dimanche 27 décembre 2015

CINEMA DE MINUIT - CINE FACHO...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 55, sur F3 : La Couronne de Fer  (1941), de Alessandro Blasetti...

 Grrr. Comme si la percée du FN aux dernières élections régionales, le projet de loi sur les binationaux et les exactions commises en Corse ne suffisaient pas à rendre la fin d'année bien pré-fasciste, voilà que le CDM s'y met, en nous ressortant cette chose crypto-mussolinienne. Bon. Bouchons-nous le nez et allons-y.
La Couronne de Fer est considérée comme une oeuvre assez typique du cinéma fasciste italien. Les autorités étaient en effet persuadées que la pureté de leur idéologie serait bien mieux transmises à travers le lyrisme des films historiques, qui permettaient de mettre en valeur l'héroïsme, le courage, la détermination du peuple italien ou romain. . De leur côté, les producteurs et réalisateurs avaient bien compris  qu'ils avaient bien plus de libertés dans la direction de leurs histoires en traitant de thèmes historiques plutôt que contemporains. La censure veillait.
Dans le cas présent , il s'agissait en plus de montrer la puissance du cinéma italien : nous sommes dans une superproduction, et ça se voit. Les influences vont du Ben Hur de Fred Niblo aux Niebelungen de Fritz Lang...



Il s'agit de faire date. Nous sommes en 1941, et l'Italie se fait oublier dans le conflit mondial. Il faut  montrer les muscles. Le scénario mêle, dans ce but,  à peu près tous les motifs mythiques possibles et imaginables : un roi cruel qui enferme sa fille, une malediction, une sorcière, et surtout une couronne, La fameuse couronne , que tout le monde s'arrache...
Entre prétention, propagande, et rebondissements dignes du sérial, le film fait preuve d'une belle énergie, une énergie plus proche des délires à la Griffith ou à la DeMille ( on pense à l'ahurissant Signe de Croix), qu'aux péplums bigarrés et multicolores des années 50-60... On retrouve d'ailleurs cette imagerie foisonnante, ces décors chargés, hyper luxueux, typiques du péplum des années 10...


La distribution porte également en elle les stigmates de l'époque. Je ne parle pas du jeune Massimo Girotti, héros de l'histoire , qui sera révélé quelques mois plus tard dans Les Amants Diaboliques de Visconti...


... ou du brave Gino Cervi, que nous retrouvons encore, cette fois dans le rôle d'un méchant...
Non, je veux parler du redoutable tandem Luisa Ferida / Osvaldo Valenti.


Ces deux-là furent véritablement les Amants Diaboliques du cinéma fasciste italien .
Lui, se fait connaître dès les années 30, dans des comédies où il joue souvent le méchant, le traître, l'amant éconduit. Certains témoignages laissent apparaître , progressivement , une espèce d'attraction morbide du bonhomme  pour le mal, la dépravation, l'auto-destruction, ce qui l'aurait conduit à se rapprocher des ultras de l'Italie Fasciste.
Luisa Ferida , quant à elle, est une petite comédienne peu talentueuse qui , petit à petit , dans cette époque trouble, va accéder aux premiers rôles. Il n'est pas inutile de préciser ici que , pour l'un comme pour l'autre, le rôle de Blasetti dans l'avancée de leur carrière fut prédominant . C'est La Couronne de Fer qui installa définitivement Ferida comme vedette.
Durant l'été 43, le fascisme s'écroule. Valenti et Ferida décident  alors de suivre Mussolini dans sa fondation de l'éphémère République de Salò . Ils y tourneront quelques films, et Valenti s'engagera dans son armée...


En Avril 1945, à Milan, ils sont arrêtés par des partisans italiens, et tous deux fusillés sans jugement.  
De cette histoire qui continue à hanter l'Italie, le réalisateur Marco Tullio Giordana a tiré un film , Une Histoire Italienne, en 2008, avec Monica Bellucci...


A l'année prochaine !

Fred.

PS : Et Blasetti, alors ? Eh bien, il va finement prendre le virage du néo-réalisme avant la fin de la guerre, en signant son meilleur film, Quatre Pas dans les Nuages, avec -encore- Gino Cervi ! Cela lui permettra de passer entre les gouttes et de continuer, peinard, sa carrière, en s'orientant de plus en plus vers la comédie...



dimanche 20 décembre 2015

CINEMA DE MINUIT - LA GUERRE DES MISS...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 25 : Vulcano (1950) , de William Dieterle...

Ce film est le grand perdant d'une bagarre de femmes pour l'amour d'un homme.
Je m'explique.
En 1948, Roberto Rossellini, le génial réalisateur de Rome Ville Ouverte, rencontre Ingrid Bergman, l'actrice suédoise émigrée à Hollywood, et il en tombe éperdument amoureux. Problème : le réalisateur est alors en couple avec la volcanique Anna Magnani, jusqu'ici son actrice fétiche Celle-ci ne pardonne pas, d'autant plus que le scandale devient rapidement public , et humilie l'une des actrices italiennes les plus populaires.
La tension monte encore d'un cran quand le réalisateur décide de tourner Stromboli, originellement prévu pour Anna.... avec Ingrid !
Celle-ci décide de ne pas se laisser faire. Elle réquisitionne William Dieterle, réalisateur hollywoodien alors de passage en Europe, et , sur une trame proche, et à deux pas de Stromboli, sur une autre île,  elle va tourner Vulcano... en même temps !
Pendant des semaines, les journalistes vont se régaler à aller et venir entre les deux tournages. Le public italien va se partager entre le Nord, pro-Rossellini, et le Sud, pro-Magnani .
Les deux tournages vont être électriques et paranoïaques ,  Bergman craignant également que son mari suédois ne débarque sur l'île pour la récupérer ...
La légende raconte que chaque soir, Magnani s'en allait à la pointe de l'ïle de Volcano, d'où l'on voyait Stromboli, pour injurier sa rivale à la cantonade...
Les deux tournages s'achèvent en même temps. Vulcano est présenté à la presse en Août 1950, mais la plupart des journalistes quittent la projection avant la fin : on vient d'annoncer la naissance du premier fils de Bergman et Rossellini...
Sur le moment , il n'y aura pas de gagnant : les deux films seront d'énormes échecs.
Mais , soixante ans plus tard, il n'y a pas photo : Stromboli est entré dans la légende comme un des films de Rossellini les plus rosselliniens (même, si, personnellement, il m'a toujours beaucoup ennuyé), alors que Vulcano n'est plus cité que pour l'anecdote.
Il faut dire que Dieterle, contrairement à Rossellini, est arrivé un peu sur le projet par hasard, et qu'il n'est plus , loin de là, le metteur en scène alerte des grandes biographies Warner des années 30...


Il reste un véhicule pour la flamboyance de Magnani, et la démonstration que le cinéma est, décidément, une affaire de passion...

Extrait de Stromboli :



Extrait de Vulcano :

A plus, les amis, et Joyeux Noël à tous !

Fred.

La Source principale de cette chronique est un excellent article du Point sorti en 2011, et signé François-Guillaume Lorrain...

 

samedi 12 décembre 2015

CINEMA DE MINUIT - GINO VALGIANNI...

Bonjour les amis :

Demain, soir, à 00 H 00, sur France 3 : L'Evadé du Bagne - 2ème époque : Tempête sur Paris, 
précédé dimanche dernier de L'Evadé du Bagne - 1ère époque : Chasse à l'Homme,
deux films signés par  Riccardo Freda en 1947...


