dimanche 10 décembre 2017

CINEMA DE MINUIT - CHAPLIN SANS CHARLIE...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 25 sur France 3 : L'Opinion Publique (1923), de Charles Chaplin...


Pour le grand public, et dans l'inconscient de tous, un film de Chaplin, c'est un film AVEC Chaplin, et de préférence, avec Charlot.
Deux films firent pourtant exception à cette règle : La Comtesse de Hong-Kong, oeuvre ultime du maître, qui réunissait, en 1966, Marlon Brando et Sophia Loren...


et cette Opinion Publique, titre français étrange donné à A Woman of Paris. Mais si la Comtesse est la bien piteuse conclusion d'une carrière éclatante, le film de ce soir, lui, est un chef d'oeuvre, et vachement culotté, encore.
Chaplin sort alors du triomphe de son premier long métrage, The Kid. 
Mais il est surtout frustré : en 1919, il fonde , avec Douglas Fairbanks, D.W.Griffith et Mary Pickford, la United Artists , qui doit permettre aux artistes de monter les projets qui leur tiennent à coeur, en toute liberté.


Sauf que lui, Chaplin, il est pas en liberté : la First National , chez qui il a signé, refuse de lui rendre son contrat , et l'oblige à tourner les six films qu'il lui a promis. En 1921, après avoir tourné trois courts métrages pour faire un compte rond, Chaplin est libre de faire ce qu'il veut.
Et ce qu'il veut faire , c'est un drame. Un drame destiné à montrer qu'il n'est pas qu'un comique, mais aussi un créateur. Et d'autre part, un film destiné à installer la carrière d'Edna Purviance.


Partenaire féminine régulière de Chaplin depuis presque dix ans, Edna fut , brièvement, sa compagne en 1915-1916. Mais ils sont , et demeureront, d'ailleurs, très proches. Pour qu'elle prenne son indépendance cinématographique, Chaplin lui offre donc une rampe de lancement. Or, pour une jolie et talentueuse comédienne américaine, la voie royale, ce n'est pas le burlesque, c'est le drame.
Charlot s'efface donc et écrit un pur mélodrame : une jeune fille de campagne en fugue amoureuse, abandonnée par son amant, devient demi-mondaine à Paris. Un jour, évidemment, elle recroise l'amant...
Sauf que Chaplin ne compte pas du tout monter un mélodrame classique et flamboyant. Suivant en cela l'exemple de Griffith, il dirige ses acteurs dans le sens de la retenue, conscient qu'il est que ses contemporains passent plus de temps à cacher leurs sentiments qu'à les exprimer. 
La mise en scène est donc d'une grande subtilité, d'une grande finesse, et toute la distribution est au diapason. Edna Purviance livre ici une composition très juste, et le film révèle un autre très bon comédien : Adolphe Menjou.


Celui qui aimait à dire qu'il devait sa carrière à sa fine moustache, devint rapidement un pilier des films Fairbanks-Pickford, où il jouait couramment des rôles de français, langue qu'il maîtrisait parfaitement de par ses origines (ce qui n'était pas forcément utile dans le cinéma muet, mais bon.). Son côté charmant s'opposait aux rôles de méchants qu'on lui confiait. Il fuit un des premiers méchants charismatiques.
C'est le cas ici . L'homme vil qui entretient la pauvre Marie n'est pas une brute. C'est un homme doux, civilisé , bien plus enjôleur que l'amant gauche , joué par Carl Miller -qui, lui, jouait déja dans Le Kid. 
Menjou devient ensuite un acteur fétiche de Ernst Lubitsch. A cette occasion, beaucoup d'historiens du cinéma s'interrogèrent sur l'influence que le Chaplin de A Woman of Paris aurait pu avoir sur le futur cinéaste de Comédiennes (avec Menjou) , qui sortira deux ans plus tard.
Seulement voilà, en Allemagne, Lubitsch filmait déjà depuis 1914, dans plein de genres différents, y compris la comédie dramatique urbaine, où est née la fameuse Lubitsch Touch. 
Plutôt que de chercher qui a devancé l'autre, on peut quand même parler de porosité, puisque durant tout le tournage de l'Opinion Publique, Chaplin vivait une liaison torride avec... Pola Negri, actrice fétiche de Lubitsch, avec lequel elle était en train de tourner Rosita...

La critique fut enthousiaste comme jamais devant le film. Mais le public ne suivit pas. Il n'avait pas envie de voir un Chaplin sans Charlot. Ce qui n'était pas complètement vrai, l'artiste s'étant réservé le rôle clin d'oeil d'un porteur...
Vexé, Chaplin retira le film et le laissa invisible pour des décennies. En 1976, peu de temps avant sa mort, il se laissa convaincre de ressortir le film, qui fut acclamé à sa juste mesure.

A l'époque, pour laver l'affront, Chaplin se lança dans l'épique aventure de la Ruée vers l'Or, beaucoup moins intimiste, mais beaucoup plus rentable...

A plus !

Fred.




vendredi 1 décembre 2017

CINEMA DE MINUIT - QUAND PASSE LA MICHELINE...

Bonjour les amis !

Dimanche, à 00 H 25, sur F3 : Paradis Perdu (1939) , d'Abel Gance...


Les années 30 furent un authentique chemin de croix pour le fantasque réalisateur Abel Gance.
Ruiné dès 1930 par l'échec de sa Fin du Monde, il passa le reste de la décennie à accepter des films de commande, parfois fort déprimants, pour retrouver la confiance du métier et du public.


Paradis Perdu fait partie des oeuvres les plus réussies de cette sombre période.
Il s'agit pourtant, là aussi, d'une pure commande , passée par le producteur-scénariste Joseph Than : un mélodrame contant les malheurs d'un artiste peintre, dont le grand amour meurt en accouchant de sa fille, fille pour laquelle il sacrifiera, vingt ans plus tard, une nouvelle opportunité de bonheur.
Sujet casse-gueule, surtout pour Gance, à qui il arrivait de ne pas y aller avec le dos de la cuillère.
Pourtant, ici, aidé par le dialogue du boulevardier Steve Passeur, Gance parvient, notamment dans la première partie, qui se situe avant la guerre de 14, à trouver le ton juste , et à livrer un drame de bonne tenue.
Il est aidé par une toute jeune comédienne qui est la révélation du film : Micheline Presle.


