époque , Otto Preminger est la bête noire des censeurs, pour s'être opposé frontalement aux censeurs du Code Hays avec son film La Lune est Bleue, où une jeune fille cherche à perdre sa virginité...


... Mais qu'il est aussi la coqueluche de la Fox, notamment pour avoir fait tourner ensemble Mitchum et Marilyn dans La Rivière sans Retour...


Il obtient donc presque carte blanche  pour sa première comédie musicale, ainsi que le tout nouveau procédé Cinémascope. Lui reste à choisir sa Carmen et son José. Pour José, son choix se porte sur un tout jeune chanteur, Harry Belafonte.


Celui-ci vient de recevoir un Tony Award pour ses prestations à Broadway. C'est le début d'une longue et belle carrière jonchée de tubes réjouissants , comme le légendaire Day-O, chanté ici avec les Muppets  :


Et Carmen, c'est Dorothy Dandridge.

Contrairement à Belafonte, qui deviendra un des ses proches amis, Dandridge n'est pas une débutante . A 10 ans, au milieu des années 30, elle débarque à Hollywood avec sa soeur et court le cachet.


Remarquée par la MGM, elle participera à moult courts métrages , et sera, régulièrement, la chanteuse noire de service pour les Marx Brothers, Abbott et Costello, et j'en passe... Elle allait s'enterrer dans ces utilités quand Preminger fit appel à elle. Sa carrière connut alors un bel essor, vite brisé par une vie privée tumultueuse et une addiction aux médicaments. Elle meurt en 1965, à l'âge de 43 ans.
Le film fut donc un succès , qui fit de Dandridge et Belafonte des stars du jour au lendemain, et les lança comme ...  chanteurs . Ce qui est un comble si l'on considère qu'ils sont tous deux doublés pour le chant dans le film. 
Détail insolite qui n'a, finalement que peu d'importance , le film étant littéralement porté par les arrangements jazzy de Hammerstein et Hershel Burke Gilbert, la sensualité de ses deux interprètes ( Dandridge est sans doute la Carmen la plus sexy de l'histoire du cinéma) , et par la mise en scène particulièrement inspirée de Preminger, dont la caméra est aussi dynamique que les percussions de la BO ! Bref, un joyau, original, érotique et audacieux, de l'Âge d'Or du musical hollywoodien !
Joyau méconnu en France, pour une bonne raison : il y fut interdit jusqu'en 1981 !
Contrairement à la légende, ce n'est pas la famille de Bizet qui a exigé cette interdiction, mais celle des librettistes Meilhac et Halévy, qui considéraient qu'il s'agissait d'un détournement. Il semblerait que, là aussi, une question de racisme ait influé sur la décision des deux zozos. Les librettistes, ça ose tout, c'est à ça qu'on les reconnait .

Ne manquez pas ce film !

Bande-annonce :

Bonnes fêtes à tous !

Fred.


dimanche 14 décembre 2014

CINEMA DE MINUIT - AH, L'ECOLE CLAUDINE !

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 20 sur F3 : Claudine à l'Ecole ( 1937), de Serge de Poligny...

 Réalisateur bien oublié, Serge de Poligny fut pourtant l'auteur de deux des plus beaux films fantastico-romantiques des années 40 : Le Baron Fantôme (1943), et La Fiancée des Ténèbres (1945) .



Il ne profitera pas longtemps de ces succès , et disparaîtra de la circulation dès la fin des années 40. Parcours météorique pour ce décorateur promu tâcheron , qui fit ses gammes sur les sinistres nanars de la Paramount France, avant de devenir le réalisateur anonyme des doubles versions françaises des succès de la UFA allemande . Est-ce Douglas Sirk, réalisateur de son dernier doublon, La Chanson du Souvenir, qui l'enouragea a voler de ses propres ailes ? Toujours est-il qu'il change alors de braquet, et se lance dans ce Claudine à l'Ecole.  Adapter Colette était une gageure, la dame étant alors un monument national , ainsi qu' un personnage pittoresque et en vue. Poligny met toutes les chances de son côté en bétonnant son casting : le père de Claudine sera joué par le tonitruant , populaire et vieillissant Max Dearly, vedette du caf'conc' et des revues d'avant-guerre... Les truculentes Jeanne Fusier-Gir, Suzet Maïs et Margo Lion incarnent le personnel de l'école.
Quand au docteur Dubois , dont Claudine est amoureuse , il est interprété par Pierre Brassseur, dont c'est un des premiers rôles importants, avant qu'il ne se spécialise dans les rôles de  mauvais garçons ou de forts en gueule.
Et les jeunes, alors ? Eh bien, contrairement à Raymond Bernard la semaine dernière, le metteur en scène a le nez creux .