Et nous voici partis pour la huitième version cinéma des increvables Misérables de Victor Hugo, qui devait en précéder six autres. A noter que celle-ci est la seule qui nous soit parvenue d'Italie !
C'est le succès de l'Aigle Noir (voir chronique précédente), qui permit à Riccardo Freda , abonné aux films de genre, de mettre en branle ce projet ambitieux. Enfin, ambitieux, ambitieux, tout est relatif. Le budget est relativement modeste, et  il reste bien en deçà de celui de l'adaptation flamboyante (la meilleure à ce jour !) qu'en fit Raymond Bernard en 1933 :


Les différences sont nombreuses entre les deux cinéastes : là où Raymond Bernard collait au lyrisme et à la volonté pédagogique du père Hugo, Freda , en bon cinéaste de genre, colle... à l'anecdote, à la péripétie ! Ce qui n'est pas si fou,c ar il ne faut pas oublier que, malgré tout, Les Misérables ont d'abord paru ... en feuilleton. D'où cette impression étrange que Freda confond Hugo avec Dumas. Cela n'a pas que des inconvénients : le vol du pain, l'arrestation de Valjean, son évasion, et sa sortie définitive du bagne, sont ici traités en moins de dix minutes. Sans ambiguïté, Freda considère d'ailleurs Valjean comme un héros , et pas comme un personnage symbolique : son parcours n'est pas initiatique, il est , d'après le réalisateur, un homme qui fait ce qu'il veut !
Il est incontestable que, dans cette version, le rythme l'emporte sur la caractérisation des personnages : Cosette, Fantine et les Thénardier, par exemple , sont presque des silhouettes, et la seule forte confrontation qui est retenue est celle qui oppose Valjean à Javert . Les deux personnages sont d'ailleurs les mieux campés :


Définitivement marqué par son rôle de Peppone, Gino Cervi fut pourtant un acteur important des années 40, pour de pas très bonnes raisons d'ailleurs : on l'employa beaucoup dans des films historiques ou de cape et d'épée , bizarrement comme héros, alors que son embonpoint était déjà fort apparent ! Ce fut LA très bonne idée de Freda de lui confier le rôle de Valjean : pour incarner cet ancien forçat, capable, je le rappelle, de soulever une carriole, il ne fallait pas prendre un gringalet. C'est là que Cervi va vraiment trouver son emploi, un emploi d'homme massif, terrien,charismatique, qui l'emmènera, certes, au maire communiste des Don Camillo, mais aussi à celui du commissaire Maigret, qu'il incarnera à de multiples reprises...


Giovanni Hinrich incarne quand à lui un Javert comme on les aime, psychorigide jusqu'à la folie, obsessionnel, sourd et aveugle à tout ce qui n'est pas son devoir. Il est dessiné de façon très convaincante par Giovanni Hinrich , dont le parcours est difficile à suivre. Metteur en allemand d'origine juive connui sous le nom de Hans Hinrich , il se convertit au catholicisme pour échapper aux persécutions allemandes. Mais , malgré tout, il doit fuir en Italie , où il met en scène plusieurs films, dont une Lucreze Borgia...
En 1946, cette fois pour éviter les représailles contre les allemands, il devient Giovanni Hinrich, et passe de l'autre côté de la caméra . Javert est son rôle le plus important. Il retournera rapidement en Allemagne, où il deviendra un des papes du doublage...

Ne vous attendez pas à une version spectaculaire des Misérables. Ici, vous êtes dans un film d'aventures, un western, un mélodrame ayant pour héros Jean Valjean ! Et si, comme moi, vous aimez les successions de péripéties sans temps mort, eh bien, vous passerez un bon moment !

Extrait :


 A plus !

Fred.

dimanche 29 novembre 2015

CINEMA DE MINUIT - PRES D'UN LAC, LE RETOUR...

Bonsoir les amis !

Ce soir, à 00 H 20, sur F3 : La Vengeance de l'Aigle Noir (1951), de Riccardo Freda...




 Eh ben, eh ben, eh ben, qu'est-ce que c'est que ces façons ? On nous passe La Vengeance de l'Aigle Noir sans nous avoir passé auparavant L'Aigle Noir ? Mais comment on va comprendre ce qui se passe, nous ? C'est pas comme si le premier volet était connu, et puis même ! Ca ne se fait pas !
Bon, ben , parlons des deux films, de toutes façons, je ne les ai vus ni l'un ni l'autre !
L'Aigle Noir, version italienne, est sorti en 1946. C'est le remake d'un des films muets les plus connus du sieur Rudolf Valentino...


Inspiré de Pouchkine, le film conte la vengeance (déjà ) du fils d'un officier du tsar, assassiné par un vil profiteur qui s'est accaparé ses biens. Il rencontre la fille du vilain et en tombe amoureux, rendez-vous compte. Dans ce premier volet, le gentil Doubrovski est joué par Rossano Brazzi, et le méchant Petrovic par Gino Cervi, qui n'était pas encore Peppone, mais qui état déjà un des acteurs fétiches de Freda...

Riccardo Freda fut un des plus prolifiques et inventifs metteurs en scène de genre qu'ait connu l'Italie de l'après-guerre. Eclipsé par les innombrables auteurs transalpins, il fut redécouvert dans les années 60 par les cinéphiles du cinéma le Nickelodeon, parmi lesquels on trouvait Bertrand Tavernier et Yves Boisset.
Freda s'est colleté à tous les genres considérés comme peu nobles ; cape et épée, mélodrame, péplum, fantastique, en essayant le plus souvent de tirer le meilleur d'un matériau parfois banal. Ce qui ne l'empêchait pas de se lancer parfois dans des projets d'envergure : juste après L'Aigle Noir, il livra une assez remarquable version des Misérables, avec Cervi en Jean Valjean, version que le CDM nous passera... la semaine prochaine !


Mais il faut croire que L'Aigle Noir fut un assez gros succès, puisqu'on commanda à Freda une suite... cinq ans plus tard  ! Exit Cervi, parti se quereller avec Fernandel, mais rebonjour Brazzi/Doubrovski !

Brazzi eut , lui aussi, une carrière longue et éclectique. Il s'installa dans le drame, le film de cape et d'épée, et  tenta plusieurs fois l'aventure internationale, ce qui lui permit de jouer pour Douglas Sirk, Mankiewickz, David Lean, et même Abel Ferrara !
Nous retrouvons donc notre Doubrovsky bien après la nouvelle de Pouchkine. Il était parti, il revient, toute sa famille a été assassinée, et il décide donc... de se venger. Encore. C'est une manie. Et pour se venger du méchant (Peter Trent, cette fois, inconnu au bataillon), il décide d'enlever sa soeur, incarnée par la réjouissante Gianna Maria Canale...


"Je défie quiconque de continuer à manger quand Gianna entre dans un restaurant" disait Freda qui était son compagnon, son mentor, et à qui elle doit ses rôles les plus importants.Elle sera également considérée comme une des reines du péplum, notamment à travers Théodora reine de Byzance (1953) , bien sûr signé Riccardo...




Ne pas rater, en tous cas , ce western cosaquo-italien, une curiosité !

A plus !

Fred.




dimanche 22 novembre 2015

CINEMA DE MINUIT - PEPLOUM BADABOUM...

Bonjour les amis !

Désolé, mais j'étais trop touché, comme beaucoup, la semaine dernière, pour vous chroniquer Le Bigame , de Luciano Emmer.. ou  même pour le regarder, d'ailleurs...

Ce soir, à 00 H 20, sur F3 : Messaline (1951), de Carmine Gallone... 

 

Hollywood pourra bien dire ce qu'il voudra, le vrai pays du Péplum, c'est l'Italie . C'est de là que sont venus , dans les années 10, les deux premières superproductions à colonnes et jupettes : Quo Vadis (1912), d'Enrico Guazzoni...


... et surtout Cabiria (1914), de Giovanni Pastrone...


Messieurs Griffith , DeMille, et autres américains n'ont eu qu'à suivre et à développer. Fort bien, d'ailleurs, un des modèles muets du genre  restant le Ben Hur de Fred Niblo, tourné en 1925, époque où le genre était , déjà, dans son pays d'origine, tombé en désuétude...