Remarquée l'année précédente dans Jeunes Filles en Détresse, de Pabst, film qui lui donne au passage son pseudonyme (son personnage s'appelle Jacqueline Presle), la jeune comédienne mange la pellicule, irradie de son charisme cette sombre histoire et se paye le luxe de voler la vedette au monstre sacré Elvire Popesco !
Elle est en grande partie responsable du succès du film , succès qui se poursuivra durant l'Occupation, en faisant une de ces madeleines dont le public de ces heures sombres était alors friand.
En 1940, Micheline Presle sera devenue une vedette.
Mais Gance n'a cure du succès du film, dont il ne supervise même pas le montage . Il n'a qu'une seule idée en tête : monter un spectaculaire Christophe Colomb, digne de ses productions du muet.
Mais la coproduction s'effondre.
A la veille de l'armistice, pour l'auteur jadis louangé de J'accuse, tout est encore à recommencer.

Long extrait du film.


A plus !

Fred.


dimanche 26 novembre 2017

CINEMA DE MINUIT - LA GUERRE DES EX...

Bonjour les amis !

Suite et fin du cycle Robert Florey, ce soir à 00 H 25, avec Ex-Lady (1933)...


Il y a des films qui ont d'abord une importance historique, avant que d'être des chefs-d'oeuvre.
Celui de ce soir en est un : il s'agit du premier film mettant en vedette miss Bette Davis.
Le parcours fut long pour celle qui sera la reine du mélodrame Warner .
Les producteurs la trouvaient... moche. Les studios essayèrent de de la transformer , d'en faire une poupée dans l'air du temps. Echec complet, d'abord à la Universal, où elle tourne dans l'indifférence générale son premier film,  Bad Sister (1931), aux côtés d'un autre débutant, Humphrey Bogart...


... Puis à la Warner, où elle n'entre que grâce à l'entregent de Georges Arliss, alors célèbre acteur de théâtre qui exige qu'elle soit sa partenaire pour l'adaptation filmée de sa pièce à succès  : L'Homme qui jouait à être Dieu ...




Le studio la signe sans enthousiasme et essaie de la placer dans ses drames urbains et immoraux qui font alors son succès ... Elle joue alors dans l'ombre de Barbara Stanwyck, de Ruth Chatterton ... Deux films vont lui permettre de prendre du galon : Three on a Match de Mervyn Le Roy, film contant les destinées croisées de trois jeunes femmes, où elle tient la dragée haute à Joan Blondell et Ann Dvorak, et surtout Vingt Mille Ans sous les Verrous, de Michael Curtiz, grand drame qui permet à Davis, pourtant rôle secondaire,  de constituer  un  superbe couple avec Spencer Tracy...



Si ni Curtiz, ni Le Roy , ni Warner ne croient vraiment à l'avenir de la jeune femme, le directeur de production Darryl F.Zanuck est conscient de la large palette de l'actrice. Elle accède donc pour la première fois au vedettariat,  rôle principal, nom au-dessus du titre et tout avec cet Ex-Lady, son dixième film pour le studio, où elle est arrivée l'année précédente (!).
Le film est un remake d'Illicit, que Barbara Stanwyck avait tourné deux ans auparavant !


A l'époque, le film avait déjà outré les ligues de vertu : le mariage y est en effet fort malmené . L'héroïne y refuse d'épouser son compagnon, puis , ayant cédé, s'ennuie : le couple divorce, puis revit son amour en couple libre ! Scandale !
Le remake fera le même barouf, et sera même, dit-on , en partie responsable de la réactivation du code de censure morale.
Aujourd'hui,le coeur des amateurs de pre-code balance entre la version Stanwyck et la version Davis.
D'abord, parce que Davis, ici, est employée comme une diva pre-code franchement sexy (voir l'affiche) , chose qui n'était pas vraiment son emploi et dans laquelle elle se sentait mal à l'aise . Alors que Stanwyck, forte en gueule et en charme dès le départ, domine totalement son film.
D'ailleurs, Ex-Lady  est trop visiblement un test , visant à fabriquer Bette Davis, ici dotée de toutes les toilettes possibles et imaginables. Avec ces robes, n'importe quelle actrice aurait pu faire le boulot !, dira l'actrice.




Pas faux.
Mais il faut bien, d'autre part, admettre que Florey est un réalisateur plus habile qu'Archie Mayo, et qu'il parvient à donner une grande élégance au film... Et surtout à sa star, ce qui était le but recherché.
But qui ne sera pas atteint, le film ne remportant pas le succès escompté. Davis, consciente qu'on veut faire d'elle une autre actrice que ce qu'elle est, commencera alors une longue guerre de tranchées contre Jack Warner pour choisir ses rôles.

Photo de tournage avec Gene Raymond, Bette Davis et Robert Florey.

A l'issue de ce cycle, que dire de Robert Florey ? Que le cinéaste est sympathique et talentueux, mais qu'il n'a jamais eu l'ambition de choisir ses projets, d'imposer ses vues, ce qui en a fait un faiseur idéal et docile pour des studios gourmands. 
Si Florey avait mis la même énergie , la même exigence dans ses films que dans ses (superbes !) livres SUR le cinéma , nous aurions tenu, pour sûr, un grand auteur.

Extrait du film de ce soir :



A plus !

Fred.




dimanche 19 novembre 2017

CINEMA DE MINUIT - QUOI DE NEUF, DOCTEUR ?

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 25 sur F3, poursuite du cycle Robert Florey avec Bedside (1934)...


