samedi 31 août 2013

CINEMA DE MINUIT - LA SOLDERIE DE LA RKO...

Bonjour les amis !

Dimanche soir, à 00 H 25, sur F3 : "Destination Murder" d'Edward L.Cahn ( 1950)...


Bon. Pour ne pas faire un strict copier-coller de mes remarques de la semaine dernière, je dirai juste que la RKO était considérée comme un grand studio de films noirs , et qu'il est peut-être pertinent de rappeler que ce n'était pas toujours le cas. Mouais mouais mouais .
Penchons-nous donc sur cet obscur "Destination Murder" , inédit en France et assez rare partout ailleurs.
Il fait partie de la période RKO d'un étrange réalisateur, chéri des amateurs de série B, Edward L.Cahn.
Il démarre dans la réalisation par un coup d'éclat , Law and Order, qui est, paraît-il , un des westerns les plus réussis de son époque. Les historiens ne manquent d'ailleurs jamais de préciser que le scénario de ce film était signé par le jeune John Huston...


 Cela dut se savoir, puisque très vite, il s'attacha à accepter n'importe quelle besogne de long ou court-métrage, s'exilant au besoin en Grande-Bretagne. On retrouve même  son nom au générique de la fameuse série MGM  Les Petites Canailles / Our Gang :


 A la fin des années 40, devenu indépendant, il signe quelques polars pour la RKO, dont celui de ce soir.
Pour venger son père, une femme décide de séduire l'homme de main qui l'a tué, afin que celui-ci la conduise au commanditaire... Comme pour Law and Order, il semble que l'originalité du film soit dans son scénario, qui installe une tension sexuelle sous-jacente entre l'homme de main et... le commanditaire ! Il faut dire que celui-ci est joué par Hurd Hatfield.


 Acteur à la photogénie très particulière, Hatfield reste pour les cinéphiles le protagoniste de l'inoubliable Portrait de Dorian Gray  (1945) d'Albert Lewin d'après Oscar Wilde...


L'ambiguité de la relation est sans doute portée par Hatfield, dont les manières et le style ne laissent guère de zones d'ombre. Mais cette dimension est , semble-t-il, écrasée par la censure de l'époque, la lourdeur de la mise en scène et les limites de ses partenaires , Joyce Mackenzie ( que l'on connaît juste pour avoir été la énième Jane de Tarzan en 1953)...




... Et Stanley Clements, acteur passe-partout habitué aux films à petits budgets, et qui intégrera ensuite les Bowery Boys, bande de jeunes pas drôles filmés par la piteuse et fauchée firme Allied Artists...


Vous l'aurez compris, je n'ai pas vu le film, mais toutes ces infos ne me rendent pas optimiste sur le résultat : il est fort probable que l'on ait ici affaire à une Série B, voire C, de la RKO : le film ne dure d'ailleurs qu'une heure douze, ce qui, à cette époque-là, était  le format des premières parties de programme...

Ca n'ira pas mieux pour Edward L.Cahn,  : à partir du milieu des années 50, il tournera exclusivement des navets de science-fiction  fauchés, dont certains sont un vrai délice pour les amateurs, et font de lui un des chouchous des fans de cinéma bis . Je ne résiste pas à l'envie de vous faire découvrir It ! The Terror From beyond Space (1958)...


... Creature with The Atom Brain (1955)...


Ou encore The She Creature (1956) !



L'un de ses films , Jet Attack , a même été classé par des crituques américains parmi les 50 plus mauvais films de tous les temps ! Je n'ai hélas, pas trouvé d'extrait pour en juger...

Extrait du film de demain : 


A plus.
Fred.







jeudi 22 août 2013

CINEMA DE MINUIT - JE LE CROIS PAS !

Bonjour les amis !

Dimanche prochain, à 00 H 20, sur France 3 : "Ils ne voudront pas me croire" (1947) d'Irving Pichel...

Il y a des jours où on peut légitimement se demander ce qui passe par la tête de ce cher Patrick Brion. Pourquoi aller déterrer cette petite chose oubliée depuis longtemps alors que le catalogue de la RKO regorge de films noirs entrés de plein-pied dans l'histoire du cinéma ? Pour n'en citer que quelques-uns , "La Griffe du Passé" de Jacques Tourneur (1947)...


