samedi 30 avril 2016

CINEMA DE MINUIT (à la bourre...) - NAVET A LA RUSSE...

Bonjour les amis !

Dimanche dernier, à 00 H 20 : Les Nuits Moscovites (1934), de Alexis Granowsky...

 Si vous lisez régulièrement ce blog, vous savez l'affection qui me lie au cinéma des années 30. Même le plus petit film, le mélo le plus ringard , la comédie la plus vieillotte réalisée durant cette période bénie trouvera grâce à mes yeux.
Mais des fois, c'est dur.
C'est le cas ici.
Lors de la diffusion de Volga en Flammes, avec Darrieux et Préjean, il y a quelques temps, j'avais ironisé sur ces évocations de la Russie Tsariste, tournées à Nice ou à Paris, avec des acteurs plus parigots que nature. J'en avais souligné le kitsch, le pittoresque, mais aussi le charme.
Ce n'est pas le cas ici.
Dans cette adaptation de Pierre Benoît (encore !) ,  presque tout est raté. On se fiche comme d'une guigne de l'histoire d'amour contrariée , durant le premier conflit mondial, entre un bel officier et une jolie infirmière , promise à un rustre. Le tout sur fond d'espionnage .
On s'en fout car la reconstitution est assez ridicule : en guise de russes, on voit un orchestre tzigane made in France, et même un chanteur napolitain : Tino Rossi himself ! (une de ses premières apparitions !)

On s'en fout parce que les chansons qui parsément le film sont particulièrement mal écrites. On s'en fout parce que le dialoguiste Jacques Natanson est en petite forme, et que la plupart des répliques semblent sorties d'un mauvais roman-photo.
Et, surtout, on s'en fout parce que le couple d'amoureux est incroyablement antipathique.


Pierre-Richard Willm n'a jamais été aussi raide et faux, Annabella rarement aussi fade. Au lieu de nous émouvoir, ces deux arrogants nous irritent. Et le spectateur finir par avoir de l'empathie pour le rustre , la brute, le mal aimé, interprété par Harry Baur.


Encore une fois, le génial Baur vole le film, et, ici, le sauve presque. Son personnage est le seul à être incarné, juste, transcendant le matériau caricatural dans lequel il est écrit. Sa rudesse, son amour, son chagrin, touchent le spectateur contemporain de cette tragédie d'opérette. Je ne dirai jamais assez combien je pense que Baur était grand , et d'autant plus grand que, souvent,  les films dans lesquels il évoluait ne le méritaient  pas.

Dernier détail crispant : le master du film, provenant visiblement d'un distributeur américain, est, non seulement de mauvaise qualité, mais son générique manquant est intégralement réécrit en lettrage vidéo façon fin des années 80-début des années 90, ce qui achève de désespérer le cinéphile...

On notera que le film fut, à l'époque, un très très grand succès... Comme Les Tuche aujourd'hui... 

 Dimanche prochain : Pasteur  (1934), de Sacha Guitry... 
Article à suivre...

A plus !

Fred.



dimanche 24 avril 2016

CINEMA DE MINUIT (à la bourre...) - FORCE BRUTE...

Bonjour les amis !

Dimanche dernier, à 00 H 20 : Les Démons de la Liberté (1947), de Jules Dassin...


 Encore un film de prison, me direz-vous. Le genre, à la fin des années 40, n'était déjà pas neuf, et de Big House à Je suis un Evadé, le cinéma américain adorait montrer des gros durs en captivité, des loups entre eux.



 Sauf que. Sauf que là, monsieur Richard Brooks est au scénario, monsieur Mark Hellinger à la production, et monsieur Jules Dassin derrière la caméra.
Si l'on veut être honnête, on reconnaîtra que l'élément le plus important de l'équation n'est pas Dassin, mais Hellinger.
Hellinger fut un très important journaliste new-yorkais, qui se lança sur le tard dans la production de films. Progressivement, il devint de plus en plus ambitieux, se spécialisant dans la production de polars pour la Warner. Devenu indépendant, il s'imposa en produisant les splendides Tueurs de Robert Siodmak, révélant du même coup Ava Gardner et Burt Lancaster...


Le scénario des Tueurs devait beaucoup à un jeune scénariste non-crédité, Richard Brooks. Brooks, comme Hellinger et Dassin, était un honnête homme qui souhaitait, à travers ses films, transmettre une vision, des questionnements autour de la société. Ces trois-là s'entendirent pour faire de leurs forçats des victimes plutôt que des criminels. C'est la faiblesse du film . Pour convaincre le spectateur que les prisonniers qu'on lui présentait méritaient de s'évader, le scénario nous inflige des flashbacks , qui sont à la décharge des taulards, tous en prison... par amour ! Ce détour nunuche, et un tantinet misogyne, affaiblit, en fait, la portée sociologique du film, qui montre comment ces prisonniers , tout prisonniers qu'ils soient, sont injustement tyrannisés par un sous-directeur sadique.
Heureusement, il y a Dassin. Celui-ci eut bien de la chance d'avoir été engagé sur le projet : il venait de la MGM, où il n'avait rien tourné, à vrai dire, d'intéressant. Ce film marque le début de sa grande période.
Il resserre les boulons de l'intrigue, et obtient le meilleur des ses interprètes, et , surtout, de Burt Lancaster.