Le cycle aurait d'ailleurs pu s'appeler Florey à la Warner, car Brion ne nous présente que des oeuvres de la période 33-46, assez longue et prolifique, il faut le dire.
Assez représentative, aussi, il faut bien le dire, du relatif anonymat artistique où s'enfonce assez vite Florey. Si la Warner ménage un  William Wellman, un  Mervyn LeRoy ou un Michael Curtiz, Florey filme très vite un peu tout et n'importe quoi. Ici, il s'agit très visiblement d'un véhicule pour monsieur Warren William.


La postérité est injuste et a oublié ce fin moustachu que les archéo-cinéphiles américains ont pourtant surnommé le Roi du Pre-Code, cette période qui a précédé la mise en place du code de censure morale à Hollywood. Il faut dire qu'il n'avait pas son pareil pour jouer les salauds dans les drames urbains épicés de la Warner, où il était souvent le tortionnaire d'une actrice maison (Glenda Farrell, Loretta Young).


Rebelote ici, où Monsieur s'avère un charlatan, qui s'installe comme médecin après avoir extorqué son diplôme à un ami drogué (!!). Il prend un assistant, qui fait totu le boulot à sa place (!!).
Sauf qu'un jour, il tombe amoureux...

Il tombe amoureux de Jean Muir, ce qui pourrait être pire...


Cette fort jolie blondinette ne confirmera pas les espoirs que la Warner mettait en elle : douée d'un fort caractère, déçue de ses rôles, elle retourne à Broadway dès 1937.
Après la guerre, tentant sa chance à la télévision, elle sera la première comédienne américain à être blacklistée pour cause de sympathies communistes...

Le film, boosté par la présence du comique maison Allen Jenkins, est un produit de série, où une fois de plus, Florey met son savoir-faire au service d'un propos qui ne le mérite pas .

Bande-annonce du film de ce soir :


A plus !

Fred.

jeudi 9 novembre 2017

CINEMA DE MINUIT -RAPPELLE-TOI, BARBARA...

Bonjour les amis !

Dimanche, à 00 H 25, sur France 3, poursuite du cycle Robert Florey, avec La Femme en Rouge (1935)...



Barbara Stanwyck a toujours fait l'unanimité à Hollywood. Ce qui est rare. Belle, intelligente, professionnelle, elle mena sa carrière de main de maître, franchissant sans soucis les décennies, vieillissant tranquillement à l'écran , et terminant son chemin à la télévision, en grande patronne de La Grande Vallée.


Mais ses premiers succès, elles les dût à Frank Capra , qui en fit l'actrice fétiche de ses premiers parlants (The Miracle Woman, La Grande Muraille..), après lui avoir donné son premier rôle important dans Ladies of Leisure, en 1930...


... Mais elle les dut aussi à la Warner, qui la prit sous contrat dès 1931, et sut percevoir en elle l'interprète idéalede leurs drames urbains mettant en scène des femmes fortes, qui ne s'en laissent pas comptés. Aux côtés de Bette Davis et de Joan Blondell, elle sera la jeune affranchie, souvent issue du peuple, dans des films pre-code fameux tels qu'Illicit ou Night Nurse. 


Cette grande liberté de ton provoquera souvent la fureur des ligues de vertu, notamment dans le cas de Baby Face, où elle incarne formidablement une femme partie de rien, qui utilise sans scrupules les hommes pour parvenir à ses fins.


Mais en 1934, les puritains gagnent la partie, et les actrices hollywoodiennes sont priées d'aller se rhabiller, au propre comme au figuré. La Warner mettra un peu de temps à se retrouver une identité , et ses comédiennes en pâtissent. Les derniers projets de Stanwyck pour la compagnie (celui-ci est son dernier) , ne font pas exception à la règle.
Arrivé en 1933 à la Warner auréolé du succès de Double Assassinat dans la Rue Morgue, tourné pour Universal, Robert Florey se fait assez une place parmi ces women's directors que sont alors William Wellman et Michael Curtiz. Il dirige Glenda Farrell, Ann Dvorak, Kay Francis et Bette Davis, qu'il fait débuter.
On lui confie donc le soin de tourner ce tout petit scénario racontant les mésaventures d'une cavalière tombant amoureuse d'un joueur de polo. La famille n'accepte pas cette liaison, et une histoire criminelle viendra tout compliquer.
La bonne idée est de confier à miss Barbara le rôle d'une cavalière : elle se débrouille en effet très très bien à cheval, et sera une des seules actrices de sa génération à jouer sans doublure dans des westerns, tels Annie Oakley, qu'elle tournera pour la RKO juste après ce film-ci , ou , bien plus tard, le splendide Quarante Tueurs pour Samuel Fuller .



Ce n'est pas une légende : les studios avaient la détestable habitude de tuer leurs stars sur le départ en leur faisant tourner des films médiocres ... Espérons que le savoir-faire de Florey puisse conjurer cette malédiction...

Bande-annonce du film de ce soir :

A plus !

Fred.


dimanche 5 novembre 2017

CINEMA DE MINUIT - BALLADE EN FLOREY...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 25 sur France 3 : Danger Signal (1945), de Robert Florey...




Le Cinéma de Minuit nous fait enfin profiter d'un cycle, et nous invite à redécouvrir pendant quelques semaines l'oeuvre d'une personnalité atypique d'Hollywood : Robert Florey.


Atypique, d'une part, par sa double nationalité : Florey est un français pur sucre , qui obtiendra la nationalité américaine en 1926, après s'y être installé au début des années 20, en tant que correspondant de la revue Cinémagazine. 


Avant d'être un cinéaste, Florey fait en effet partie de cette génération de pionniers du journalisme cinéma. Cette passion fera de lui, très vite, un critique, mais surtout un historien précieux de cet Âge d'Or  des twenties qu'il fréquente de l'intérieur. Curieux de tout, de la technique, des mécanismes de production comme des auteurs et des oeuvres, il se lie très vite avec les personnalités les plus importantes du temps : professeur de français de Douglas Fairbanks, secrétaire et conseiller de Rudolf Valentino, Louise Brooks, il transmettra sa connaissance intime d'Hollywood dans des ouvrages qui font encore aujourd'hui référence :



Après avoir été l'assistant de King Vidor et de Von Sternberg, excusez du peu, il se lance dans le court métrage expérimental, avec un relatif succès, qui incite la Paramount  à lui confier les premières tentatives de cinéma sonore de la compagnie . En 1929, il a le privilège de diriger le premier film des Marx Brothers : Cocoanuts...