... "L'Enigme du Chicago-Express" de Richard Fleischer ( 1952)...


ou... "Les Amants de la Nuit " , premier film de Nicholas Ray (1947) ...


Mais non. Ce sera pas ça. Ce sera ce "They won't believe me", produit de série à la faible réputation, réalisé par un zigoto à l'étrange carrière, Irving Pichel.


Ah, non, rassurez-vous, il ne dirigeait pas dans cette tenue ! Le bonhomme a simplement mené de front une double carrière d'acteur ( ici dans La Fille de Dracula)  et de metteur en scène. Il ne fut inoubliable ni dans l'une ni dans l'autre des deux carrières, mais il fut, il faut croire, apprécié par ses pairs, puisqu'il tourna jusqu'à sa mort , en 1954.
Le bonhomme était, dit-on, fin, cultivé, et fut un proche de Jean Renoir.
Mais seuls deux de ses films sont restés dans les mémoires ; le premier est ... son premier : Les Chasses du Comte Zaroff (1932) (oui, encore !) , où l'on sent quand même la grosse patoune du co-réalisateur et producteur du film, Ernest B.Schoedsack, futur géniteur de King Kong.


 Après avoir vu sa carrière abîmée par le maccarthysme (le garçon était fort progressiste), on lui confia un film de science-fiction qui connut un succès phénoménal : Destination Lune ! (1950)...


Mais là encore, il faut minimiser son influence, puisque le film était produit par l'inventeur-animateur génial Georges Pal, sur un projet initial...de Fritz Lang !

They Won't Believe Me raconte l'histoire classique d'un homme "prisonnier" de deux femmes. Il épouse l'une d'elles pour son argent et tombe amoureux de la secrétaire de l'autre. Mais les choses, comme de bien entendu dans le film noir, tournent mal...
L'homme au milieu, c'est Robert Young...


Encore un comédien qui a très bien géré sa carrière: arrivé en 1931 à Hollywood, il zigue-zague pendant quarante ans entre série B et série A . Les années 40 sont ses années de chance , où il tourne en vedette pour la RKO. Outre ce film-ci, il s'illustrera la même année dans le fameux Feux Croisés d'Edward Dmytryck ( tiens ! Encore un autre grand film noir de la RKO !) :


Il est l'un des premiers, avec Raymond Burr, à sentir le potentiel de la télévision, où il émigre dès le milieu des années 50. Bien lui en prend. Après plusieurs séries à succès , il devient , à partir des années 60, le Docteur Marcus Welby, un des toubibs les plus populaires de la télé américaine...


Il a deux ravissantes partenaires : d'abord, Susan Hayward.

Active depuis le début des années 40, elle se sent sous-employée par les grands studios, et fut une des premières stars à signer avec un producteur indépendant, Walter Wanger. A partir de ce moment, elle choisit ses rôles, ce qui lui permet, entre autres, de s'engager avec Hathaway, Henry King, ou Mankiewicz, entre autres, dans Guêpier pour Trois Abeilles (1963)...



Quand à Jane Greer,


(Eh ! On fume pas au lit !)

elle reste pour les cinéphiles la Film Noir Girl de la RKO , pour certains des films déjà cités, avant d'émigrer à la MGM, ce qui fut une erreur : le studio ne l'utilisa pas ou mal, même dans le superbe  Prisonnier de Zenda (1952) de Richard Thorpe... où personne ne se souvient d'elle !
Extrait du film de dimanche :





A plus.
Fred.


 

mercredi 14 août 2013

CINEMA DE MINUIT - JACKIE, FAIS-MOI PEUR !

Bonjour les amis !

Dimanche prochain, à 00 H 10 sur France 3 : "Jack l'Eventreur" (1944) de John Brahm...


Début d'un nouveau cycle consacré au Film Noir, avec... un film d'horreur ! Va comprendre, Charles...
Quoi qu'il en soit, voici une des versions les plus réputées parmi toutes celles , nombreuses, qui furent consacrées à ce bon vieil éventreur de Whitechapel.!
Avant celle-ci, on peut déjà citer deux classiques : Loulou de Pabst ( 1928), où le tueur apparaît à la fin du film pour achever la destinée tragique de la pauvre Louise Brooks...



Et Les Cheveux d'Or (1926) , premier chef-d'oeuvre de Hitchcock...