Mussolini essaya bien de relancer le genre pour lui donner une symbolique politique forte, avec, par exemple, l'imposant Scipion L'Africain (1938), réalisé, tiens, tiens, par Carmine Gallone...


Mais l'exercice vint trop tard, et le genre, assimilé à l'idéologie fasciste, rentra prestement dans sa coquille.
Mais il ne tarda pas à réapparaître, et de manière assez gigantesque : une coproduction franco-italienne à très très gros budget, intitulée Fabiola, et ayant pour vedettes Michèle Morgan et Henri Vidal...


Ce succès inattendu donna des idées aux producteurs, et, notamment, à celui de ce Messaline.
Ah, Messaline, incarnation même de la dépravation et de la duplicité. cette épouse de l'empereur Claudius peut concourir, d'égal à égal avec Lucrèce Borgia, au titre de plus belle garce de l'Antiquité. Peut-être pas au regard de l'Histoire, mais en tous ca au regard de la Littérature et du Cinéma, qui l'ont largement décrite, et le plus souvent pas très habillée.
Le film de Gallone est une coproduction hispano-italo-française. Ce type de mic-mac international caractérisera rapidement le genre , avant de profiter au western spaghetti. La distribution témoigne de l'aspect Auberge Espagnole du projet :
Cette peste de Messaline est interprétée par la mexicaine Maria Felix.


C'est à l'évidence un tremplin européen pour cette très belle femme déjà très populaire en Espagne et dans son pays, où elle a succédé à Dolorès Del Rio dans les beaux mélodrames signés Emilio Fernandez...


Dans le rôle de son amant, Caius Sillus, on trouve le pauvre français Georges Marchal, déjà vu au CDM dans Bethsabée, et qui échoue encore à trouver LE film qui le sortira de ses raides beaux gosses. L'empereur Claude est , quand à lui, incarné par l'italien  Memmo Benassi, vieux de la vieille du Cinéma et surtout du Théâtre Italien, dont c'est une des dernières apparitions.
Et comme souvent dans les péplums, on trouve dans la distribution des comédiens que l'on ne s'attend pas à trouver là, comme les vieux routards Jean Tissier et Germaine Kerjean, ou encore le jeune Michel Vitold !
Et je ne parle même pas des scénaristes, où on remarque les noms de Pierre Laroche, vieux complice de Prévert, et d'Albert Valentin, spécialiste chez nous de comédies de moeurs !

Chaînon manquant entre les productions muettes et les délires kitschissimes des années 60, le péplum des années 50, s'il n'a plus la magnificence de ses aînés,  se prend encore un peu au sérieux. Pour le meilleur et pour le pire...

Making-of d'époque du film...


A plus.

Fred.




vendredi 6 novembre 2015

CINEMA DE MINUIT - UNE ANNEE PARTICULIERE...

Bonjour les amis !

Dimanche soir, à 00 H 20 sur F3 : Dommage que tu sois une Canaille (1954), de Alessandro Blasetti...


Nous entrons pour quelques semaines dans un cycle Cinéma Italien qui démarre avec un film qui a le mérite d'aligner trois noms parmi les plus évocateurs de la production transalpine de l'Age d'or : De Sica, Loren, et Mastroianni. 
S'agit-il pour autant d'un chef d'oeuvre ? Non. Plutôt d'une étape.
Au milieu des années 50, le néo-réalisme ne fait plus recette.
Il ne fait plus recette auprès des jeunes auteurs en devenir, les Fellini, Pasolini, Monicelli, qui vont chercher d'autres formes, plus féroces,  susceptibles de dépasser le simple constat social, penchant parfois dangereusement vers le misérabilisme.
Il ne fait plus recette auprès des ses fondateurs même, Rossellini, Visconti, et même De Sica, qui vont tourner leur génie vers des imaginaires plus fous, plus forts.
Et surtout, il ne fait plus recette auprès du public italien, fatigué de retrouver sur grand écran ses malheurs du quotidien.
Mais , en attendant que toutes ces frustrations aboutissent à l'explosion artistique des années 60, les producteurs, malins et aux aguets, vont trouver la parade : ils vont garder la cosse du néo-réalisme, tournage en extérieurs, vraies gens, détails authentiques... pour raconter des petites histoires gaies qui vont charmer le public, lui permettre de se reconnaître , tout en appréciant le miroir tendu. On va appeler ca gauchissement le néo-réalisme rose.
Le film qui va marquer le début, et la réussite de ce courant est le fameux Pain, Amour et Fantaisie, de Luigi Comencini...


Le film est le modèle du genre : un petit village typique, où tous les gens sont de braves gens, pittoresques mais braves, un acteur populaire (De Sica) incarnant un carabinier décalé mais sympathique, et... une ravissante sauvageonne (Gina Lollobrigida) incarnant la santé, l'optimisme, la gouaille et la beauté de la femme italienne.
Le film de ce soir est dans la droite lignée de ce courant. On y retrouve De Sica, cette fois en voleur, et père d'une voleuse , qui n'est autre que Sophia Loren.

Sophia Loren est d'abord une création de la presse du coeur, comme on appelait alors la presse people. Elue Miss Elegance à 17 ans, elle pose dans moult romans-photos et n'hésite pas à apparaître seins nus dans ses premiers (et mauvais) films. En 1952, elle signe un contrat important avec le producteur Lombardo qui va la sortir de ces marécages, notamment en la signant pour le formidable Or de Naples de... De Sica ! (Eh oui, il est partout, celui-là !). Elle obtient enfin son premier grand rôle dans  une étrange version filmée de Aïda , de Verdi... où tous les acteurs sont doublés pour le chant !!



Mais le film de ce soir marque un palier important dans sa carrière , d'abord parce qu'elle peut enfin y exposer pleinement une fantaisie de jeu, qui, alliée à sa sensualité naturelle, fait des ravages. Et ensuite, parce que c'est sa première rencontre avec  Marcello Mastroianni.


Le jeune Mastroianni arpente les plateaux depuis la fin des années 40, mais jour de malchance. Il joue parfois dans des films marquants , mais les producteurs s'en défient, à tel point que sur le Dimanche d'Août de Luciano Emmer, il est doublé par Alberto Sordi !


Pour sa carrière aussi, le film est important : le rôle de ce chauffeur de taxi naïf, victime d'une trop belle fille , lui vaudra l'affection du public, et le tiendra dans des emplois de brave gars pour quelques années, avant que Visconti et Fellini, entre autres, ne révèlent sa grandeur aux yeux du monde.
L'alchimie entre Loren et Mastroianni est évidente. Ces deux-là ne joueront pas moins d'une douzaine de fois ensemble , le sommet de leur complicité étant atteint dans la superbe Journée Particulière (1977) , d'Ettore Scola...


Mise en scène tranquille, tranquille, par le vétéran Alessandro Blasetti, cette adaptation lointaine de Moravia  est plaisante, notamment grâce à l'abattage réjouissant de ses trois interprètes. On peut y voir, à toutes toutes petites touches, l'embryon de cruauté qui caractérisera  la grande Comédie Italienne. Mais bon, il faut de bonnes lunettes.
En tous cas, le succès du film sera tel que , quelques mois plus tard, cette fois sous la caméra de Mario Camerini, le trio se reformera pour un film du même acabit, Par-dessus les moulins..




Bande-annonce du film de dimanche :


A plus !

Fred.

dimanche 1 novembre 2015

CINEMA DE MINUIT - BEBERT STROGOFF...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 15, sur F3 : Volga en Flammes (1934), de Victor Tourjansky...