 Sa Claudine est l'adorable Blanchette Brunoy. Fille de l'écrivain Georges Duhamel, sa jolie frimousse et son jeu moderne la promettent à un grand avenir. Mais, à l'instar de Paulette Dubost, elle ne parviendra pas à détrôner les reines de l'écran , Morgan, Darrieux, Presle, et échangera sa velleité de vedettariat contre une carrière de fond d'une longévité assez exceptionnelle , puisqu'elle participera même à la série Julie Lescaut dans les années 90 !
On remarque également, dans le rôle du jeune, tout jeune confident de Claudine, Mouloud, une certain Marcel Mouloud... ji (!), qui se fera ensuite remarquer dans Les Disparus de Saint-Agil et Les Inconnus dans la Maison, avant de devenir le chanteur que l'on sait...



Le goût de Poligny , le savoir-faire d'une époque (musique de Misraki) font de ce film un charmant petit film désuet d'avant-guerre...

Extrait :



A plus!

Fred.






dimanche 7 décembre 2014

CINEMA DE MINUIT - JUGEMENT EN SURSIS...

Bonjour les amis !

Pour des raisons de fichu planning chargé, je chroniquerai ultérieurement "Le Récif de Corail" , le film de la semaine dernière...

Ce soir, à 00 H 20 : Le Jugement de Dieu (1949-52), de Raymond Bernard...

  Raymond Bernard restera, pour les cinéphiles, le maître d'oeuvre de deux chefs d'oeuvre du début du parlant français : Les Croix de bois, et Les Misérables, déjà chroniqués ici, je n'y reviendrai pas. Bernard restera un très grand réalisateur jusqu'au début des années 40.
Ensuite, profondément marqué par l'Occupation (il est le fils de Tristan Bernard, qui fut déporté), il réalsiera un très beau film de résistance, Un ami viendra ce soir, sorti en 1946.
Après ? Eh bien, après, c'est flou. Après, c'est le film de ce soir, sur lequel j'ai eu, ma foi, bien du mal à trouver des infos. Cette épopée médiévale est tournée en 49, mais elle mettra... trois ans  à sortir, en 1952 ! Ce qui n'est pas bon signe...
Le film est visiblement prétexte à lancer deux nouvelles vedettes : la jeune Andrée Debar...


 ... qui patinera un certain temps avant d'être remarquée dans le rôle de La Garçonne , d'après le célèbre roman de Victor Margueritte, mis en scène par Jacqueline Audry en 57... Mais c'est dix ans après le film de ce soir, et ça ne suffira pas à installer durablement son nom : au début des années 60, elle devient produtrice , où son principal titre de gloire , c'est le Crésus de Giono...


Quand au jeune premier, c'est Jean-Claude Pascal.


Jean-Claude Pascal ou l'histoire d'un malentendu. Ce beau gosse est en effet un des rares, et des meilleurs , crooners de la chanson française, qu'il investit au début des années 50. Homme charmant et intelligent, il sait se faire des amis, et un répertoire : Gainsbourg, Bernard Dimey, Ferrat écrivent pour lui, et Pierre Delanoë lui donne sa plus belle chanson, Soirées de Prince.


Hélas, hélas, il est aussi acteur . Et tous les critiques de reconnaître qu'il restera toujours comme comédien bien en-dessous de ses dons de chanteur, qu'on lui donne des rôles valables ( Le Grand Jeu , deuxième version, de Feyder, en 54), ou cornichons (Un Caprice de Caroline Chérie et Le Fils de Caroline Chérie)...


Eh bien, le Jugement de Dieu  est le premier film de Jean-Claude Pascal, et l'on ne sait pas si l'on doit se réjouir de cette découverte. Il y est teint en blond, et c'est peut-être la meilleure raison de découvrir ce film, et peut-être d'infirmer le mauvais pressentiment que j'ai au sujet de cette obscure histoire de sorcellerie...


A plus.

Fred.


samedi 22 novembre 2014

CINEMA DE MINUIT - LA CHEVRE DE MONSIEUR FERNAND...

Rebonjour les amis !

Demain dimanche, à 00 H 20, sur F3 : François Ier (1937) , de Christian-Jaque...


 Cycle : Patrimoine Français...

Il y a des mystères dans l'Histoire du Cinéma . Pourquoi, de toutes les fernandèleries tournées par Fernandel, la mémoire collective a-t-elle retenu celle-ci ? Qu'a-t-elle de plus pour être si souvent diffusée, citée ? Personnellement, je n'ai pas la réponse...
Rappel : Fernandel fut, du milieu des années 30 à celui des années 60, l'acteur le plus populaire de France, devant Gabin, Gérard Philipe, Bourvil, et j'en passe. Il était donc le plus rentable, le plus bankable, comme on ne disait pas encore. Le public venait voir un Fernandel le samedi soir. D'où l'intérêt des producteurs pour un film centré autour de Fernandel, sans autre ambition que celle de faire des sous. Ce sont les fernandèleries . 
François Ier en est clairement une. Tourné rapidement et avec peu de moyens, le film repose presque sur un ressort unique : l'anachronisme. Honorin , brave garçon de cirque, se retrouve hypnotisé par un magicien, qui l'endort et l'envoie... à la cour de François Ier ! D'où péripéties, quiproquos, et problèmes dont le brave gars se sortira grâce à son Petit Larousse, qu'il a pensé à garder dans sa poche...
Plus que tout autre, ce film-ci repose sur le tempérament  comique de Fernandel, alors au sommet de sa forme, et au dynamisme du jeune Christian-Jaque, qui, à 32 ans, en est déjà à son vingtième film ! Le côté révision d'histoire donne également un côté désuet tout à fait charmant, mais le film souffre d'un souci véritable, sa distribution.
En effet, Fernandel n'est jamais meilleur que lorsqu'il est entouré de vieux routards du boulevard et du music-hall, souvent des copains, d'ailleurs, dont la vivacité accentue la spécificité du comique chavelin. Dans Ignace, il est entouré de Charpin, Saturnin Fabre et Andrex, qui entretiennent avec lui la loufoquerie du film :