L'anecdote raconte qu'il est tellement écroulé de rire pendant le tournage, qu'il sera contraint de rejoindre l'ingénieur du son dans la cabine insonorisée...
La France se rappelle à son bon souvenir pour superviser ses premiers parlants :il aura ainsi le privilège d'assister aux quasi premiers pas de Raimu et Fernandel devant une caméra pour Le Blanc et le Noir , de Guitry...


Florey tourne vite, sans se poser de questions, avec une grande efficacité, et sans chercher à le faire savoir.
Ce côté tout-terrain va finir par se retourner contre lui, les cinéastes le considérant davantage comme une force d'appoint que comme un grand réalisateur.
Il a également le tort de quitter la Paramount, qui lui faisait toute confiance, pour la Warner, où il va être considéré, à l'instar d'un  Lloyd Bacon , comme un réalisateur à tout faire, et surtout des Series B.
Le film de ce soir date de 1945. Cela fait douze ans que Florey travaille avec le studio, et qu'il fait du sur place . La mode est aux séries noires et aux personnages inquiétants.
Cela tombe bien, puisque la Warner dispose d'un formidable acteur totalement inclassable, dont elle ne sait quoi faire : Zachary Scott.


On bâtit donc pour lui un scénario bateau qui en fait un salaud manipulant une brave femme et sa petite soeur. On lui adjoint Faye Emerson, qui était déjà sa partenaire dans l'intéressant Masque de Dimitrios, de Jean Negulesco, où ils étaient tous deux cependant bouffés tout crus par le tandem Sidney Greenstreet-Peter Lorre....


Le reste de la distribution est au rabais. Tout cela ne fait pas forcément un bon film. Du moins d'après les critiques de l'époque, car , je vous l'avoue, je ne l'ai pas encore vu, celui-là. On peut juste espérer qu'avec un réalisateur comme Florey, le désastre sera quand même moindre que dans d'autres séries B de la maison.
Tout en se rappelant, par honnêteté, que sur une autre de ses Séries B de l'époque, Lady Gangster, Florey était si dépité qu'il avait préféré signer du pseudonyme de Florian Roberts... J'écris ça, j'écris rien...

A plus !

Fred Ab.





vendredi 27 octobre 2017

CINEMA DE MINUIT - CONTE DE PARIS ?

Bonjour les amis !

Dimanche, à 00 H 20, sur France 3 : Monseigneur (1949), de Roger Richebé...



Le producteur Roger Richebé (qu'Henri Jeanson avait surnommé Pauvre C... à cause de son côté terre-à-terre et d'une dyslexie qui lui faisait inventer des expressions nouvelles toutes les cinq minutes) n'était certes pas un grand réalisateur. Mais il avait du nez pour flairer les bonnes histoires. Et il faut avouer que cette histoire d'un ouvrier qui se retrouve descendant de Louis XVI était originale pour l'époque.
Et Richebé, qui n'était jamais meilleur que quand il se faisait remplacer à la mise en scène, avait également du flair pour s'entourer. Ici, il recrute pour les dialogues Carlo Rim, qui, depuis une quinzaine d'années , signe des histoires loufoques , notamment pour Fernandel (l'Armoire Volante) .
Et surtout, il blinde la distribution de son petit film : sont sollicités les excellents Fernand Ledoux, Yves Deniaud, Maurice Escande et Paul Frankeur. Et donne le rôle principal à Bernard Blier, qui était alors jeune et relativement mince, et alternait les rôles de français moyen sympathique chez Le Chanois, et de mari médiocre chez Clouzot...




A la photo, il prend Philippe Agostini, opérateur fétiche de Carné, Bresson et Autant-Lara .
Résultat, il ne confectionne qu'un gâteau au yaourt, certes, mais qui aurait été confectionné avec des ingrédients bio.
Voici donc un petit film sympathique et sans prétention, qui démontre comment le cinéma du samedi soir pouvait tenir son rang , juste en additionnant des talents...



A plus !

Fred.


samedi 21 octobre 2017

CINEMA DE MINUIT - UN JUGE, UN FILS...

Bonjour les amis !

Demain, à 00 H 15, sur F3 : Le Coupable (1936), de Raymond Bernard...



En v'là, du mélo, en v'la, mais cette fois, de haute tenue ! Cette histoire de magistrat se retrouvant à devoir requérir contre son fils naturel, accusé de meurtre, aurait pu simplement n'être qu'une histoire à faire pleurer Margot.
Heureusement, deux fins esprits sont aux commandes : d'abord, le scénariste Bernard Zimmer, proche de Giraudoux, Jouvet,  Dullin, qui n'hésite pas à faire du film une charge contre la société bourgeoise de l'époque. L'hypocrisie de classe étant ici un des facteurs dominants du drame.
Et qui plus est, le film est réalisé par un Raymond Bernard alors au sommet de son art. Son talent de directeur d'acteurs est ici évident : il réussit à contenir un Pierre Blanchar souvent grandiloquent, et rend Madeleine Ozeray et Gilbert Gil supportables.
Le film est grandement aidé par des seconds rôles de première classe : Marguerite Moreno, Gabriel Signoret, Suzet Maïs.
Bref, un bel exemple d'une certaine grandeur du Cinéma Français des années 30. A voir.

A plus !

Fred.




dimanche 15 octobre 2017

CINEMA DE MINUIT - LUIS SAUVE DES EAUX...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 15, sur F3 : Viridiana (1961), de Luis Bunuel...


A la fin des années 50, nul n'aurait misé gros sur l'avenir de la carrière de Don Luis Buñuel. Celui qui fut, à l'orée des années 30, avec Dali, le porte-drapeau du surréalisme cinématographique, avec Le Chien Andalou et l' Âge d'Or...