Si vous avez vu Razumov il y a quinze jours, vous savez que le cinéma français des années 30 avait beaucoup d'affection pour les récits russes. Les récits russes situés de préférence avant la Révolution, c'était plus romantique, plus pittoresque. De l'arrivée du parlant à 1940, on ne comptait plus les épopées moscovites. Jouées , comme vous l'aurez compris, par nos acteurs nationaux.
Et choisir Albert Préjean, acteur parigot comme pas un, pour incarner un officier russes, voilà qui est croquignolet ! Le scénario, lui, vaguement inspiré de Pouchkine, est assez linéaire : un aventurier se proclame tsar du peuple. Un militaire qui lui avait sauvé le vie (Préjean) va monter une armée contre lui, et le vaincre...
Le film, une petite chose assez rigolote, mais oubliable , marque surtout la première association d'un tamdem très populaire dans les années 30 : Albert Préjean/Danielle Darrieux...

Ces deux-là allaient tourner pas moins de sept films ensemble entre 1937 et 1942, des comédies, pour la plupart. Volga est à part : si Préjean est déjà une vedette, Darrieux, dont c'est le sixièmefilm , n'a pas encore tourné de très grands succès et est encore le faire-valoir féminin du héros... On la voit par ailleurs assez peu dans cette histoire de cosaques.

La plus-value du film, c'est l'inénarrable Inkijinoff.

Valéry Inkijinoff est un acteur russe, bouriate pour être plus précis. Son cursus est prestigieux : il étudie avec Meyerhold ,  Eisenstein, puis Lev Koulechov. Il devient metteur en scène pour les plus grands studios soviétiques. Mais , à l'occasion d'un voyage en France organisé pour lui faire découvrir le cinéma parlant, il rencontre des russes émigrés et décide de ne pas repartir. A partir de là, il sera , pendant trente ans, LE chinois, l'asiatique, le mongol de service dans tous les films possibles et imaginables , étant réduit à son physique inquiétant comme le fut, à la même époque, Erich Von Stroheim.  Ce qui lui permit tout de même de tourner avec des cinéastes aussi prestigieux que Duvivier, Pabst ou Fritz Lang. Ce comédien atypique donne du cachet à tous les films où il apparaît, et celui-ci ne fait pas exception.
Autre russe exilé, le réalisateur Victor Tourjansky;

Lui fait partie de la vague d'émigrants des années 1920, qui allaient constituer le noyau du fameux studio Albatros, le studio russe... de Paris. Mais très vite, Tourjansky se spécialise dans les drames amoureux, et les fresques... russes. Son Michel Strogoff de 1926 fera de lui, et pour longtemps, le spécialiste des aventures tartares...
Dès lors, il partagera sa carrière entre la France , l'Allemagne et l'Italie.
Enfin, pour boucler la boucle, il achèvera sa carrière par... le Triomphe de Michel Strogoff, en 1961, trente-cinq ans après la version précédente, et qui fut, à nouveau, un succès !


A noter que l'on peut retrouver , dans Volga, dans le rôle d'un rival, le jeune Raymond Rouleau, vu la semaine dernière, ainsi que la comédienne Nathalie Kovanko, qui fut la femme de Toujansky, et dont c'est une des rares apparitions parlantes avant qu'elle ne le quitte, ne rentre en Russie, et n'abandonne le métier...

A plus !

Fred.






vendredi 23 octobre 2015

CINEMA DE MNUIT - AU BOUT DU ROULEAU...

Bonjour les amis !

Dimanche prochain, à 00 H 20, sur France 3 : L'Aventure commence demain (1948), de Richard Pottier...


Richard Pottier au Cinéma de Minuit ? Gloups !


Ce metteur en scène française d'origine austro-hongroise va aligner , des années 30 à 60, tout un chapelet d'oeuvres hautement dispensables , la plupart étant des véhicules pour Tino Rossi et Luis Mariano, comme Destins (1946), ou Violettes Impériales (1951)...




... s'aventurant aussi dans d'autres directions, avec des bonheurs divers : Signé Picpus, un piteux Maigret, l'étrange Meurtres ?  (1950) , avec Fernandel...

ou, car il obtenait parfois de fameux succès commerciaux, le premier volet de la fameuse trilogie Caroline Chérie (1951), avec Martine Carol...



Les retours sur sa direction d'acteur sont édifiants : d'après son assistant Jean Devaivre, il lançait aux comédiens juste avant la prise : essayez ça pas trop con ! Il n'a jamais très bien parlé le français , mais la consigne était claire... et la vision de la plupart de ses films démontre qu'elle fut fort peu suivie...
Avec le film de ce soir, en plus, nous n'aurons pas l'occasion de nous gausser du jeu déplorable de tel ou tel roucouleur.
Ce film , bien bien méconnu, ne nous propose qu'un couple bien oublié : Isa Miranda/Raymond Rouleau.


Star depuis les années 30, où elle fut découverte par Max Ophüls, Isa Miranda  passe à côté d'une brillante carrière hollywoodienne à cause d'un bête accident de voiture. Elle reste donc en Europe, où elle enquille quelques grands succès, comme dans Malombra de Mario Soldati, et surtout, surtout, le très beau Au-delà des Grilles (1948 - elle le tourne juste après le film de ce soir), de René Clément, avec Jean Gabin...



Raymond Rouleau était un fou de théâtre dont on a fait trop vite un jeune premier de cinéma. Dès les années 30, il se partage entre mise en scène de théâtre ET de cinéma, ainsi qu'entre jeu au théâtre ET au cinéma. Question mise en scène, c'est au théâtre qu'il s'épanouit vraiment. Mais le cinéma, curieusement, le sollicite énormément, notamment à partir des années 40. Sûr de lui et dominateur, il se montre insupportable sur les plateaux ! Aujourd'hui, son jeu léger (trop ?), bondissant et ironique surprend, dans cette époque propice aux monstres sacrés tonitruants...

Et le film , alors ? Pas vu, vous pensez bien..Le scènario est intrigant : deux filous essaient d'arnaquer un ancien colonial (André Luguet, éternel colonial, éternel cocu). Mais ils finissent par tomber z'amoureux... 
Soyons brefs : le nom de Pottier comme metteur en scène laisse craindre le pire... Mais la présence, au scénario et aux dialogues , de Norbert Carbonnaux peut être une bouée de sauvetage : il sera, en effet, quelques temps plus tard, l'auteur complet de quelques comédies françaises assez réjouissantes, telles Courte-Tête, ou Candide...


A plus !
Fred.



samedi 17 octobre 2015

CINEMA DE MINUIT - UN OCCIDENT EST SI VITE ARRIVE...

Bonjour les amis !

Demain  soir, à 00 H 15, sur F3 :Razumov /Sous les Yeux d'Occident (1936), de Marc Allégret...


Vous avez aimé les parigots jouant des Turcs ? Vous ADOREREZ les parisiens jouant des russes !!
Cette fois, c'est le déjà fort expérimenté Marc Allégret qui s'y colle, assisté de son frère Yves, et d'une jeunette nommée France Gourdji, qui sera plus connue sous le nom de Françoise Giroud !
Le film est une adaptation d'un roman de Joseph Conrad, le futur inspirateur de Coppola pour Apocalypse Now. Ici, nous en sommes loin .
Un étudiant russe apolitique, après avoir secouru un camarade, se retrouve emporté dans la grande tourmente de la révolution. Il trahit les siens, qui finiront par l'exécuter.
On sent dans ce récit, qui tourne autour de la culpabilité et du cas du conscience,  l'influence du Dostoievski de Crime et Châtiment . Sans doute les producteurs ont-ils voulu réitérer la réussite de la version réalisée en 1934 par Pierre Chenal, la meilleure à ce jour :

En tous cas, ils ont mis le paquet : le générique annonce dix vedettes . C'est un peu exagéré , mais réussir à réunir Michel Simon, Jean-Louis Barrault, Pierre Renoir et Pierre Fresnay était déjà un tour de force. Le film est à coup sûr une curiosité, car il nous permet de découvrir à l'écran le célèbre mais rare Jacques Copeau.