Dans Barnabé, il est épaulé par Andrex et Paulette Dubost, dans Hercule, par Jules Berry et Pierre Brasseur, et dans Les Rois du Sport, fernandèlerie de luxe, il fait jeu égal avec môssieur Raimu !


Et même dans des projets un peu desespérants, il est parfois épaulé par des dialoguistes inspirés : Carlo Rim , souvent, et même Prévert pour l'improbable Ernest le Rebelle !


Ici, faute de moyens, sûrement, Fernandel est flanqué de Mona Goya et Henry Bosc, dont le jeu très daté vieillit considérablement le film. Le dialogue n'est pas non plus très fou. Le loufoque vient par petites touches, au gré de l'inspiration de Fernand : on notera ce moment délicieux où Honorin, sur le point de consulter  son Larousse, écarte un vase de fleurs pour éviter que celui-ci n'écoute...
Et puis, et puis, la fameuse, si fameuse, trop fameuse, scène de la chèvre :

Suivant son humeur, on trouvera cette scène ( assez éprouvante à tourner pour l'acteur) soit hilarante, soit horripilante.
Bref, plus que le mètre étalon de Fernandel dans ses oeuvres ( préfèrez les autres films que j'ai cités) , le film est une curiosité , de par son succès , et par la fenêtre qu'il ouvre sur ce qui faisait rire nos grand-parents...

Allez, une prime, une dernière chanson bien truffe !




A plus !

Fred.

PS : Bien sûr, j'ai parlé ici des films construits autour de la personnalité de l'acteur, écartant du même coup, les oeuvres, voire chefs d'oeuvre, tournés avec Pagnol, Duvivier ou Autant-Lara, qui, elles, sortent du champs des fernandèleries...



CINEMA DE MINUIT- STANLEY, JE RESUME...

Bonjour, les amis !


Dimanche dernier, sur F3, à 00 H 20 : Fear and Desire (1953), de Stanley Kubrick...

- Un ragoût froid sur une île en feu...
- Tu viens de donner une excellente définition de la Guerre... 

- Nous sommes tous des îles, des parties d'un univers fait d'îles...

- Je suis le Magicien ! Me voici maintenant Poisson !

Ce type de dialogues ampoulés et obscurs, le premier film de Kubrick en est truffé. Comme je l'évoquais la semaine dernière, les années 50 regorgeaient des petits films fauchés, réalisés par de jeunes loups voulant édifier le public avec leur vision du monde . Ils utilisaient le plus souvent le genre de la SF pour s'exprimer : Arch Oboler , et surtout, le fameux Ed Wood, noyaient leurs productions déjà vacillantes sous des flots d'aphorismes involontairement comiques...


Prétentieux et maladroit, le film l'est , incontestablement . Les interprètes déclament leurs répliques avec des trémolos dans la voix . Et même les idées formelles fortes ( les soldats des deux camps sont incarnés par les mêmes acteurs), sont au service d'une allégorie balourde, nous résumant l'homme et sa misère en 62 minutes chrono.
Mais . Mais il y a, dans ce pudding indigeste, un oeil. L'oeil d'un cinéaste. Les nanardeurs que j'ai évoqués savaient à peine où placer leur caméra, et étaient bien incapable d'en sortir la moindre émotion. Kubrick, quand il fait taire ses personnages, sait créer une émotion dramatique, une atmosphère de tension où l'espace (la forêt) , et les personnages font enfin corps et nous touchent . C'est particulièrement évident dans la scène où le soldat le plus fragile du groupe surveille, et enfin tue sa belle prisonnière (très bien coiffée pour une prisonnière, au passage)...Là, et dans une étrange scène de discussion de salon entre deux ennemis, l'émotion , le malaise, affleurent. Et l'image est magnifiquement travaillée pour une oeuvre aussi fragile.