Le mélange de virilité, de sensualité et de douceur qui émane de Lancaster est ici employé à son maximum, mieux encore que dans le film de Siodmak, qui avait mis l'accent sur le côté brute du personnage. Leader du groupe, il apparaît malgré tout vulnérable, comme ses camarades, face au sadisme et à la perversion du sous-directeur Munsey, joué par Hume Cronyn.



 Acteur de composition, familier de Hitchcock (L'Ombre d'un Doute, Lifeboat), Cronyn incarne une figure il est vrai coutumière du film de prison , mais qui prend ici une dimension très particulière : sec, autoritaire, torturant à l'occasion les prisonniers mais également efféminé et vraisemblablement homosexuel , Munsey est , dans l'inconscient collectif des américains de 1947, l'archétype du nazi. Ce qui se joue dans le film est donc également une reproduction en modèle réduit de ce qui s'est joué durant le second conflit mondial.
La scène d'évasion finale, très spectaculaire, en est une implacable preuve : c'est du haut d'un mirador que Munsey, acculé, tire sans hésiter sur l'ensemble des prisonniers. Les évadés, eux, trouveront tous la mort dans l'aventure, mais Lancaster aura le temps d'éliminer le tyran, réinstallant ainsi à son poste, sans le savoir,  le directeur bienveillant , compréhensif, démocrate. Ils auront ainsi travaillé pour l'avenir, tous comme les soldats tombés durant la guerre...
Dassin et Hellinger se retrouveront l'année suivante pour un film encore plus réussi, que Hellinger, victime d'une faiblesse cardiaque, ne verra pas : La Cité Sans Voiles... Mais c'est une autre histoire...

Ce soir, à 00 H 20 : Les Nuits Moscovites (1934), de Alexis Granowsky...
Article à suivre...

A plus !

Fred.




vendredi 8 avril 2016

CINEMA DE MINUIT - WOH-OH-OH, JOLIES POUPEES...

Bonjour les amis !

Dimanche, à 00 H 20, sur F3 : Les Poupées du Diable (1936), de Tod Browning...

Tod Browning demeurera le cinéaste de l'étrange, de la monstruosité, de la mutilation. Toutes ses oeuvres des années 20 et 30 montrent des héros (?) torturés dans leur tête ou dans leur corps, manchots, cul-de-jattes, ou monstres de foire , comme dans son chef d'oeuvre, le fameux Freaks ...
Le cinéma de Browning est glauque, dérangeant . Et son unvers pouvait difficilement s'accommoder de la mise en place effective du code de censure morale (dit Hays) à Hollywood à partir de 1934.
Browning parvient d'abord à tricher , lui qui est aussi le cinéaste de l'illusion, en réalisant en 1935,  un brillant pastiche de Dracula, la Marque du Vampire, avec Bela Lugosi...


Mais après cet exercice de style, Browning veut remonter une histoire de zombies, comportant de la sorcellerie et des sacrifices humains. La censure et la MGM s'y opposent fermement. Le réalisateur se replie donc sur une histoire de miniaturisation, à base de savant fou , un peu sur le modèle du Doctor X, de la Warner, réalisé en 32 par Michael Curtiz.
Ici, le savant parvient à réduire ses victimes à l'état de marionnette télécommandées. Bizarrement, ce n'est pas lui (il meurt rapidement), mais son complice, un banquier malhonnête évadé de prison, qui va se servir se son invention pour se venger...
Il y avait tout , dans ce film , pour angoisser. Mais le studio ne l'entend pas de cette oreille, et va s'acharner à dédramatiser un sc2nario pourtant coécrit par Browning... et Erich Von Stroheim, autre champion du glauque.
De plus, loin des compositions terrifiantes d'un Lon Chaney, la distribution, prestigieuse, est constituée de comédiens totalement étrangers au cinéma d'horreur :


La belle Maureen O'Sullivan, qui joue la fille du banquier, était déjà à l'époque immensément célèbre pour être LA Jane de Tarzan-Johnny Weissmuller...

Elle fera par la suite merveille dans de grands drames, mais ici, elle est pour le moins sous-employée... même si toujours aussi sexy.
En fait, le film a été retaillé pour l'un des plus gros cadors de la MGM : Lionel Barrymore...


Lui et son frère John ont été d'immenses vedettes de théâtre avant d'être signées par la Metro , qui les employait à toutes les sauces, à des fins de prestige . Ils ont ainsi évidemment fait partie du fameux Grand Hôtel...


Ici, tout est fait pour lui permettre de cabotiner comme un petit fou. Notamment dans ces scènes, où, pour tromper ses ennemis , il se déguise... en vieille femme ! Là, on est pas loin de Benny Hill !