Jacques Copeau fut une des figures les plus importantes du théâtre du début du XXè Siècle, fondant le théâtre du Vieux-Colombier en 1913, en opposition à l'art dramatique enseigné alors au Conservatoire. Il dépoussièrera le répertoire, et lancera des auteurs, tel Roger Martin du Gard ou Claudel. Ses disciples, Jouvet, Dullin, poursuivront son oeuvre.
A la fin des années 30, cherchant à financer ses nombreux projets, et suivant l'exemple de Jouvet, il consent à apparaître au cinéma. Le rôle de Mikulin est son premier rôle parlant. Quatre autres suivront, avant que 'lOccupation ne l'éloigne et des studios et des plateaux...
Le film est également l'occasion de retrouver la fort oubliée Danièle Parola.

Sa carrière est intimement liée à celle du producteur André Daven, qu'elle épouse en 1927, et qui produira la grande majorité de ses films. Sa plus grande victoire est d'être apparue dans la fameuse Veuve Joyeuse , de Lubitsch , aux côtés de Maurice Chevalier et Jeanette MacDonald...


Elle se retire des écrans dès la fin de 1937, mettant fin à une carrière sans grand éclat...

Aimos, Gabrio, Sokoloff, Jean Dasté, et des troisièmes rôles fameux complètent la distribution de cet obscur ouvrage, qui me rend bien curieux : Allégret, réalisateur au souffle bien limité, est-il parvenu à donner épaisseur à ce sujet bien ambitieux ? Fresnay convaint-il , lui, à qui les rôles d'homme perturbé (La Main du Diable)  ont plutôt bien réussi ? Ou tout ce monde a-t-il été convoqué pour pas grand'chose ?
Wait and see...

A plus !

Fred.

dimanche 11 octobre 2015

CINEMA DE MINUIT - AU PIED, SULTAN !

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 25, sur France 3 : L'Esclave Blanche (1939), de Marc Sorkin...


Gloups ! Il y a des hasards malheureux : programmer , le lendemain des attentats d'Ankara, ce film ancien qui montre ouvertement la Turquie comme un repaire de barbares est une coïncidence fâcheuse. Mais bon, tout ceci n'est qu'un cinéma d'époque.
Ce film, très très obscur , témoigne de la difficulté qu'ont eu les producteurs à trouver des rôles valables pour madame Viviane Romance, alors au faîte de sa gloire (elle coiffait alors au box-office ET Darrieux, ET Morgan !).

Révélée par Duvivier dans La Bandera et surtout La Belle Equipe, Viviane Romance est incontestablement la vamp de l'avant-guerre, sensuelle et vénéneuse, ce qu'elle confirmera dans La Maison du Maltais , en 1938.

Mais ce ne sont que rôles de filles perdues, prostituées ou garces. Elle ambitionne qu'on lui confie de grands rôles "sains" ... que personne ne souhaite lui confier. Le film de ce soir se situe dans cette queue de comète, où l'actrice se perd dans des mélodrames qui ne la méritent pas  : ici, une femme , mariée à un diplomate, se retrouve dans une Turquie barbare, où elle est victime des assiduités d'un cruel sultan.

Le réalisateur crédité est Marc Sorkin , ancien monteur et assistant de G.W. Pabst, crédité ici comme superviseur . Ne nous emballons pas, le Pabst d'alors est en pleine déconfiture artistique, loin de la grandeur de ses films avec Louise Brooks...
Sorkin, dont c'est le quatrième et dernier film de fiction, n'a guère laissé de traces.


La distribution ne s'embarrasse pas de réalisme, comme souvent à l'époque : le méchant sultan turc est en effet incarné par... le cher Marcel Dalio, encore une fois grimé en métèque de service, ce qui est bien triste si l'on rappelle que , la même année, il trouvait le rôle de sa vie dans La Règle du Jeu, de Renoir...


Et le reste de la distribution turque est 100 % française , bien sûr : Sylvie, Mila Parély, Roger Blin, j'en passe et même l'inévitable et loufoque Saturnin Fabre dans le rôle de... Djamel Pacha !
On me rétorquera : oui, mais bon, pour Pépé le Moko, c'était la même limonade, et c'est tout de même un chef d'oeuvre !
Oui, certes, mais sur Pépé, il y avait Duvivier derrière la caméra, ainsi que Jeanson aux dialogues . Ici, aux côtés de deux adaptateurs inconnus (le film est un remake d'un muet de 27), on trouve le nom du bien oublié Steve Passeur.
Quand au mari , turc occidentalisé, il est joué, en toute logique, par... un américain ! Il s'agit de John Lodge, dont le titre de gloire fut d'avoir serré Marlène Dietrich dans ses bras dans L'Impératrice Rouge, de Sternberg ...


Ironie du destin, il quittera le cinéma pour la politique et terminera sa carrière en tant ... qu'ambassadeur !
Quoiqu'il en soit, il y a  fort à craindre que le film de ce soir soit un petit monument de kitsch années 30, avec son cortège d'invraisemblances et de connotations racistes. Que les tenants du politiquement correct soient prévenus.
Pour moi, malgré ces grosses réserves, la joie de retrouver ces irremplaçables monstres sacrés que sont Fabre, Dalio, Sylvie , et la belle Viviane, devrait faire passer l'amertume de la pilule.
Et puis on n'est jamais à l'abri d'une bonne surprise !


A plus !

Fred.


 


dimanche 4 octobre 2015

CINEMA DE MINUIT - AVEC LE CARREFOUR, RENOIR POSITIVE !

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 20 sur F3 : La Nuit du Carrefour (1932), de Jean Renoir...

 Après le décevant Chotard et Cie diffusé la semaine dernière, quelle joie de retrouver un vrai Renoir ! Pas son meilleur film, selon moi, j'y reviendrai, mais en tous cas un jalon important de sa carrière, et sa seule rencontre avec l'oeuvre de Simenon.
1932 marque l'entrée de l'oeuvre simenonienne au cinéma, et par la grande porte, puisque deux films sortent cette année-là, mettant en scène le commissaire Maigret : La Nuit du carrefour, d'abord , et Le Chien Jaune, d'Abel Tarride. Ils seront rapidement suivis, début 33, de La Tête d'un Homme , de Julien Duvivier.
La Nuit du Carrefour est d'abord un des meilleurs Maigret de Simenon. Cette histoire très angoissante d'un crime commis près d'un des nombreux garages perdus qui fleurissaient alors au milieu des carrefours de France, s'avère sèche, nerveuse et troublante. Et toutes les versions filmées qu'il m'a été donné de voir étaient réussies, tant le dispositif de base était efficace. Il n'empêche, et c'est en cela que le film est important pour les renoiriens, Renoir décide de prendre des libertés de metteur en scène avec l'intrigue originelle. Il ne la modifie pas , non, mais au lieu de montrer l'arsenal déjà habituel du film policier français (interrogatoires, hypothèses, recherche de preuves), Renoir flâne et fait flâner ses acteurs , le plus souvent de nuit, sur les lieux du crime. Les personnages sont peu diserts , et le malaise s'installe . Tout cela donne un film un peu cotonneux, très original, mais où l'on perd , finalement, l'intérêt pour l'enquête policière.
De plus, Pierre Renoir campe un singulier Maigret .

Sans doute influencé par ses sympathies anarchistes d'alors, qui allaient l'emmener tout droit vers Boudu, Renoir fait composer à son frère un Maigret sombre, peu sympathique, plus proche du cogne cher aux libertaires que du bon papa qui sait écouter. Difficile de s'attacher au personnage.
Le malaise est accentué par le jeu de l'actrice Winna Winfried.