 
 Il n'est pas étonnant que Kubrick ait attiré l'attention des gens du métier avec ce film bizarre. Derrière le pétard mouillé du film de guerre subverti, les plus clairvoyant ont su repérer un futur talent.
Peut-on deviner le futur auteur de Folamour, de 2001, de Barry Lyndon, dans cette oeuvre- ci ?
Franchement, je ne pense pas. Les kubrickiens trouveront bien des dizaines de correspondances entre cette oeuvre et les suivantes, mais, si l'on est de bonne foi, on conviendra qu'un océan de maîtrise et de maturité sépare ce coup d'essai du vrai film de guerre de Kubrick, Full Metal Jacket...



A plus.

Fred.

vendredi 14 novembre 2014

CINEMA DE MINUIT - STANLEY, JE PRESUME ?

Bonjour les amis !

Dimanche, à 00 H 20, sur F3 : Fear and Desire (1953), de Stanley Kubrick...


Voilà ce que j'appelle un film sauvé des eaux ... Des eaux où a voulu le noyer... son propre auteur !
Voilà le premier, le tout premier long métrage de Stanley Kubrick. Le père Stan, si soucieux de la postérité de son oeuvre, a tout fait pour que la moindre copie du film disparaisse et que sa filmographie "officielle" commence avec Le Baiser du Tueur (1955) et sa célèbre séquence de course-poursuites parmi les mannequins , maintes fois copiée depuis :



Mais, voilà, cette tentative inepte et prétentieuse ,d'après son auteur, existe encore. Kubrick a beau avoir racheté toutes les copies pour les détruire, deux sont parvenues à survivre, et ont permis une restauration du film en 2011. Et le voilà .
Certes, par rapport à ses  oeuvres ultérieures, Fear and Desire fleure bon le film de fin d'études. Financé à hauteur de 9000 $ , co-écrit par un camarade de classe, filmé et joué par des copains ( 5 acteurs, 9 techniciens), cette histoire de guerre entre deux nations imaginaires dans une forêt (?) semble plus touchante qu'imposante. Il n'empêche que le sens de la mise en scène caractérisant Kubrick fut alors remarqué par divers critiques universitaires ,et même par un producteur, qui injecta 50 000 $ dans l'affaire... pour le doublage , Kubrick ayant décidé de tout postsynchroniser, sans budgéter le coût !
Tout cela est bien alléchant. Je vais vous faire un aveu : moi non plus, je ne l'ai jamais vu, cet incunable .
Je vais me faire une joie de le découvrir en même temps que vous, et je vous ferai un retour dans la semaine !

Bande-annonce : 


A plus !

Fred.

dimanche 9 novembre 2014

DU BRUIT A CHAUVIGNY !

Bonsoir les amis !

Cette fois on y est : c'est ce soir (et demain !) que l'Amicale des Improvisateurs de la Vienne rencontre les Ephémères de Montréal  , à la Salle Charles Trenet de Chauvigny !!


Vous voulez des images d'impro ? En v'là !

Maintenant, vous n'avez plus d'excuses : vous enfermez Mémé (ou vous l'emmenez), vous mangez devant Drucker, et après, zou, à la salle !
On vous attend !

A tout à l'heure !
Fred.

samedi 8 novembre 2014

CINEMA DE MINUIT - FELICIE OH SI !

Bonjour les amis !

Demain dimanche à 00 H 20 sur France 3 : Félicie Nanteuil (1942-45), de Marc Allégret...


J'ai eu souvent, ici, l'occasion d'écrire les réserves que j'éprouvais concernant la carrière de Marc Allégret, réalisateur honnête mais surestimé, trop souvent porte par les qualités propres de ses auteurs (Jeanson , Pagnol)...



... ou le charisme de ses interprètes, notamment féminines . Allégret fut un sacré découvreur d'acteurs et surtout d'actrices : Simone Simon, Michèle Morgan, Odette Joyeux, plus tard Brigitte Bardot (avant Vadim) , et ici Micheline Presle, qu'il dirigera par trois fois sous l'Occupation, notamment dans l'oubliable Parade en Sept Nuits, où elle a déjà pour partenaire Louis Jourdan ....


Félicie Nanteuil est un OVNI. Ce projet, au départ obscur, adapté d'Anatole France, n'a au départ rien pour séduire : un cabotin de province séduit et lance une jeune arriviste , qui finit, évidemment, par le délaisser. Le cabotin se tue devant la femme et son amant. Félicie en devient presque folle de culpabilité. Une partie de la réussite du film, où l'on retrouve des motifs d'Une Etoile est née...


... et qui préfigure aussi le Eve de Mankiewicz...


... est probablement dans l'adaptation, cosignée par Curt Alexander. Ce dramaturge allemand était un des scénaristes favoris de Max Ophüls, notamment sur Liebelei et De Mayerling à Sarajevo, avant guerre...


Le romantisme , la noirceur de cette histoire, lui doit sans doute beaucoup.Le soin apporté à la reconstitution des nuits artistiques de 1890 , et la direction d'acteurs , impeccable, est, elle, à porter au crédit du réalisateur et de son équipe, où l'on trouve Pierre Prévert en assistant.