Le film d'Hitchcock et celui de ce soir ont le même titre original : The Lodger. C'est normal puisqu'ils sont tous les deux adaptés d'un roman éponyme publié en 1913 par Marie Belloc Lowndes. Le livre prenait déjà de grandes libertés avec le fait divers réel, et les films ont fait de même. Pas trop le choix, d'ailleurs, puisque je rappelle qu'à l'heure actuelle, on ne sait toujours pas QUI est Jack l'Eventreur...

Pour le film qui nous occupe, l'assassin est connu du spectateur  : il s'agit d'un étudiant en médecine, monsieur Slade, qui s'attaque spécifiquement à des chanteuses ( et non à des prostituées, comme l'original). Il tombe amoureux de la fille de ses logeurs, qui, pas de pot pour elle, est... chanteuse. Ce que c'est que le destin... Heureusement, le tueur est traqué par un fin limier du Yard...
Tout comme Les Cheveux d'Or était sublimé par l'ingéniosité du jeune Hitchcock,  ce Jack l'Eventreur voit l'émergence d'un nouveau réalisateur , John Brahm. Né en Allemagne, exilé par le nazisme, celui-ci accumulait depuis dix ans les travaux divers , variés et anodins, dans plusieurs studios, avant que la Fox ne lui accorde sa confiance sur ce projet. La firme eut du nez : le film est une grande réussite, tant que par la qualité de son atmosphère que par celle de son interprétation, où se distingue notamment le surprenant Laird Cregar.

Engagé par la Fox au début des années 40, il apparaît d'abord dans les rôles de méchants ou de brutes où le mènent naturellement son physique imposant, comme dans Le Cygne Noir (1942), face à Tyrone Power...



... Mais la même année , on lui confie , dans le premier film noir du studio, Qui a tué Vicky Lynn, le rôle d'un inspecteur de police très étrange... Le regard du studio change à son égard, jusqu'à ce Jack l'Eventreur, où Cregar éclipse carrément ses deux partenaires, et non des moindres : Merle Oberon et George Sanders. Le grand succès du film amène alors la Fox à mettre en chantier un second (et excellent !)  film avec Cregar dirigé par Brahm : Hangover Square, diffusé l'année dernière au CDM et que j'avais alors chroniqué : 


( J'me cite moi-même , c'est complètement ouf' !)

Cregar, victime d'un régime trop drastique destiné à promouvoir sa nouvelle carrière de star, meurt donc peu avant la sortie de Hangover Square.
Brahm ne s'en remettra jamais vraiment : dès le début des années 50, sa carrière cinéma décline . Il se tourne alors vers la télévision Il reste surtout aujourd'hui comme un des principaux réalisateurs de la série culte La Quatrième Dimension...

A plus.
Fred.




jeudi 8 août 2013

CINEMA DE MINUIT - IL Y A PEU DE CHANCES QU'ON DETRÔNE LE ROI DES KONGS...

Bonjour les amis !

Dimanche prochain, à 00 H 10, sur France 3 : "King Kong" (Le seul ! Le Vrai !) de Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper ( 1933)...


Il y a des monuments qu'on ne sait par quel bout prendre. Un gros bout, en tous cas, vu le gabarit de la bébête. Ce King Kong est le film de toutes les innovations. Il est le premier film d'horreur à ne pas s'inspirer d'une oeuvre littéraire antérieure, le premier film à être constitué à 90 % de trucages, le premier film d'horreur érotique. Le public contemporain est en droit de lui préférer la version de Peter Jackson, extraordinairement fidèle à l'original, et qu'il remet somptueusement au goût du jour. Mais pour moi, ce superbe hommage n'a pas la beauté authentique de son modèle préhistorique.
Pour être honnête, le film a deux modestes ancêtres : Stark Mad de Lloyd Bacon, production Warner de 1929 bien oubliée, où, déjà, un groupe d'explorateurs rencontrait un gorille géant...


... Et surtout Le Monde Perdu de Harry Hoyt , production muette de 1925, où l'animateur Willis O'Brien crée déjà un univers peuplé de multiples créatures géantes...