... Survivait au Mexique en acceptant des oeuvres variées , souvent commerciales, souvent fauchées, mais où, confiait-il, il ne s'était jamais renié. Certains de ces oeuvres apparaîtront d'ailleurs plus tard comme  fulgurantes (El, La Vie Criminelle d'Archibald de la Cruz).
Et puis un jour, à l'orée des années 60, un producteur, sans doute un fou, lui laissa carte blanche pour réaliser le film qu'il voulait. Qui plus est, pour des raisons financières, ce producteur choisit de délocaliser le tournage... En Espagne.
L'Espagne. Le pays natal de Buñuel où celui-ci n'avait plus remis les pieds depuis la fin de la Guerre Civile . Une Espagne alors franquiste jusqu'au bout du calot. Mais qui, miraculeusement,  laissa faire. L'Art, dans le pays, était évidemment au point mort, et le Directeur Général de la Cinématographie pensa pouvoir "récupérer" Buñuel, l'impossible militant républicain, pour la gloire du régime et de ses valeurs bigotes.
Le cinéaste avait en effet décidé de raconter la vie d'une sainte, Viridiana,mais...  en modernisant le sujet. Moderniser est un faible mot. Viridiana, ici, est une jeune novice (SIlvia Pinal), qui, avant de formuler ses voeux, vient saluer son vieil oncle (Fernando Rey). Celui-ci tombe éperdument amoureux d'elle et veut l'épouser. Elle refuse. Il se donne la mort. Devenue héritière, elle décide d'accueillir les mendiants du village dans la propriété, malgré l'hostilité de son cousin, un rustre qui l'attire. Mais les mendiants, en son absence, pillent la maison, puis tentent de la violer. Choquée, désabusée, elle accepte de continuer ses jours avec le cousin et sa maîtresse, la servante, formant ainsi un étrange ménage à trois.
On est loin, très loin, de l'hagiographie espérée par le gouvernement espagnol, qui, pourtant, visa le scénario sans rien y trouver à redire.
Le film est projeté au dernier jour du Festival de Cannes. C'est un triomphe critique (le film partagera, à la dernière minute, la Palme d'Or avec Une Aussi Longue Absence d'Henri Colpi) , et un énorme scandale. L'Osservatore Romano, organe officiel du Vatican , déclare le film "sacrilège et blasphématoire". Le gouvernement espagnol, furieux , vexé , interdit immédiatement le film sur son territoire, lui retire à postériori (!!!) son autorisation de tournage , et va jusqu'à obtenir le retrait de la nationalité espagnole pour le film, qui devient mexicain, comme son producteur.
Mais pour les cinéphiles et une partie du public, c'est le retour du trublion de l'Âge d'Or;
Pourtant, Buñuel niera toujours avoir voulu faire scandale. Ce qu'il voulait, c'était confronter une croyante sincère, enfermée dans ses certitudes et dans un couvent... Au monde réel, à sa dureté, sa cruauté et son animalité. Ce n'est pas un film-manifeste comme pouvait l'être Le Chien Andalou, c'est un film où un cinéaste, un grand cinéaste, affirme sa vision du monde.
Cinéaste dont la carrière est relancée : en 1963, il accepte la proposition d'un producteur français de filmer Le Journal d'une Femme de Chambre , d'Octave Mirbeau . Il rencontre à cette occasion un jeune scénariste : Jean-Claude Carrière. Le deuxième Âge d'Or (si je puis dire) de la carrière de Buñuel peut commencer.


Extrait du film de ce soir :


A plus !

Fred.

samedi 7 octobre 2017

CINEMA DE MINUIT - VOILA LES BOULES PUANTES !

Bonjour les amis !

Demain, à 00 H 20, sur F3 : L'Assaut (1936), de Pierre-Jean Ducis...


En France, au milieu des années 30 , la politique politicienne n'a (déjà) pas bonne presse. Les scandales de corruption, telle l'affaire Stavisky, l'instabilité endémique des gouvernements de la IIIème République , ont entraîné deux évènements majeurs : la manifestation du 6 Février 34, côté extrême-droite, et, côté gauche, la victoire du Front Populaire, soulevant de nouveaux espoirs.
On ne compte plus, à cette époque, les comédies et drames mettant en scène des parlementaires et banquiers filous , se faisant leur beurre sur le dos du contribuable ( Topaze, Ces Messieurs de la Santé, la Banque Nemo).


C'est sans doute ce qui a décidé un producteur à déterrer une pièce déjà ancienne (1912 !) du dramaturge à la mode Henry Bernstein . Ce spécialiste du mélodrame bourgeois s'y essayait à la satire grinçante , en montrant comment un leader de parti politique (Charles Vanel) , victime d'un scandale mené par un maître-chanteur , (Alerme), se retrouve lui-même contraint  à employer des méthodes poisseuses pour se sortir de l'impasse.
On peut toujours rêver de ce qu'un Robert Siodmak ou un Raymond Bernard auraient pu tirer d'un tel sujet. Hélas, et bizarrement, ce fut Ducis. Pierre-Jean Ducis. Réalisateur de rien, ou de si peu. Un Cavalier Lafleur pour Fernandel , un Au Son des Guitares, pour Tino Rossi, et d'autres oeuvrettes francement mineures, et je suis gentil.


Alors réalisateur maison du producteur Henri Ullman, il filme sans conviction une oeuvre de pure circonstance, heureusement tombée dans l'oubli .
Reste la distribution, avec un Vanel comme toujours impeccable, et deux autres comédiens qui vaillent qu'on s'arrête sur eux :


André Alerme , s'il débuta sur les planches dans les drames de Bernstein, devint rapidement un habitué du Boulevard , où son énergie, sa rondeur, firent merveille. Le cinéma parlant balbutiant s'empara de sa silhouette bedonnante et ne la lâcha plus, pour tout et n'importe quoi , un n'importe quoi où il emporte généralement le morceau, comme dans le film de ce soir. Rares furent les cinéastes qui lui proposèrent mieux, à part Jacques Feyder, Autant-Lara et Edmond T.Gréville.