Micheline Presle, jusqu'ici abonnée aux rôles pétillants ou mélodramatiques, élargit sa palette en incarnant cette fausse ingénue, qui préferera le beau (mais toujours aussi fade) Louis Jourdan , à son bienfaiteur, interprété par l'impressionant Claude Dauphin.

Jeune premier discret dans les années 30, il devient une vedette du jour au lendemain, dans Entrée des Artistes (Allégret, encore !) , puis en tenant la dragée haute à Danielle Darrieux dans Battement de Coeur (1940) :


L'homme est talentueux, mais aussi fin, subtil, intelligent et intègre : il profite du tournage de Félicie et d'un autre Allégret avec Presle et Jourdan, La Belle Aventure, en zone libre, pour prendre des contacts . Et un beau soir, il part de Nice en bateau pour rejoindre l'Angleterre et la Résistance.
Cet engagement aura pour conséquence directe l' interdiction  pure et simple des deux films jusqu'à la Libération. Dans l'intervalle, Curt Alexander aura été arrêté, et , suivant les sources, serait mort en déportation ou aurait été fusillé...
Sorti en 45, dans un contexte différent, avec un public libéré avide de gaieté ou de fantasmagorie, Félicie Nanteuil passera presque inaperçu.
Depuis, critiques et cinéphiles n'ont de cesse de réhabiliter ce film, un des plus beaux tournés en France durant l'Occupation...

Extrait  :


A demain, à Chauvigny !

Fred.





lundi 3 novembre 2014

SOYONS INDIGNES A GENCAY !

Bonjour les amis !

Ce soir lundi, c'est au Cinéma de Gencay , à 20 H 30, que j'aurai le plaisir de vous présenter, dans le cadre des Séances Patrimoine CLAP, un ravissant  film français de 1965, signé René Allio : La Vieille Dame Indigne...

 
Jolie chronique provençale douce-amère , autour de l'émancipation tardive d'une dame de 82 ans, jouée par madame Sylvie !
Le film est également demeuré célèbre pour sa chanson de générique, signée Jean Ferrat :




A ce soir !

Fred .

Prochaine et dernière séance : le Dimanche 16 Novembre à 17 H 00 à La Crèche (79).

 

samedi 1 novembre 2014

CINEMA DE MINUIT - SOUS LE CIEL DE PROVINCE...

Bonjour les amis !

Demain dimanche, à 00 H 20 sur F3 : La Marchande d'Amour ( 1953), de Mario Soldati...


Quand il tourne La Provinciale en 1953, le cinéaste prometteur qu'était Mario Soldati n'est plus que l'ombre de lui-même. 
En 1942, son Malombra avait marqué la renaissance du cinéma italien, et tracé les jalons d'un mouvement, le Calligraphisme, sorte de revanche esthétique contre le fascisme ( J.Lourcelles.)
Mais Soldati eut du mal à confirmer, étouffé et dépassé rapidement par le néo-réalisme de Rossellini , Visconti et De Sica. Il signa une belle version d'Eugénie Grandet en 1947, avec Alida Valli...

 

... Mais fut de plus en plus contraint à de basses besognes, comme l'infâme Je Suis de la Revue, suite de numéros musicaux sans queue ni tête où même l'insubmersible Fernandel semble se noyer...



Après un Zorro et un Corsaire Noir, Soldati semble se réconcilier avec son genre de prédilection ; l'adaptation littéraire de haute volée. Ici, il adapte la Provinciale,  une nouvelle de Moravia, l'auteur du Mépris, grand spécialiste de la déréliction des couples. La nouvelle, et le film, nous montrent une sorte de Bovary italienne, incapable de se satisfaire de l'amour présent, et se précipitant elle-même dans le malheur...
Les critiques de l'époque ont cru voir dans ce film le renouveau d'un néo-réalisme alors en perdition. Soldati y retrouve une cohérence visuelle certaine, où le jeu des acteurs, la photo, les décors , s'unissent pour peindre une bourgeoisie perdue, qui s'ennuie, se dévaste, et se fait du mal . La grande audace du film est d'avoir confié le rôle si riche et important de Gemma (Bovary ?) , à une comédienne alors plus connue pour sa plastique , la chère Gina Lollobrigida.

Elle avait surtout brillé en France, jusqu'ici, faisant de l'oeil à Gerard Philipe dans Fanfan la Tulipe et les Belles de Nuit...

 




Fut-elle imposée par le producteur ? Toujours est-il qu'elle montre dans ce film une palette qui sera peu exploitée par la suite, puisqu'elle explosera aux yeux du monde cette même année 1953 dans le rôle de la sauvageonne Bersagliera de Pain, Amour et Fantaisie...

 

Ici, avec ses deux beaux gosses de partenaires, Franco Interlenghi et Gabrielle Ferzetti, elle ajoute une touche glamour à ce qu'il faut bien qualifier de nouvelle adaptation réussie de l'oeuvre de Flaubert.
Hélas, pour Soldati et le néo-réalisme, ce renouveau ne fut qu'un sursaut. Mario retourna à ses besognes, retrouvant Fernandel et Alberto Sordi pour Sous le Ciel de Provence, médiocre remake d'un classique, Quatre Pas dans les Nuages... 