La féérie de King Kong doit énormément aux maquettes et aux animations d'O'Brien, qui peuvent paraître vieillottes aujourd'hui , mais qui ont énormément impressionné le public de l'époque et suscité nombre de vocations , notamment celle du grand Ray Harryhausen...
Le film est en fait la fusion de deux projets : l'un qui devait surfer sur la vogue préhistorique de type Monde Perdu, et l'autre qui devait mettre en scène un gorille géant. D'où ce scénario complètement  fantasque, qui voit nos explorateurs arriver dans un monde peuplé d'indigènes, de bêtes géantes, et... de dinosaures !
La distribution du film est bien oubliée aujourd'hui, à l'exception de celle qui finit dans la pogne du gorille , et qui restera comme la fille la plus sexy du pre-Code : Fay Wray .





( Oui, bon, d'accord, j'arrête, c'est de la gourmandise...)

Cette charmante brune, teinte en blonde pour l'occasion, faisait déjà le bonheur des amateurs d'épouvante dans Les Chasses du Comte Zaroff (déjà dirigée par Schoedsack) et surtout à la Warner, où elle fut la victime du Docteur X, et du sculpteur fou de Masques de Cire (1932):



Il faut dire qu'elle crie fichtrement bien, ce qu'elle prouve aussi dans Kong : 


Hélas, le succès international du film et son sex-appeal de fou lui joueront des tours ; à partir de 1934, victime du Code Moral d'Hollywood, elle est mise à l'écart, dans des films de plus en plus bas de gamme...
La scène où Kong la déshabille sera d'ailleurs censurée à partir de 1938, ainsi que celles où le gorille dévore à belles dents quelques indigènes... Ces scènes seront rétablies à la fin des années 60, mais des légendes courent toujours concernant la durée authentique du film .
En France, la VF est amputée, depuis 1933, d'une bonne dizaine de minutes , le distributeur de l'époque ayant jugé bon de supprimer le prologue new-yorkais , faisant commencer le film au début de l'expédition. Mais la version intégrale, comportant , elle, un prologue musical de quatre minutes et la totalité du métrage initial, est, d'après plusieurs sources, de 1 H 44... Restaurée en 2005 par Warner à l'occasion de la sortie du film de Jackson, c'est (sans doute) la version qui sera proposée dimanche...
La seule scène manquante est une scène montrant des marins dévorés par une araignée géante (!). Supprimée du montage par Schoedsack et Cooper après des réactions négatives à l'avant-première , elle est portée disparue ... jusqu'à ce que Peter Jackson en propose une reconstitution à partir des quelques photos subsistantes :


Ce film très coûteux pour l'époque fut un véritable coup de poker pour le jeune studio  RKO, dirigé alors par David O'Selznick .Ce fut un triomphe, qui fit entrer la firme dans la cour des grands...
Métaphore de la crise de 29, fantasme colonial, rêve érotique et surréaliste, King Kong est une de ces oeuvres qui résument à elles seules le cinéma.
Si vous ne regardez pas ce film, si vous n'en êtes pas au moins curieux, je ne vous adresse plus jamais  la parole...

Bande-annonce : 


A plus.
Fred.

PS : Vous aurez remarqué que je n'ai pas parlé de la version de 76 , signée John Guillermin. C'est exprès.





mercredi 7 août 2013

CAHIER DE VACANCES 4 - JEAN POIRET...


Cher Jean,
j'espère que tu vas bien là où tu es.
Déjà plus de vingt ans depuis ce jour de 1992 où, dans la cour de mon lycée, la nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre : "Jean Poiret est mort !" - Hein ? - Jean Poiret est mort ! - Non ? Tu veux dire Jean Marais ? - Non, non, pas Jean Marais, Jean Poiret !! - OH ?
Personne n'y croyait . Pardon pour lui, mais il nous aurait paru beaucoup plus logique que ce fût Marais. Il était plus vieux. Et moins drôle. D'ailleurs, toi, tu ne pouvais pas mourir , puisque ce n'était pas drôle. Et que tu étais TOUJOURS drôle.
Peu de gens osent le dire aujourd'hui, mais ton vieux compère Serrault t'a toujours un peu volé la vedette. Déjà, dans vos formidables sketches, qui étaient dus à ta plume déjà vive, il emportait le morceau avec ses personnages déjantés , te laissant le rôle de l'intervieweur malicieux à l'oeil goguenard, comme dans cet extrait de l'émission Trente-Six Chandelles , où vous avez pour comparse le tout jeune et chevelu Paul Préboist...