Le cas de Miss Alice Field est plus anecdotique, quoique édifiant : elle est le type même de l'actrice décorative dont le cinéma des années 30 était étrangement friand. Elle ne tournera presque que des navetons, entre 1930 et 1942, sous la direction des meilleurs spécialistes du genre : René Pujol, Berthomieu, Jean Kemm... Si on considérait Danielle Darrieux comme du Champagne, miss Field était plus proche du Champomy !
Elle se raréfiera après la guerre , et fera un petit come back à la fin des années 60, dans l'émission Au Théâtre Ce Soir...
Ironie du sort, elle ne rencontrera un grand cinéaste que pour son dernier rôle : dans le Playtime de Tati, en 1967.

A plus !

Fred.





dimanche 1 octobre 2017

CINEMA DE MINUIT - A CHIPER A CHOPER !

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 20 sur F3 : Pris au Piège (1949), de Max Ophüls...


C'est l'échec commercial de ses deux films précédents, L'Exilé, et surtout le superbe Lettre d'une Inconnue, deux films d'époque, qui obligent le grand Max Ophüls à se colleter avec l'Amérique contemporaine.



Le contexte n'est pas jojo : projet porté par les obscures Enterprise Productions, et adaptation d'un banal roman de gare. Dur, après Stefan Zweig !
Pourtant, à y regarder de plus près, le générique est assez exaltant : scénario signé Arthur Laurents, déjà auteur de La Corde pour Hitchcock , futur librettiste de West Side Story et maître d'oeuvre de Nos Plus Belles Années pour Sidney Pollack.



Ainsi que d'autres petits jeunes prometteurs ! Les assistants sont Robert Aldrich et John Berry (qui a dirigé quelques scènes), et le monteur Robert Parrish.
Quand à la musique, elle est signée par le compositeur fétiche de Marlène Dietrich, Frederick Hollander...
Et pourtant, le résultat est un peu... Bancal.
Pourquoi donc ?
Eh bien, d'abord , par la faute du scènario, qui oscille entre film noir et fil de femme : une jeune midinette ambitieuse (Barbara Bel Geddes) choisit , pour réaliser ses rêves, d'épouser un milliardaire (Robert Ryan). Pas de chance , celui-ci a de gros soucis psychologiques, qui l'amènent à mépriser ce qu'il a conquis, y compris sa femme. Son comportement odieux amène cette dernière à partir, et à soigner les pauvres malheureux auprès d'un médecin compatissant (James Mason)... Dès lors, le coeur de la dame balance...
Ophüls, cinéaste amoureux des femmes, a du mal à cerner son héroïne, pour le coup trop naïve. Il la filme joliment, mais s'intéresse finalement plus à ce milliardaire triste, seul, prisonnier de sa manie du pouvoir. Ce qui fait irrésistiblement penser à Citizen Kane, y compris dans la forme du film. Quand à Mason, fraîchement débarqué à Hollywood, son charisme suffit à épaissir un rôle finalement assez conventionnel.
Entendons-nous bien : on retrouve ici le styliste Ophüls, chaque scène est l'occasion d'un tour de force technique, au service de la dramaturgie. Mais on passe à côté du tragique qui nappe Lettre d'une Inconnue ou Madame de... 


Barbara Bel Geddes ( actrice fétiche de Hitchcock et future Miss Ellie de la série Dallas ) est certes convaincante en provinciale prise au piège, mais son personnage manque , pour tout dire, de noblesse pour être une grande héroïne ophulsienne . Ce qui réduit l'affrontement , ou le choix à faire, à un traditionnel  good guy/bad guy sous influence wellesienne...

Ophüls retrouvera tout son mordant (et James Mason !) dans son film suivant, Les Désemparés...


Extrait du film de ce soir :



A plus !

Fred.

CINEM

vendredi 15 septembre 2017

CINEMA DE MINUIT - LA MALDONNE DES WAGONS-LIVRES...

Bonjour les amis !

Dimanche 24 Septembre, à 00 H 15 : La Madone des Sleepings (1955), de Henri Diamant-Berger...





Hum.
Comment, après avoir traité d'un film de Jules Dassin la semaine dernière, arriver à créer une transition avec... cette chose ?
Disons, pour paraphraser Renaud, que le Temps est assassin. 
Et qu'il emporte avec lui l'intérêt que les spectateurs ont pu porter à certains sujets. Et à Maurice Dekobra.


Qui ça, me direz-vous ? Eh bien, Maurice Dekobra, l'auteur français le plus vendu de l'entre-deux-guerres, devant Gide, Pagnol, et tous ceux que nous connaissons. Le premier auteur de best-sellers de l'ère moderne. Pis : le premier auteur-produit. C'est en effet à une redoutable campagne publicitaire orchestrée par son éditeur que Dekobra doit avant tout sa notoriété, et son succès. Il était l'incontournable , celui qu'on devait lire. La matrice de tous les Sulitzer, de tous les Marc Levy. Et son plus grand succès, il le connaît avec...


... Paru en 1925, épopée kitsch mettant en scène une veuve richissime, qui passe sa vie dans des trains luxueux , et dont la mine d'uranium attire la convoitise d'un chapelet d'individus peu recommandables. On est dans la BD au sens le plus plein du terme, on dit même que Dekobra a inspiré Hergé.
Les producteurs s'intéressent bien vite au livre , qui est porté à l'écran dès 1928.


En 1928, passe encore, le sujet était dans l'air du temps. Mais en 1955, année de la seconde version, tout ceci est déjà bien suranné. De plus, le film est confié à un vétéran de chez vétéran, un croulant , aurait-on dit quelques années plus tard : Henri Diamant-Berger.