En 1959, il retourne à son autre passion, l'écriture....

A plus.

Fred.
 
 
 

vendredi 24 octobre 2014

SUPER MAMIE A CHAUVIGNY !

Rebonjour les amis !

Dimanche 26 Octobre, c'est au Cinéma Le Rex de Chauvigny, à 20 h, que j'aurai le plaisir de vous présenter, dans le cadre des Séances Patrimoine CLAP, un très joli film de René Allio, sorti en 1965 : La Vieille Dame Indigne ...

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Un très joli road-movie provençal, un hymne à la liberté, mettant en vedette l'excellente Sylvie, avec également Jean Bouise et Victor Lanoux, sur une musique de Jean Ferrat !

Extrait :


Et , en bonus, la très belle chanson du film  :


A dimanche !

Fred.



CINEMA DE MINUIT - MAUPIN PERDU ?

Bonjour les amis !

Dimanche, à 00 H 20, sur France 3 : Le Chevalier de Maupin/Mademoiselle de Maupin (1966), de Mauro Bolognini...

 Nous avons bandé nos yeux et le film est ce qu'il est... Voilà comment Bolognini lui-même évoquait ce curieux film , seule oeuvre d'aventures de son auteur, plutôt spécialisé sur les reconstitutions soignées, de bon goût, et parfois précieuses.
Pourtant, à la base, il y a la première oeuvre importante de Théophile Gauthier, Mademoiselle de Maupin, qui conte les mésaventures amoureuses d'une authentique comédienne, Madeleine de Maupin, qui, lasse de ses amants, décide de se travestir pour surprendre leurs secrets.

( Voici la véritable Maupin, de son vrai nom Julie d'Aubigny...)

Ce qui frappe dans ce résumé, c'est le nombre d'oeuvres de fiction ultérieures que l'on y retrouve . La femme aux multiples amants célèbres , c'est évidemment Caroline Chérie...
 
... Et la femme travestie en homme qui vit des aventures, c'est Lady Oscar !


Mais la référence ultime, qui, je pense, est à l'origine du montage même du film, c'est évidemment Angélique, Marquise des Anges !


Nous sommes en 1966 : la saga est en cours et fait un carton dans les salles . Il est évident que nous sommes ici devant un projet opportuniste. Preuve supplémentaire : un des rôles principaux masculins est incarné par Robert Hossein, le beau Joffrey lui-même !
Enthousiaste à l'idée d'adapter Théophile Gautier, Bolognini doit vite déchanter . La production allemande à gros budget qui s'annonçait s'effondre, et la production se retrouve... en Yougoslavie, avec trois francs six sous. Pour Bolognini, c'est le tournage qui a été une aventure... 
Pourtant, la Maupin est incarnée par la jolie et talentueuse Catherine Spaak.
Fille du scénariste de Renoir et Duvivier, Charles Spaak, elle tourne très tôt, et Alberto Lattuada la lance dans le sulfureux Les Adolescentes, en 1960 .


Sans devenir à proprement parler une star, elle mène sa carrière solidement en Italie, et tourne avec les plus grands : Risi, Ferreri, Monicelli . Et en plus, elle chantait !



 . Pour elle et son frais minois, on peut se hasarder sur cet incident de parcours. Mais Bolognini avait fait mieux avant, et il fera mieux après...

A plus.

Fred.

samedi 18 octobre 2014

CINEMA DE MINUIT - INNOCENCE SANS PLOMB ?

Bonjour les amis !

Demain dimanche, à 00 H 10 sur F3, Le Temps de l'Innocence (1993) , de Martin Scorsese...


Ah, 1993, toute ma jeunesse, Mitterrand,  mon bac, mes espoirs d'un monde plus beau... Hum, bref, les lendemains de fête ont un goût de cendre, et le CDM ne nous avait pas habitué à des films si proches de nous... Pour une fois, je peux parler d'un film dont la sortie est postérieure à ma naissance...
A l'époque, d'ailleurs, je me souviens que les ados fans de Scorsese avaient été décontenancés par ce cru-là, qui suivait le culte et violent Les Affranchis...


... et le moins culte et tout aussi violent  Les Nerfs à Vif...