Doux, édulcoré, le film est loin des grandes réussites de Browning, mais il demeure une curiosité interessante.
Le réalisateur, un peu comme James Whale, le réalisateur de Frankenstein, va comprendre que le cinéma n'était plus fait pour des gens comme lui. Après un dernier film, en 1939, il se retirera définitivement.

A plus !

Fred.





 

 

dimanche 3 avril 2016

CINEMA DE MINUIT - LILAS MAUDIT...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 20, sur F3 : Coeur de Lilas (1931), d' Anatole Litvak...

 Il y a des films qui , non seulement sont de bons films, mais qui, pour le chroniqueur, sont de véritables carrefours de vie, de destins. Coeur de Lilas est de ceux-là.
Injustement méconnu, récemment redécouvert, ce film appartient à la famille déjà pléthorique des films d'apaches, mélangeant filles perdues, mauvais garçons et flics infiltrés, genre dont l'objectif était de gentiment effaroucher le bourgeois en lui montrant le quotidien de ces voyous vivant près de chez eux . Beaucoup de navets , ou d'oeuvres, disons passe-partout, ont puisé à cette source. Ce n'est pas le cas du film de ce soir.
Inventif, vif, rythmé, c'est une véritable carte de visite artistique du jeune Anatole Litvak.
Ce metteur en scène d'origine ukrainienne tourne son premier film en URSS avant de partir en Allemagne, où il devient le monteur de Pabst sur La Rue sans Joie, avec Greta Garbo... L'antisémitisme galopant l'oblige ensuite à se partager entre l'Angleterre et la France, où il s'impose. Coeur de Lilas est son premier vrai film français, et c'est un coup de maître, d'une incontestable virtuosité . Il tournera ensuite deux autres très beaux films, l'Equipage et Mayerling, avant de partir pour Hollywood, où il deviendra un des piliers de la Warner, notamment auprès de Mrs Bette Davis...


Ne vous fiez pas à l'affiche du film, probablement éditée à l'occasion d'une ressortie de la fin des années 30, en plein mythe Gabin : notre Jeannot national n'a pas la tête d'affiche , et il est encore à l'orée de sa carrière. Il n'a que peu de films à son actif, et la plupart l'utilisent ... comme chanteur . Il s'est en effet illustré dans un duo de music-hall avec sa première femme, Gaby Basset :


Ici, en dehors du fait qu'il joue le mauvais garçon , le rival du héros dans le coeur de la fille perdue, il chante ce qui restera comme un des ses grands succès discographiques : La Môme Caoutchouc...
Le succès, et les rôles importants , viendront à partir de 1933, et du Tunnel , de Kurt Bernhardt...

Il a le grand honneur de chanter cette chanson avec la grande Fréhel, qui entame avec ce film sa deuxième carrière, celle où, loin de la belle chanteuse d'antan, elle va jouer les goualeuses abîmées par la vie... 

Le rôle principal du film est incarné par André Luguet...


Ce jeune premier a, en fait, déjà la quarantaine quand il aborde le parlant ! Ami de Maurice Chevalier , il débute au théâtre un peu avant la Première Guerre Mondiale, et y connaît rapidement le succès, aussi bien sur le boulevard qu'à la Comédie-Française . Chose rare, il est également sollicité par le cinéma, et fait même partie de la distribution du Fantômas de Feuillade en 1915...


Il passe au parlant comme une fleur, et finit même par quitter le Théâtre Français pour se consacrer plus pleinement au cinéma...

Mais Coeur de Lilas fut également un film maudit .
Maudit pour un tout jeune acteur, qui attaquait ici son quatrième long-métrage, qui avait déjà rencontré Gabin sur le film Paris-Béguin , et qui allait devenir son grand ami : Fernandel...


On voit Fernandel dans le film... mais moins que prévu : victime de la chute d'une lampe à arc, ces grosses et chaudes lampes qui éclairaient les plateaux, il sera hospitalisé , et restera aveugle pendant plusieurs semaines ! C'est un autre comédien qui reprendra les dernières répliques du pauvre garçon d'honneur, qui aura quand même eu le temps de pousser la chansonnette avec Luguet...
Mais le destin le plus tragique reste celui de l'actrice principale du film , Marcelle Romée.


Jeune espoir du  théâtre dès la fin des années 20, elle exige de la Comédie-Française de passer sociétaire. Ce qu'elle obtient... avant de finalement refuser et de quitter la Maison. Elle se lance alors dans le cinéma. Coeur de Lilas est son quatrième... et dernier film. En Novembre 1932, dépressive, elle est internée. Elle s'échappe alors de l'hôpital et va se jeter du Pont de Chatou. On dit alors qu'elle aurait pu être assassinée. Le mystère restera complet. Drôle d'histoire... Digne d'un film français des années 30...

Plutôt qu'un extrait, je vous propose pour finir deux des chansons du film...





A plus !

Fred.