Entendons-nous bien : Diamant-Berger n'est pas classé parmi les nanardeurs, au contraire , il est fréquemment cité dans les Encyclopédies du Cinéma pour avoir réalisé la meilleure version française des Trois Mousquetaires de Dumas.
Version qu'il tourne... en 1921, alors qu'il a 25 ans.
Ce succès l'installe, aux côtés d'Abel Gance, de Marcel l'Herbier, parmi les créateurs les plus importants, ceux qui ont donné leurs lettres de noblesse à la fonction de réalisateur.
Puis arrive le parlant... Et les choses se compliquent . Comme beaucoup d'autres de sa génération, Diamant-Berger ne comprend rien au parlant, et se trouve vite contraint à executer des basses besognes pour des producteurs avides d'argent frais. C'est alors qu'il filme des mélos ridicules pour la chanteuse Damia. Techniquement, c'est pitoyable. Artistiquement, c'est nul.


Surprise : il refilme ses Trois Mousquetaires avec le son... Et c'est à nouveau le succès !
Il se maintient plutôt pas mal dans les années 30, notamment en dirigeant Jules Berry en Arsène Lupin. Mais l'Occupation brise net sa carrière : il est juif. Il ne parviendra que tardivement à reprendre le collier, et, là, malgré un Monsieur Fabre de belle tenue, cela sera le plus souvent pour des projets improbables , tels Mon Curé chez les Riches et sa suite, Mon Curé chez les Pauvres ! 
La Madone appartient à cette dernière période. Tout y est compassé, poussiéreux. Giselle Pascal, dans le rôle principal, a un jeu daté, Jean Gaven et Philippe Mareuil , solides seconds rôles, manquent ici un peu d'étoffe, quand au cher Erich Von Stroheim, il vient  cachetonner tranquillement avec sa tendre épouse, Denise Vérac.

En conclusion, je dirai qu'il y a des vieux films qu'il vaut mieux ne pas montrer , de crainte qu'on ne les prenne pour des vieux films.
La Madone des Sleepings est de ceux-là.

A plus !

Fred.





CINEMA DE MINUIT - NEW YORK , UNE CITE SPECIALE...

Bonjour les amis !

Dimanche 17 Septembre, sur F3, aux alentours de minuit :

La Cité sans Voiles (1948), de Jules Dassin... 



La période américaine de Jules Dassin est considérée, et de loin, comme la meilleure. Sa période européenne , entamée suite à l'exil, au milieu des années 50, de cette victime du maccarthysme , est beaucoup plus inégale, il est vrai.
Mais toutes les oeuvres américaines de Dassin ne se valent pas non plus, et on peut même remarquer un réel crescendo dans la qualité , qui connaîtra  son  summum avec Les Forbans de la Nuit (1950), sa dernière production hollywoodienne tournée , ironie du sort, en Angleterre...
Ici, Dassin est encore sous la coupe de la firme Universal et surtout du producteur Mark Hellinger.


Soyons juste : le jeune Dassin aurait pu trouver nettement pire comme mentor : Hellinger , loin d'être un nabab d'Hollywood, est un journaliste très célèbre, qui , dans les années 40, se met en tête de produire des films . Esprit fin et forte personnalité, il veut produire des films différents, plus réalistes. Ce qui le met rapidement en contact avec des réalisateurs ambitieux : Raoul Walsh, John Huston, Robert Siodmak, et le jeune Dassin, à qui Hellinger à le culot de confier un gros film de prison, assez audacieux , Les Démons de la Liberté, avec Burt Lancaster en vedette.


La réussite du projet incite Hellinger à retravailler avec Dassin. Mais cette fois-ci, celui-ci déchante : le scénario qu'on lui remet est "épouvantable", succession de clichés, avec accumulation de personnages et de fausses pistes, le tout mené par un tandem de policiers tout ce qu'il y a de plus stéréotypés. Dassin exige alors , pour donner de l'authenticité à ce projet mal emmanché, de tourner TOUT le film en extérieurs, dans les rues de New-York. Et de fait, il n'y aura qu'un seul jour de tournage en studio.
Hellinger, enchanté par cette idée, accepte même d'écrire et d'enregistrer un commentaire en ouverture du film. Ce sera sa dernière contribution : il meurt le 21 Décembre 1947, quelques jours après le début du tournage. Qui se déroule sans grands soucis. Les soucis , ils sont pour après.
En effet, la Chasse aux Sorcières est lancée. Tout créateur soupçonné de sympathies communistes ou même de préoccupations sociales est dans le viseur des censeurs. Curieusement, ce n'est pas Dassin qui est d'abord inquiété, mais son scénariste, Albert Maltz.

Très engagé à gauche (il collaborera même à un documentaire soviétique pendant la seconde guerre mondiale), il fait partie des Dix d'Hollywood, qui, pour avoir refusé de répondre à la question sur leur appartenance au Parti Communiste devant la Commission des Activités Anti-Américaines, sont inculpés pour outrage et mis à l'index par l'industrie hollywoodienne. L'oeuvre de Maltz est , elle aussi, immédiatement examinée. D'accord avec Dassin, Maltz avait mis , dans la bouche de plusieurs personnages, des tirades conséquentes sur la misère sociale vécue par les New-Yorkais. Tirades qui seront implacablement censurées par Universal. Dassin, ne bénéficiant plus de la protection d'Hellinger, ne peut qu'assister à la mutilation de son oeuvre, qu'il reniera longtemps.

En l'état , le film reste intéressant, même s'il fut longtemps encensé pour de mauvaises raisons. Le filmage documentaire est, certes, superbe (William Daniels recevra, malgré le contexte, un Oscar pour la Photo du Film), mais il ne peut faire oublier le côté conformiste et confus du scénario. Le film souffre également d'une distribution honnête, certes, mais où aucune personnalité forte ne se dégage, si ce n'est celle du  vétéran Barry Fitzgerald.
Mais le film reste justement célèbre à travers son morceau de bravoure final , course-poursuite haletante dans les rues de New-York où l'on sent la patte d'un très grand metteur en scène.


A plus !

Fred.

vendredi 8 septembre 2017

CINEMA DE MINUIT - EST-CE QUE CA VOUS GRATOUILLE ??

Bonjour les amis !

Le Cinéma de Minuit est sauvé pour une nouvelle année, autant en profiter !