C'est vous dire si cette adaptation du célèbre ouvrage sentimental et romantique d'Edith Warton a déçu les jeunes postmodernes que nous étions, avides de Hartley, Tarantino et autres Peter Jackson période punk ! Ca ressemblait à un reniement, rien de moins ! D'ailleurs, à l'époque, la déjà redoutable triade Inrocks-Télérama- Libé avait fait la fine bouche devant ce qui était pour eux un film académique.
Le temps a passé, et, à l'aune de l'oeuvre de Marty, il faut bien reconnaître que ce film compte parmi les réussites majeures de son auteur, s'inscrivant parfaitement dans un renouveau romantique entamé , la même année, avec le Dracula de Coppola.
Comme toutes les grandes histoires d'amour, celle du Temps de l'Innocence est contrariée. Newland Archer, fraîchement fiancé, apprend que son amour d'enfance, Ellen Olenska , est de retour à New York, mariée. Il va la guider à travers les arcanes et les codes de l'aristocratie new-yorkaise, et , ainsi , retrouver une place à ses côtés.
La mise en scène, avec une grande sensibilité, suit les errements de Archer, et les effets terribles du temps qui passe. Loin du bruit et de la fureur des histoires de mafieux italo-américains, nous sommes ici dans les bouleversements du coeur, tout aussi remuants. Comme chez Coppola, le metteur en scène se permet des moments baroques, oniriques, bien loin de l'académisme dénoncé plus haut.
Le film est également l'occasion de retrouver ces acteurs qui étaient alors, en haut de l'affiche, et qu'on a , plus ou moins, depuis, perdus de vue :


L'excellent Daniel Day Lewis, révélé par son rôle de composition dans My Left Foot, et qui s'est avéré un des acteurs les plus exigeants et les plus complets de la décennie. Etrangement, il prend sa retraite après 1996 , pour se consacrer quelques temps à la cordonnerie et à l'ébénisterie...
Il revient ponctuellement sur les écrans à partir de 2006, notamment dans le fameux There Will Be Blood de Paul Thomas Anderson... Il reste trop rare, vraiment trop rare...


Michelle Pfeiffer était alors une des plus grandes stars d'Hollywood. Et talentueuse, qui plus est. Que s'est-il passé ? De mauvais choix ( Wolf de Mike Nichols, son remplacement par Madonna dans Evita, l'infâme Esprits Rebelles), et son mariage avec le scénariste David E.Kelley ( Ally MacBeal) vont l'amener à tourner moins souvent, des oeuvres moins ambitieuses. Aujourd'hui, on la voit encore, mais plus en hommage à sa gloire passée que dans le cadre d'une carrière cohérente.


Chère à nos coeurs adolescents, Winona Ryder était la copine pétillante que nous rêvions tous d'avoir. Révélée par Tim Burton dans Beetlejuice, elle y rencontre Johnny Depp, avec qui elle aura une relation passionnée durant quatre ans. Ils joueront ensemble dans Edward aux Mains d'Argent . Ils se séparent en 1993 , et c'est également la fin de sa grande période : elle négocie mal le passage de l'adolescente à l'adulte, et se fait oublier . Burton, Woody Allen, Jean-Pierre Jeunet la sollicitent encore de temps en temps, mais on ne la voit plus guère.
La rediffusion de ce fort bon film est également l'occasion de constater à quel point le cinéma , et notamment Hollywood, jette vite ses stars pour les remplacer par d'autres... Et très souvent, c'est injuste.

A ce propos, cette chronique est évidemment dédiée à la superbe Marie Dubois...


A plus.

Fred.



dimanche 12 octobre 2014

CINEMA DE MINUIT - POUR LES YEUX DE LAWRENCE...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 10, sur F3 : Amants et Fils (1960) , de Jack Cardiff...

 Une rareté , ce soir, sur laquelle je n'ai que fort peu d'informations , et que je n'ai jamais eu l'honneur de visionner. Nous en sommes donc tenus aux conjectures...
Il s'agit, comme le merveilleux Love, diffusé il y a peu, d'une adaptation de D.H.Lawrence ( L'Amant de Lady Chatterley) . Mais ce n'est pas la même époque, pas le même contexte.
Nous sommes au début des années 60, et Hollywood s'écroule. Les studios essaient alors, entre autres opérations de sauvetage, de délocaliser la production à l'étranger, et particulièrement en Angleterre . N'oublions pas que même le Cléopâtre de Mankiewckz a failli y être tourné.
Jerry Wald, un des hommes forts de la Fox, commandite donc cette oeuvre de prestige, et, pour la diriger, il fait appel à Jack Cardiff.

J

Jack Cardiff est d'abord un grand, très grand directeur de la photographie, qui a travaillé avec les plus grands metteurs en scène britanniques et américains (Michael Powell, Hitchcock, Huston) , et dont le travail sur la couleur lui a valu deux oscars, bien mérités, notamment en 1947 pour le fabuleux Narcisse Noir...


Cardiff passe à la mise en scène à la fin des années 50, et ce pan-là de sa carrière est moins renommé. A titre personnel, je me méfie souvent des films de chef op', qui , pour être évidemment esthétiquement réussis, sont souvent froids et sans âme .Et pourtant, il en faut, de la chaleur, pour évoquer cette histoire d'une famille minière de la fin du XIXème siècle, déchirée par la mort et les passions, et dominée par une mère castratrice , incarnée par une grande figure du théâtre britannique, Wendy Hiller, vue au cinéma  dans Je Sais Où Je Vais, également de Powell et Pressburger ...