Vous êtes alors une hydre à deux têtes : Poiret-Serrault. Depuis la formation de votre duo au début des années 50, vous êtes la coqueluche des cabarets,  de la télé, de la radio, et , même, dans une moindre mesure, du cinéma, où vous apparaissez , le plus souvent dans des petits films, pour ne pas dire des nanars. Mais vous avez quand même eu  l'insigne honneur de vous substituer , à sa demande, au Maître Sacha Guitry, malade, pour porter la parole de son dernier film, Assassins et Voleurs (1957) :


Mais la bête est gourmande . Les sketches ne lui suffisent plus . Tu vas alors t'atteler , bien avant La Cage aux Folles, à l'écriture de pièces pour le tandem : Sacré Léonard ou Opération Lagrelêche. Tout ça marche bien, très bien, trop bien pour vous laisser , à l'un comme à l'autre , le temps de vous lancer dans une carrière sérieuse au cinéma : on voit tout de même Serrault chez Clouzot ou chez Audiard, quant à toi, tu débutes une fructueuse collaboration avec la "bande à Mocky" : Bourvil , Francis Blanche et toi-même avez envie de films et de rôles grinçants . Vous serez servis avec Un Drôle de Paroissien, La Cité de l'Indicible Peur et La Grande Lessive ( 1968) :


A la fin des années 60, vous tentez, Serrault et toi, de vous séparer . Serrault, très vite, explose avec Le Viager de Tchernia. Tu connais, de ton côté, le succès au théâtre avec Le Canard à l'Orange. 
Mais tu as l'idée d'une pièce . Une pièce de bouevard, qui , pour la première fois, mettrait en scène un couple gay (comme on ne disait pas encore) . Avec qui la jouer , cette pièce ? L'évidence s'impose.
A peine brûlée, la bête Poiret-Serrault renaît de ses cendres , et pour un gigantesque incendie : une pièce jouée à guichet fermés de 1973 à 1977.


Mais la mort de la fille de Serrault, en 77, change la donne : ton vieux compère veut donner un nouveau sens à sa carrière . Il y parviendra , et brillamment. Quand à toi, il te faut avancer, un peu à ton corps défendant.
Car ce que ton comparse a révélé, il y a quelques temps, dans ses mémoires, c'est que le malicieux beau gosse que tu étais cachait un sacré angoissé, un fieffé neurasthénique, inquiet pour un oui, pour un non. La fin de Poiret-Serrault, tu le vis un peu comme un pas vers le précipice. 
Truffaut te propose le rôle d'un pseudo-Guitry dans Le Dernier Métro, et Granier-Deferre celui d'un patron odieux dans Que les Gros Salaires lèvent le Doigt. Mais tu as peur que ces contre-emplois ne te fassent perdre l'affection du public. De plus, le cinéma vient de te faire un gros affront en confiant, pour la version filmée ,  ton rôle de La Cage aux Folles à Ugo Tognazzi .  Alors, tu retournes une nouvelle fois au Boulevard, avec Joyeuses Pâques, et surtout, tu te diriges vers la télévision. Pas dans un feuilleton, mais dans des émissions de variétés, notamment chez Drucker, où tu seras l'invité impertinent, imprévisible, drôlissime, imbattable pour faire décrocher le présentateur ou chambouler la plage horaire. Tu inventes ce qu'on appelle aujourd'hui le bon client. Luchini s'en souviendra, et pas qu'un peu.
On attendait Champs-Elysées avec impatience, quand on savait que tu y serais...
Et puis vint Chabrol. Qui te confia, alors que peu de gens y croyaient, peut-être même pas toi, le rôle... d'un flic : l'inspecteur Lavardin. Cette fois, le malicieux bonhomme s'accompagnait d'un manipulateur inquiétant, qui savait, on l'a parfois oublié , pratiquer la manière forte sur ses suspects :


Les deux films de Chabrol donnèrent lieu à une série télé , où le personnage était, évidemment, adouci : tu étais redevenu indubitablement populaire, ce qui ne pouvait que te réjouir.
Apaisé apparemment, tu te mis alors en tête de faire un cadeau à ta tendre épouse, Caroline Cellier : passer derrière la caméra pour filmer le (mauvais) roman d'Alexandre Jardin, le Zèbre. On aurait tant voulu que tu en joues le rôle-titre . Mais non : peur de paraître trop âgé ? Envie de donner un beau gosse comme partenaire à madame ? Quoi qu'il en soit, Lhermitte joua à ta place. Le film ne fut pas bon. Mais personne ne l'a jamais dit. Car entre la fin du tournage et la sortie du film, tu es mort. Subitement. D'un arrêt cardiaque.