Et on commence avec

Knock (1951), de Guy Lefranc...


C'est sans doute la sortie prochaine du remake réalisé par Lorraine Levy avec Omar Sy qui est à l'origine cette nouvelle (et pertinente) diffusion de ce classique ... du théâtre.
Knock ou le Triomphe de la Médecine (titre complet) est en effet d'abord une pièce de Jules Romains, créée en 1923, dont le succès fut immédiat, et durable, car elle est encore régulièrement reprise de nos jours.
Il faut dire que cette histoire d'un médecin parvenant à persuader toute la population d'un canton qu'elle est malade et qu'elle a besoin de lui, quoique traitée sur un mode comique, aborde des thèmes toujours modernes : la manipulation, le charlatanisme, les méthodes publicitaires poussées à des fins de domination. Suivez mon regard.
Grinçante, la pièce comporte des répliques encore célèbres aujourd"hui, dont la fameuse question de Knock, auscultant un patient :"Est-ce que ça vous chatouille ou est-ce que ça vous gratouille ?".
Depuis sa création, la pièce est indissociable de son interprète princiipal, Louis Jouvet.


 Chaque réplique de Knock est marquée par son articulation si spécifique d'ancien bègue. Ce rôle est son premier succès public après sa rupture avec Jacques Copeau, et il ne l'oubliera jamais , jouant la pièce régulièrement tout au long de sa carrière; au final près de 1500 fois.


Le cinéma ne pouvait passer à côté d'une telle réussite. La première mouture fut une aberration : d'abord parce qu'elle fut muette (nous étions en 1925 ! ), ensuite parce qu'elle crut bon de se passer de son créateur pour le remplacer par le pâlichon Fernand Fabre.
La première version parlante de 1933 est hélas invisible, et c'est une grande tristesse : il y interprète enfin le rôle-titre... dans sa propre mise en scène  (assisté techniquement  par Roger Goupillères..)  ! L'occasion, sans doute, de découvrir un Knock très proche de la création, pur jus. Mais le film est inédit à la télé, n'est jamais sorti en DVD...








Nous reste donc , comme témoignage ultime de Knock-Jouvet, cette version, la dernière, tournée en 1951.
Elle est l'oeuvre de Guy Lefranc, dont le nom est plutôt associé à une sacrée tripotée de nanars, la plupart joués par Fernand Raynaud : La Bande à Papa, Fernand Cow-Boy, Salut Berthe !. Certes. Mas  il faut bien rappeler que c'est le premier film du jeune Lefranc, et que , pour certains, l'ambition s'en va avec les années...
Il n'empêche, drôle d'idée de confronter un novice à l'homme qui a créé, mis en scène et joué le rôle pendant des années. Et de fait, Jouvet, qui est , à cet époque, malade et fatigué (c'est son avant-dernier film), est troublé par les idées, assez vives, du gamin. Mais il se laisse faire, et le résultat , s'il ronronne gentiment, rend tout de même justice à la pièce. Jouvet, vieilli, maîtrise encore le personnage, et il est très justement entouré d'une pléiade de seconds rôles impeccables, piochés dans la vieille garde (Jean Brochard, Pierre Renoir, Jane Marken) , comme chez les petits jeunes qui montent (Yves Deniaud, Jean Carmet, Louis de Funès). Le résultat, porté par le verbe de Jules Romains, reste un sympathique bonbon doux-amer.
Il faut croire que Jouvet fut satisfait du travail effectué, puisque c'est avec Lefranc qu'il tournera son film suivant , le dernier, bien joli : Une Histoire d'Amour... 

Extrait du film :



A plus !

Fred.





dimanche 26 mars 2017

CINEMA DE MINUIT - POUR QUELQUES COEURS EN DIAMANT DE PLUS...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 25, sur France 3 : Madame de... (1953), de Max Ophüls...


C'est un bonheur. La réunion d'une de mes actrices préférées et d'un de mes réalisateurs préférés. Un joyau d'élégance, de finesse... et de cruauté .
Max Ophüls,  grand cinéaste allemand , revient en France en 1950, après dix ans d'un exil américain souvent oisif et frustrant. Il parviendra quand même, durant cette période, à donner quelques ... bijoux (!), comme le superbe Lettre d'une Inconnue, adapté de Stephan Zweig, avec Joan Fontaine .


Ophüls aime les grands auteurs de la littérature européenne. Dès son retour, il adapte La Ronde, de Schnitzler, avec toute la crème du Cinéma Français d'alors. C'est un magnifique exercice de style, et un grand succès.


Parmi les grandes actrices de la distribution (Signoret, Simone Simon...), il y a Danielle Darrieux. Qui revient de loin.




En effet, la petite jeune fille préférée du cinéma français des années 30, a bien grandi. Elle est sortie affablie de la période de l'Occupation, et envisage même de se retirer du métier.
Ses deux bons samaritains seront Claude Autant-Lara , avec une géniale adaptation de Feydeau, Occupe-toi d'Amélie , puis Le Rouge et le Noir...


... Et surtout Max Ophüls. Ces deux-là s'entendent comme larrons en foire, et c'est tout naturellement que Max offre à Danielle une place de choix dans son film suivant : Le Plaisir...


Mais l'aboutissement de leur collaboration est incontestablement ce Madame de ... , conte magnifique de Daphné du Maurier, qui est un peu La Ronde... appliquée à des bijoux en diamants. Diamants qu'une coquette, femme de général, revend pour éponger ses dettes... Etrangement, ces coeurs vont revenir dans sa vie, après maintes manoeuvres adultérines...
Si le style est d'une élégance rare , le conte est d'une rare cruauté. En amour, dans la haute société, chacun se ment, chacun est vain. Et personne n'en sort grandi.
Dialogues fins de Marcel Achard, classe absolue de Vittorio de Sica et Charles Boyer. Madame de... fait partie de ces films qui semblent en état de suspension dans l'air, et qui, fausses bulles de savon, ne crévent jamais dans le coeur et l'âme du spectateur...

Extrait :

A plus !

Fred .