 Cette obscure actrice danoise, dont c'était le premier film, a fasciné Renoir. A tel point qu'il a développé à l'envi les scènes où elle apparaît. Si la jeune femme est fort belle et photogénique, son accent à couper au couteau n'aide pas à la compréhension du film, loin de là ! A tel point que le film véhicule des légendes invraisemblables : les deux dernières bobines auraient été perdues par l'assistant Jean Mitry ( futur fondateur de la Cinémathèque Française) , ce qui expliquerait la durée inhabituelle (70 minutes !), du film, ou alors la script-girl aurait fait de colossales erreurs , ou bien, pour finir, Renoir aurait été soûl tout le long du tournage !
Quoi qu'il en soit, l'intrigue est , au final, assez incompréhensible. La mise en scène audacieuse, inspirée, de Renoir , fait tout le sel de cette envoûtante Nuit du Carrefour.
De là à écrire , comme le fit Godard, que c'est le meilleur film d'aventures de tous les temps, il y a un pas que je ne franchirai pas, attaché que je suis à défendre plutôt le film de Duvivier, La Tête d'un Homme, sorti, donc, l'année suivante, et où Harry Baur compose, lui, un Maigret pétri d'humanité.

Je préciserai pour terminer que cette critique se base sur la copie assez abîmée qui circule depuis quelques années, et qui est , sans doute, celle qui sera diffusée ce soir. Peut-être qu'une restauration du film, si elle est possible, et notamment du son,  permettrait d'apprécier au plus juste sa valeur . En l'état, c'est un peu compliqué.

Extrait du film de ce soir : 



 A plus !

Fred.








dimanche 27 septembre 2015

CINEMA DE MINUIT - VIEUX CHOTARD QUE J'AIMAIS...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 25, sur F3 : Chotard et Cie (1932), de Jean Renoir...

 "Chotard ? Je ne m'en souviens pas."
                                                       Jean Renoir.

Tout est dit. Ou presque. Coincé dans la filmo de Maître Renoir entre La Nuit du Carrefour et Madame Bovary, cette pochade fait pâle figure.




A l'origine, il s'agit d'une pièce de Roger-Ferdinand, fameux boulevardier, avec qui le temps n'a guère été tendre. Il n'y a pas grand'chose à sauver de son oeuvre vieillie.
Un poète est amoureux de la fille d'un négociant qui le méprise. Mais le poète remporte le Goncourt et devient célèbre. Le négociant en fait une machine à écrire...
La satire de la bourgeoisie fait penser, en plus épais, à Topaze, de Pagnol, pièce sortie la même année , en 1928. Mais ce qui saute d'abord aux yeux, c'est l'écart entre cette fantaisie aimable et la violence anarchiste de Boudu Sauvé des Eaux, avec son bourgeois honnête, cultivé , mais tellement fade, renversé comme un fétu par la bonne santé animale de Michel Simon...


On pourra s'amuser du numéro de Fernand Charpin, inoubliable Panisse de la Trilogie Marseillaise, ici maître du jeu . L'acteur , se considérant comme un tragédien, avait toujours regretté d'avoir accepté la pièce, puis le film.
On pourra également redécouvrir au moins deux acteurs très très oubliés, que même moi je ne les connaissais pas :

Georges Pomiès était un personnage assez incroyable , à la fois chanteur, comédien, et surtout danseur. Dans tous ces domaines, sa carrière est fulgurante. Il explose au milieu des années 20, travaille avec Dullin, Prévert, et , donc, Renoir, avant de mourir prématurément, à 30 ans, peu de temps après la sortie du film.
Il est l'élément le plus surprenant du film, en poyète opprimé.


Jeanne Boitel fait partie de ces jeunes et belles comédiennes qui ont inauguré l'ère du parlant en France, et que l'Histoire du Cinéma a avalées toutes crues : on la trouve aux côtés de Marcelle Chantal, Simone Berriau, Colette Darfeuil, Meg Lemonnier... Dès le milieu des années 30, leur carrière se ralentit au profit des premières véritables stars de l'écran français : Darrieux, Morgan, Feuillère, Viviane Romance, Ginette Leclerc... Boitel se réfugiera, après la guerre, à la Comédie Française, dont elle sera pensionnaire durant vingt ans...
Et comme beaucoup d'actrices de l'époque, elle chantait, histoire d'amortir le matériel d'enregistrement sonore :

 
 
 Bref, n'en déplaise à ses thuriféraires nombreux, dont certaines envolées me font bien rire durant les longues soirées d'hiver, Monsieur Renoir, parfois, s'est planté. C'est pas grave, et cela n'empêche qu'il demeure , malgré tout, un des plus grands réalisateurs français, si ce n'est le plus grand . A débattre.

A plus !

Fred.
 



samedi 26 septembre 2015

CINEMA DE MINUIT (rattrapage) - RAIMU-SARAIGNE...

Bonjour les amis !

Dimanche dernier, à 00 H 25, sur F3 : Monsieur la Souris (1942), de Georges Lacombe...


 Dans Simenon, c'est comme dans le cochon, tout est bon ! Et on peut toujours le charcuter, il en reste encore quelque chose ! De ce roman de 1938, le boulevardier Marcel Achard ( voir la chronique sur Noix de Coco, il y a trois semaines) tire une gentille comédie policière, totalement dominée par un Raimu en liberté.


L'idée la plus cinématographique était en effet celle-ci : faire de ce clochard qui trouve, un soir, sur les Champs-Elysées, un portefeuille ainsi qu'un cadavre, un personnage truculent , apparemment bonasse, mais, qui, au fur et à mesure, denoue les fils de l'intrigue policière, assez confuse et assez vaine, il est vrai . L'ensemble est filmé par Georges Lacombe, aussi peu inspiré qu'il le fut, entre autre, dans le Dernier des Six, pourtant génialement adapté par Clouzot :


Là aussi, la fantaisie présente est celle de l'adaptateur... et du comédien. Gilles Grangier (futur réalisateur du Cave se Rebiffe ), alors assistant sur le film, aimait rappeler que les colères de Raimu lui valaient l'inimitié de l'équipe technique, à tel point que , juste avant le tournage d'une scène, môssieur Raimu faillit se prendre sur la tête un de ces fameux et lourds sacs de lest que l'on accrochait dans les cintres ! On se sut jamais qui était le petit farceur...
Le film est l'occasion , pour les simenoniens, de retrouver deux personnages familiers de l'univers de Maigret : d'abord, le malchanceux inspecteur Lognon, ici incarné par René Bergeron.

Bergeron était bien parti pour entrer au Panthéon des grands seconds rôles aux côtés de Roquevert, Tissier, Saturnin Fabre, Pauline Carton, et j'en passe. Sa tête de faux-jeton était inoubliable pour le spectateur. Sa filmographie jusqu'au milieu des années 40 est d'ailleurs impressionnante : Les Croix de Bois, La Bandera, Pepe Le Moko, Hôtel du Nord, Remorques... Hélas pour lui, aux côtés de son ami Le Vigan, il choisit la voie de la Collaboration et fut interdit de plateau à la Libération. Sanction qui dura plus de dix ans , alors que l'amnistie de 1947 avait permis à presque tout le métier de reprendre le boulot ! A la fin des années 50, il revient , mais dans des films de seconde zone, où il "ouvre les portes", comme on disait...

On retrouve également Lucas, qui, pour l'occasion, est passé commissaire ! Il est interprété par Paul Amiot .


Cet acteur, dont le visage, lui, est plutôt passe-partout, passera effectivement partout, pendant ses soixante ans de carrière ! On lui réservera surtout les troisièmes rôles, qu'il assumera de 1910 à 1973, sans apparente interruption ! Le rôle de Lucas est un de ses rôles les plus consistants de sa longue carrière...

Signalons  enfin la présence, dans le rôle du clochard Cupidon, d'Aimos, grand second rôle affirmé, lui, inoubliable, entre autres, dans La Belle Equipe de Duvivier...