Côté américain, on remarquera la présence de Dean Stockwell, ancien enfant star dont la carrière ne s'est jamais interrompue : après avoir donné la réplique à Sinatra dans Escale à Hollywood...


... Il secondera Errol Flynn dans les années 50...


... fera partie de la bande de rebelles de 68, avec Nicholson, Peter Fonda, Bruce Dern, entre autres dans l'étrange Psych-Out...


... et finira dans la peau de Al, l'acolyte de Sam Beckett dans la série Code Quantum...


Pour finir, signalons que le scénario, aux fortes résonances politiques et sociales, est partiellement l'oeuvre de  Gavin Lambert, un des éléments phares du free cinema, équivalent de la Nouvelle-Vague en Grande-Bretagne...

A plus !

Fred.



lundi 6 octobre 2014

INSTANT SUEDOIS A GENCAY !!

Bonjour les amis !

Ce soir, le Cinéma de Gencay ouvre sa saison Patrimoine CLAP en ma compagnie et avec un film de 1963, signé Bo Widerberg : Le Péché Suédois...


 Réponse de la jeune génération d'alors au cinéma de Bergman, ce film , inspiré des méthodes de la Nouvelle Vague Française, offre un portrait dur et touchant des jeunes Suédois des Trentes Glorieuses...

A ce soir !

Fred.



samedi 4 octobre 2014

CINEMA DE MINUIT - HELLO, DOCTEUR JEKYLL !

Bonjour les amis !

Demain dimanche, à 00 H 10, sur F3 : Docteur Jekyll et Mister Hyde (1941), de Victor Fleming...

 
La nouvelle de Stevenson est une des plus belles métaphores, et des plus terrifiantes,  sur la lutte entre le bien et le mal. Qui plus est, c'est une métaphore vivante, et singulièrement érotique, la différence entre Jekyll et Hyde étant particulièrement marquée dans son rapport aux femmes . Il n'est donc pas étonnant que le cinéma (et ensuite, la télévision), en aient multiplié les adaptations . Rien que 4 avant l'apparition du parlant, dont une, déjà fameuse, avec John Barrymore :


Mais les deux meilleures versions furent réalisées après 1930, à Hollywood, et, détail étrange, à dix ans d'intervalle : en 1932, à la Paramount, sous la houlette de Rouben Mamoulian, avec Fredric March et Miriam Hopkins :


Cette version-là bénéficie d'une grande liberté dans la mise en scène de l'horreur et de l'érotisme : nous sommes avant le tour de vis donné à l'industrie hollywoodienne par le code de censure...
Ce n'est plus le cas en 1941, et il est vraiment étonnant que la très conservatrice Metro-Goldwyn-Mayer se soit lancée dans un projet si glissant , alors même que le cinéma d'épouvante était en recul...
Le projet est confié à Victor Fleming, qui sort de deux gros gros succès : Le Magicien d'Oz, et surtout Autant en Emporte le Vent, deux projets où, en fait, les réalisateurs se sont succédés, mais qu'il a tout de même signés. Ici, il est également producteur , et fait à peu près ce qu'il veut .
La première qualité du film, c'est l'excellence de la reconstitution de l'Angleterre Victorienne par l'équipe artistique du studio.
Sa seconde qualité, c'est une adaptation franche de John Lee Mahin, qui n'élude aucune des dimensions de la nouvelle, qu'elles soient morales ou sexuelles.
Troisième qualité, la distribution.


Spencer Tracy était alors spécialisé, à la MGM, dans les rôles de boy-scout, les redresseurs de tort, ou les victimes injustement accusées, comme dans Fury de Fritz Lang :


Lui faire incarner Jekyll, c'était laisser le bien prendre le visage du mal , et, ainsi, impressionner le spectateur ( la même réflexion  avait été faite dans la version March).
Et la grande supériorité de la version MGM sur la version Paramount, ce sont ses deux partenaires féminines : Lana Turner et Ingrid Bergman .



Mettre ces deux superbes femmes dans les pattes de Jekyll-Hyde, c'était aussitôt orienter le film vers le rapport au désir. Au départ, Bergman devait jouer la good girl, Beatrix, la fiancée officielle du docteur. Pour casser son image , elle demanda à jouer la bad girl, Ivy, la prostituée victime de Hyde. Cette inversion est intéressante : les deux femmes se retrouvant aussi classieuses et désirables l'une que l'autre.
Le film est tourné au moment où la psychanalyse fait son entrée à Hollywood . En témoigne cette courte scène onirique, très audacieuse pour l'époque, où Jekyll conduit une calèche tirée par ses deux maîtresses, qu'il fouette gaiement.


Ce film est le témoignage de la faculté qu'avaient les grands studios hollywoodiens, ponctuellement, de produire des adaptations non seulement prestigieuses, mais profondes,des classiques de la littérature...

Bande annonce :


A plus.

Fred.