Restait le sentiment d'une énorme injustice , et la chanson du film, par Souchon, gros succès à l'époque, qui nous évoquait à chaque fois ton oeil malicieux et tes vannes ironiques.
Tu nous manques, Jean, car Luchini, lui, quand il cause, ne sait jamais quand s'arrêter. L'élégance du fripon, ce n'est pas donné à tout le monde.

Bises , Jean.
On se voit à la rentrée.



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mardi 6 août 2013

CINEMA DE MINUIT ( RATTRAPAGE) - LE JOURNAL DE MARCELLO...

Bonjour les amis !

Dimanche dernier, à 00 H 15, sur F3 : "Journal Intime" (1962) de Valerio Zurlini...


Pour conclure ce long cycle consacré au Cinéma Italien, voici un film de Valerio Zurlini. Curieusement méconnu, Zurlini est pourtant un des auteurs les plus importants des années 60-70.
C'est après une quinzaine d'années passées dans un relatif anonymat  qu'il se fait remarquer , de façon subite, en 1959, avec Eté Violent, superbe transposition du Diable au Corps prenant pour cadre la Seconde Guerre Mondiale...


Mais c'est avec la Fille à la Valise et surtout Journal Intime que Zurlini s'impose , en remportant, au passage, le Lion d'Or, à Venise, en 63 , à une époque où tout le cinéma européen , et particulièrement celui d'Italie, est en effervescence.
Journal Intime est, à l'origine, un roman autobiographique de Vasco Pratolini : celui-ci y raconte sa relation avortée avec son frère, élevé loin de lui et mort trop jeune.
Une telle matière pouvait conduire le cinéaste au pire des mélos façon Matarazzo. Mais Zurlini qui portait le projet depuis dix ans, avait une certitude : le film serait en couleurs et l'émotion passerait par l'éclairage et le choix des couleurs. Et , de fait, même si je suis, à titre personnel, peu perméable au pathos cinématographique, il faut bien convenir que le tragique de cette histoire passe par une sorte de symphonie visuelle très forte, à laquelle il est difficile de résister.
Si le film est, par ailleurs , porté par un dialogue parfois trop présent, surtout dans la dernière partie, qui cherche avec un peu trop de zèle à donner une portée universelle au récit, Zurlini dirige magnifiquement ses deux comédiens principaux.
Dans le rôle du jeune frère, Jacques Perrin :


Révélé par Carné dans Les Tricheurs en 58, c'est Zurlini qui lui permettra de donner la mesure de son talent, face à Claudia Cardinale, dans La Fille à La Valise (1960) :


Incarnant avec intensité ce frère mourant, et déjà blasé, il fait regretter que le cinéma français ( à l'exception de Schoendorffer et Demy) ne lui ait pas offert de plus beaux rôles.
Mais la prestation la plus impressionnante est celle de Marcello Mastroianni :


On a tant dit et écrit à propos de Mastroianni que tout ajout semble superflu. Et pourtant : délaissant ici ce charisme et cette décontraction qui sont un peu sa marque de fabrique, le comédien donne comme jamais l'impression de se mettre à nu. Ce Journal Intime, c'est le sien, celui de son personnage. Il est de tous les plans, et dans chacun de ces plans, il nous donne la vulnérabilité, la tristesse, le désarroi de ce frère qui découvre très vite qu'il ne sera que le survivant d'une relation trop brève.

Après une courte traversée du désert, Zurlini retrouve l'inspiration dans les années 70, avec Delon dans Le Professeur (1972)... 


... Et avec ce que beaucoup considèrent comme son chef-d'oeuvre : Le Désert des Tartares (1976 - toujours avec Perrin !) , adaptation poétique d'une oeuvre de Buzatti, film, qui, bande de veinards, vient d'être restauré et est ressorti en copies neuves !


A plus.
Fred.