... et dont le sort sera, comme celui de Bergeron, scellé par l'Occupation : il meurt en effet sur les barricades, lors de la Libération de Paris . Un mystère entoure cette mort : la version officielle veut qu'il soit mort en libérateur, des voix discordantes affirment qu'il a été abattu... comme trâitre. Un des nombreux dossiers flous de cette époque troublée...

A plus !

Fred.



dimanche 20 septembre 2015

CINEMA DE MINUIT (Rattrapage) - BETHSABEE MUCHO...

Bonjour les amis !

Dimanche dernier, à 00 H 25 sur F3 : Bethsabée (1947), de Léonide Moguy...

 A tout seigneur tout honneur, j'entamerai cette chronique par une remarque de mon ami cinéphile Laurent Prysmicki , commentateur éclairé de ces humbles articles, qui me disait à propos du film : "Il est de 1947, mais on aurait dit un film des années 30 !". Bah voilà, bien vu, c'est une bonne partie du problème. Mais pas le seul. Développons.
Il existe encore aujourd'hui des admirateurs éperdus de l'oeuvre de Pierre Benoît ( L'Atlantide, la Châtelaine du Liban...). Ces romans d'aventures teintés de fantastique, mais surtout d'un romantisme louchant sur le mélodrame, ont connu un très grand succès , public et critique, dans la première moitié de ce siècle. Ses personnages féminins, proches du fantasme, et dont le prénom commence toujours par la lettre A (Ici, Arabella), sont un de ses traits les plus singuliers. Mais si certains vantent encore le style de l'auteur, il faut bien reconnaître que ses intrigues et ses enjeux ont pris un sacré coup de vieux, et le monde qu'il décrit également.
Ici, comme dans l'Atlantide, deux militaires de déchirent pour une femme, sur fond de paysage exotique. Las, si l'Antinéa de l'Atlantide était, excusez du peu, princesse d'un royaume merveilleux, ici, la petite dame n'est qu'une petite dame , coupable de briser les coeurs et d'avoir poussé un de ses jeunes soupirants au suicide.


De fait, l'histoire ne décolle pas. Et, comme me le soulignait mon petit camarade, elle est déjà désuète au moment où elle est tournée. Le film colonial est un genre dont l'innocence , la naïveté , (l'irresponsabilité ?) est liée au sentiment de puissance et de bonne conscience de la France de la IIIème République, sentiment partagé par une bonne partie de la population, des politiques et des artistes.
La tourmente de la Seconde Guerre Mondiale emporte ce sentiment d'invulnérabilité par-dessus les moulins. Les premières émeutes éclatent dans les colonies (Sétif) et les consciences s'eveillent , notamment avec l'existentialisme.
Le film est décalé par rapport à son époque. Et de fait, personne n'y croit . Roger Vitrac, dramaturge de talent, signe un dialogue sinistrement ampoulé, que les comédiens peinent à rendre vivant.
L'emploi de la musique est ahurissant de maladresse : chaque sentiment, chaque tension est noyée sous des flots de musique humide, signée Kosma, dont il faudra bien qu'on discute sérieusement l'apport réel dans le cinéma français, parce que sorti de Prévert et Carné...
Quand à Léonide Moguy, son titre de gloire restera Prison sans Barreaux (1938), archétype du film social, qui lança la carrière (éphémère, mais c'est une autre histoire...) , de la jeune Corinne Luchaire. Hors de cela, sa carrière , quoiqu'internationale, reste anecdotique.



Le jeune Georges Marchal, interprète du solaire capitaine Dubreuil, l'amoureux présent d'Arabella, fait partie , avec Henri Vidal et Jean Marais, de cette génération de jeunes premiers que l'on voit éclore à la Libération. Mais il sera trop souvent victime de rôles convenus et de projets moyens. Soyons justes, son jeu n'est alors pas fulgurant non plus, même en d'Artagnan dans la piteuse version Hunebelle-Audiard des 3 Mousquetaires.

Il lui faudra attendre la télévision, et les Rois Maudits, dans les années 70, pour qu'il donne pleine mesure de lui-même dans le rôle de Philippe Le Bel...




Darrieux, elle, s'emmerde et ça se voit. Dans son livre de souvenirs, elle évoque la tristesse de ces années de l'immédiat après-guerre, où, ne pouvant plus jouer les toutes jeunes filles, et pas encore assez mûre pour jouer les dames, elle se perdait dans des drames sentimentaux qui ne la méritaient pas. Elle aurait même songé, alors, à arrêter le cinéma. Autant-Lara, puis Ophüls , changeront la donne quelques mois plus tard...
Ici, elle ne parvient pas à donner de l'épaisseur à un personnage mal dessiné . Garce ? Victime ? Ange de l'amour ? Le mystère reste entier.
A dire vrai, le film n'est sauvé que par le personnage du sombre Sommerville, étrangement incarné par Paul Meurisse.

En jouant avec une extrême raideur, une grande froideur, très stylisée, le rôle de l'ancien amant blessé et revanchard, Meurisse parvient paradoxalement à donner de la chair à son personnage, qu'il lave de toute convention : Sommerville est un scalpel en acier froid, qui ne demande qu'à trancher, parce qu'il a été tranché. Ce le rend bizarrement émouvant. La carrière brillante qui s'offre à l'acteur est ici pleinement méritée.
Un petit mot pour finir sur une comédienne totalement oubliée, qui joue ici le rôle de la fille du colonel, amoureuse de Sommerville  (cliché !): Andrée Clément.

Elle tournera une poignée de films entre 1943 et 1954, avec Bresson, Decoin, Delannoy, et finira face à Gabin dans la méconnue Vierge du Rhin de Grangier et Audiard...


Hélas, ce petit visage mélancolique sera emporté par la tuberculose à l'âge de 35 ans...

A plus !

Fred.

dimanche 6 septembre 2015

CINEMA DE MINUIT - QUE DU BONHEUR ?

Bonjour les amis !
Ce soir, à 00 H 20 sur France 3 : Le Bonheur (1935), de Marcel L'Herbier...


J'ai écrit ici suffisamment de mal de messieurs Marcel l'Herbier et Henry Bernstein pour leur accorder ici le bénéfice du doute, n'ayant jamais vu le film programmé ce soir. Le Bonheur est en effet considéré comme une des (rares) réussites parlantes de l'Herbier. 
La gageure n'était pourtant pas aisée à soutenir : adapter un des (nombreux) succès théâtraux récents de Bernstein, qui plus est en reprenant l'acteur principal de la création , Charles Boyer, et en le flanquant de madame Gaby Morlay, pleurnicheuse bernsteinienne par excellence. Difficile, dans ces conditions, d'obtenir autre chose que du théâtre filmé. Et daté.
Et pourtant. Tous les critiques, d'hier à aujourd'hui, louent la fluidité de la mise en scène de l'Herbier, si éloignée de la pesanteur de ses autres films des années 30, notamment la redoutable Route Impériale, diffusée il y a quelques semaines. 





L'intrigue fait pourtant craindre le pire  : un dessinateur anarchiste tire sur une vedette de cinéma. Au procès, il s'avère que la comédienne est tombée amoureuse du libertaire... De cet argument mélodramatique , le réalisateur tire une réflexion sur le vrai ou le faux, et obtient le meilleur de ses comédiens.
Le couple vedette est , il est vrai, entouré de deux seconds rôles de choix : Michel Simon, en agent ... disons truculent , et Paulette Dubost, en titi parisien.
Mais le film (et la pièce) sont également l'occasion de rappeler la grandeur de Charles Boyer.

Loin de l'image de latin lover qu'Hollywood, sa terre d'adoption, lui collera sur le dos, Boyer était un authentique tragédien. Les années 20 le voient jouer pour Firmin Gémier, Gaston Baty et, surtout, Bernstein, dont il devint l'acteur fétiche, et qui commença à l'enfermer, hélas , dans son rôle de séducteur des familles. C'est oublier la finesse de son jeu, que l'on retrouve aussi bien dans le Mayerling de Litvak, en 36, que dans Madame de... , de Max Ophüls, où il joue, avec tant d'humanité, ce pauvre Général de...



