dimanche 26 février 2017

CINEMA DE MIINUIT -EDDIE, SOIS BON !

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 25, sur F3 : Ca va barder (1954), de John Berry...


C'est l'histoire d'une rencontre improbable. La rencontre entre un des cinéastes américains les plus talentueux et exigeants de son époque , et une vedette de films de série extrêmement populaire dans les années 50.

La vedette, c'est Eddie Constantine.


Récemment réhabilité par Bertrand Tavernier après des années de mépris et de purgatoire, Eddie Constantine fut notre privé américain bien de chez nous. Comme beaucoup d'autres, c'est dans le lit d'Edith Piaf qu'il apprit le métier...


... Car il se voulait avant tout chanteur, et ma foi, un chouette chanteur, au style et à l'accent inimitable...


Mais le cinéma remarqua rapidement ce grand gaillard, et les frères Borderie, qui avaient du nez, lui confièrent en 1953 le rôle de Leemy Caution, le détective créé par Peter Cheyney, dans La Môme Vert de Gris...


 Ce fut un succès et le début d'une longue , longue série de films d'inégale valeur, où Eddie/Lemmy faisait le coup de poing, et séduisait les p'tites pépées, tout en accumulant les bons mots façon Série Noire.

Aux Etats-Unis, Constantine avait sympathisé avec John Berry . Après avoir fait ses gammes chez Orson Welles, celui-ci fut rapidement considéré comme un des plus solides espoirs du cinéma américain, notamment grâce à Menaces dans la nuit, très grand film noir sorti en 1951...
C'est hélas la même année que Berry, sympathisant communiste, doit fuir son pays pour se réfugier en France. Il doit réaliser L'Ennemi Public numéro 1 avec Fernandel, mais les pressions sur les producteurs sont trop fortes et il sera remplacé par Henri Verneuil...
Et c'est son vieux pote Eddie qui lui sortira la tête de l'eau en l'imposant sur le film de ce soir. Avouons-le, Berry tomba de haut . Passer d'Universal à la petite société Dispa , c'était un peu compliqué. Mais les deux complices, et toute l'équipe, le prirent comme un jeu. Le tournage à petit budget permet une vraie légèreté dans l'exécution, et les dialogues, signés Jacques-Laurent Bost (le frère de Pierre), sont vraiment drôles.
Jean Carmet, Jean Danet, Roger Saget , composent avec gourmandise des seconds rôles savoureux...
Et la pépée May Britt est très agréable à regarder....
Le duo tournera ensuite Je suis un Sentimental. Et leurs chemins se sépareront.
Berry, ingrat, aura tendance, plus tard,  à persifler sur son ami et sa supposée bêtise. Pas très glorieux, car, s'il n'y avait pas eu Eddie, la carrière de Berry n'aurait certainement pas bardé autant que ça ...

A plus !

Fred Ab. 


Et, en bonus,  une des plus fameuses chansons d'Eddie...









dimanche 19 février 2017

CINEMA DE MINUIT - AVEC LE CDM, JE POSITIVE !

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 25, sur France 3 : Carrefour (1938), de Kurt Bernhardt ...


 Voilà un beau film noir à la française . Est-ce un hasard si les réussites du genre, dans les années 30, étaient souvent dues à des émigrés ?  Nulle statistique ne permet de le soutenir. Mais il est évident que Le chemin de Rio, et Pièges, de Robert Siodmak, et ce film-ci ont comme des airs de cousinage...


Or, Siodmak et Bernhardt ont tous les deux fui l'Allemagne nazie pour venir travailler en France.
Mais Bernhardt était plus connu dans son pays. Il réalisa , entre autres, le premier succès allemand de Marlène....


 ... et  il était largement dans le viseur de Goebbels. Il fut d'ailleurs un temps arrêté par la Gestapo avant d'être libéré et de s'exiler .
Cette amère expérience l'a-t-elle marqué ? En tous cas , certains des films qu'il tourna en France ne relèvent pas de la franche rigolade. Celui-ci , son troisième, est sans doute le plus sombre, et repose sur un postulat assez original (signé André-Paul Antoine, scénariste assez méconnu qui donnera plus tard pour la télévision l'excellent Schulmeister ) :
Depuis la fin de la guerre de 14, un voyou se fait passer pour un riche noble. Jugé, il est sauvé par un témoin de dernière minute... Qui s'avère être un maïtre-chanteur. A mesure que la gourmandise de l'un grandit, la culpabilité de l'autre fait de même...
Il fallait, pour tenir un tel récit, une mise en scène au cordeau, et des interprètes de premier choix :
Jules Berry , qui n'est jamais meilleur que lorsque ses personnages sont odieux, campe un idéal maître-chanteur.
Et , encore une fois, Charles Vanel, qu'on ne présente plus , démontre l'étendue de sa palette de comédien dans le rôle de cet homme perdu entre vérité et apparence.