Terminons en précisant que le jeune Jean Marais , alors protégé de L'Herbier, fait une courte apparition dans le film, dans une silhouette de journaliste.
Une curiosité renommée, recemment restaurée, bref, à voir.

Bande-annonce :

A plus !

Fred.

samedi 5 septembre 2015

CINEMA DE MINUIT (Rattrapage) : MARINEZ-LE !!

Bonjour les amis !

Dimanche dernier, à 00 H 20, sur France 3 : Tourments (1954), de Jacques Daniel-Norman...

 C'est ce qu'on appelle le yin et le yang. On passe une très belle journée, avec ses amis, à fêter ses 40 ans. Les amis en question vous aident à installer la nouvelle télé HD que l'on vous a offerte pour l'occasion. Vos amis vous embrassent et vous laissent etrenner l'appareil avec votre cher CDM.
Qui vous passe, ce soir-là... un gros, gros navet. Tout instant de bonheur se paye.
Le seul, je dis bien, le seul intérêt de Tourments est d'être le dernier film de Tino Rossi. Et un des plus grâtinés.
Le cinéma français a toujours, pour des raisons commerciales évidentes, voulu faire tourner des films à ses chanteurs , et cela, dès les débuts du parlant. On les embarquait dans des aventures, dont, le plus souvent, le prétexte était une de leurs chansons . Certains, les fantaisistes, le plus souvent, tiraient habilement leur épingle du jeu d'une entreprise balourde : Milton, Pills et Tabet, Bach et Laverne, Joséphine Baker, et plus tard Line Renaud ou Annie Cordy. Pour d'autres, ce fut une révélation : Chevalier, Gabin, et plus tard Bourvil. Mais pour d'autres enfin , ce fut une catastrophe : Trenet, Piaf, Mariano, et , dans le cas qui nous intéresse, Tino Rossi. Le pire, concernant Tino, est que ce fut une catastrophe qui dura. Près de vingt ans.
Il faut dire qu'à cette époque, la télévision n'était pas disponible , et que les artistes ne tournaient que parcimonieusement en province. Le cinéma était alors la seul possibilité pour le public de voir bouger et chanter les artistes que l'on entendait à la TSF. Et concernant le père Tino, qui traînait après lui un flot d'admiratrices, l'affaire était particulièrement rentable pour les producteurs.
Tino tournera ainsi une trentaine de films entre 1934 et 1954. Bizarrement (et raisonnablement), dans ses premiers films, on l'entendait sans le voir, comme dans le fameux Justin de Marseille , de Maurice Tourneur, où son chant accompagne l'action...


... Et ça valait mieux. Rossi était en effet un acteur exécrable, mou, faux, et dépourvu de charisme. Et, contrairement à d'autres, il ne fit aucun progrès durant ses vingt ans de carrière...

Les spectateurs et trices, surtout, venaient le voir chanter, et ses films sont prétextes à sérénades multiples.
Il tourna dans quelques films à sauver , mais qui le sont malgré lui : Naples au Baiser de feu (1937), bénéficie du dialogue d'Henri Jeanson, de la présence de Michel Simon et surtout de Mireille Balin, avec qui il formera , à la ville, un couple particulièrement orageux , qui fera la joie des échotiers...


... Et on peut également retenir La Belle Meunière (1948) , film de Pagnol  en Rouxcolor, système pas au point qui voit notre Tino jouer Schubert... tout flou !


Mais sinon, le reste n'est qu'historiettes cornichonnes ou édifiantes !
Tourments ne fait pas exception à la règle : ce mélo pur sucre tombe dans tous les clichés du genre . Un couple en crise , qui a adopté un enfant , voit la mère naturelle de celui-ci (une peste, ben tiens !) réclamer sa garde. Pris en tenaille, l'enfant fugue... Presque tout le monde joue mal, et quand ça joue bien, c'est pour réciter un dialogue inepte. Le jeune De Funès surprend dans le rôle d'un détective plus antipathique que drôle. Mais on est surtout déçu de voir la belle  Blanchette Brunoy, qui fut si belle dans La Belle Humaine, et si convaincante dans le Café du Cadran, diffusé il y a quinze jours, sombrer dans une telle entreprise...
Tino, vieilli et empâté, décida sagement d'arrêter le carnage après ce film. La télévision et les disques permirent à ses fans, jeunes et moins jeunes, de continuer à se pâmer à l'écoute de ses roucoulades, jusqu'à sa mort, en 1982...

Extrait... avec De Funès (ça vaut mieux !)...



A plus !

Fred.





mercredi 2 septembre 2015

CINEMA DE MINUIT (rattrapage) - QUAND CESAR RENCONTRE BOUDU...

Bonjour les amis !

Dimanche 22 Août, à 00 h 25 : Noix de Coco (1938) , de Jean Boyer...



 Marcel Achard, aujourd'hui bien oublié, fut un des plus fameux boulevardiers de la première moitié du vingtième siècle : Voulez-vous Jouer avec Môa, Jean de la Lune ... et Noix de Coco furent des pièces renommées et longtemps jouées . Le cinéma parlant ne fut pas long à porter ces oeuvres sur grand écran : dès 1931, Jean Choux adapta Jean De la Lune, avec Michel Simon, qui avait créé la pièce, mais sans Jouvet : les deux acteurs ne pouvaient déjà plus se souffrir...


Mais Noix de Coco, créée en 1935 au Théâtre de Paris, fut , elle, un succès de plus pour Raimu . Achard , adaptateur de sa propre pièce , eut-il envie de réunir deux de ses acteurs fétiches ? Toujours est-il que le rôle de Josserand, gendre du personnage principal , fut considérablement augmenté pour permettre à l'acteur suisse d'exister près du Toulonais.
Soyons honnêtes, les pièces d'Achard ont beaucoup moins bien vieilli que celles de Guitry, de Pagnol, et même de Mirande, ses contemporains. Si Jean de la Lune conserve pour elle une certaine poésie touchante, l'argument de Noix de Coco paraît bien léger : un horticulteur découvre que la femme coincée qu'il a épousée n'est autre qu'une chanteuse exotique qu'il avait séduite à Saigon et surnommée Noix de Coco. D'où un scandale... bien daté.
Jean Boyer, qui filmait à peu près n'importe quoi avec des bonheurs divers, ne se casse pas la nénette : il se repose sur le dialogue de son auteur et l'humeur de ses comédiens. Si Michel Simon tire le meilleur de son rôle gonflé, le père Raimu ne se prive pas de cabotiner , remuant l'air un peu plus qu'il n'est nécessaire. Mais le gros problème du casting est Madâme Marie Bell.

Sociétaire de la Comédie-Française, elle fit , d'après Malraux, des merveilles dans le rôle de Phèdre. Mais le cinéma fut, pour elle, un perpétuel malentendu . Elle y accumula les navets mélodramatiques, et plomba, par un apprêt souvent dérangeant, des fillms qui avaient tout du chef d'oeuvre, notamment le fameux Carnet de Bal de Duvivier, pourtant fort bon film à sketches où elle fait le tour de ses anciens amants, qui ne sont autres que Raimu, Fernandel, Harry Baur, Pierre Blanchard, Pierre Richard-Willm  et Louis Jouvet !


Ici, en épouse prude comme en entraîneuse repentie, elle peine à convaincre. Tout cela reste agréable à regarder, mais un peu décevant , reflet d'un temps où le cinéma privilégiait les beaux costumes, les coupes de champagne et les hauts plafonds pour faire rêver le populo...

Extrait.... sonore, de la pièce , avec Raimu, en 1936 :



A plus !

Fred.