Ils sont entouré par d'intéressants caractères féminins : Suzy Prim, inévitable second rôle de l'époque, et ancienne compagne de Jules Berry, ainsi que deux Russes de Paris, Marcelle Géniat, spécialiste des rôles de mères accablées, et Tania Fédor, figure fameuse théâtrale du Paris des années 20, qui ne convaincra jamais vraiment au cinéma...



Bref, un très beau film méconnu, qui sera le passeport de Bernhardt pour Hollywood : là-bas, il dirigera Bette Davis, Joan Crawford, et même Humphrey Bogart !


Note : le film, qui est crédité dans toutes les sources d'une durée de 84 minutes , est ici proposé dans une version d'une heure dix... Bobine définitivement perdue ?

A plus !

Fred.

samedi 11 février 2017

CINEMA DE MINUIT - SES MAINS ONT LA PAROLE...

Bonjour les amis !

Demain , à 00 H 25, sur F3 : Les Mains d'Orlac (1960), de Edmond T.Greville... 


 Ah, en a-t-il suscité , des adaptations, ce roman de Maurice Renard , sorti de 1920. Il faut dire que ce récit mi-policier , mi-fantastique a de quoi faire saliver les amateurs de frisson et de bizarre.
Imaginez donc : un pianiste de renom se retrouve amputé de ses deux mains suite à un accident . Un savant pas très équilibré lui greffe alors les deux mains... d'un assassin ! Evidemment, par la suite, notre virtuose se retrouve avec des mains qui ne lui obéissent plus vraiment...
A l'origine, l'ouvrage relève plus du polar que de l'horreur. Mais tous les cinéastes qui vont s'y coller vont accentuer le côté horrifique de l'ouvrage.
Ce qui n'est pas étonnant de la part de Robert Wiene, chef de file de l'expressionisme allemand , dans sa version de 1924...


... Ne de celle de Karl Freund, ancien opérateur du Métropolis de Lang, dans la version hollywoodienne de 1935, où le savant fou est joué par Peter Lorre....


Cette histoire assez glauque ne pouvait que séduire celui que ses fans avaient surnommé le prince des cinéastes marginaux : Edmond T.Gréville. Celui-ci, éperdu de cinéma muet, n'aimait rien tant que les scénarios tordus, surtout quand ils comportaient une dimension sexuelle . Le père Edmond était en effet un obsédé notoire ( il disait que le T de son nom signifiait Tendre avec les dames ). 
L'après-guerre le voit circuler entre la France et l'Angleterre, pour des projets oscillant entre la série B inventive ( The Noose, Le Port du Désir) , et le pur nanar  (l'Envers du Paradis, Tant qu'il y aura des femmes ) ! Considéré comme bizarre et ingérable, Gréville hérite en effet souvent de projets désespérants, qu"il accepte pour ne pas perdre la main.
Les Mains d'Orlac est son dernier projet ambitieux , coproduit par la France et l'Angleterre.
Gréville reprend le projet en le pimentant à sa sauce : il réduit le personnage du médecin tordu, et met Orlac et son épouse , partis en vacances sur la Côte d'Azur, dans les griffes d'un couple maléfique , et inattendu, car formé par Christopher Lee et Dany Carrel !


Il peut paraître étrange de retrouver en 1960, dans un rôle secondaire, celui qui avait explosé , en même temps que la Hammer, deux ans auparavant, dans Le Cauchemar de Dracula, et Frankenstein s'est échappé !
Mais il faut dire que ce succès avait surpris toute l'équipe du studio, qui ne pensait pas forcément que cette vogue allait durer... L'Histoire allait prouver le contraire, mais en attendant, Lee, qui avait déjà tourné dans l'Aguicheuse, le film précédent de Gréville, accepta sans difficultés ce rôle, qui est peut-être le plus intéressant du film : celui de Néron le magicien, personnage malsain acoquiné avec une chanteuse, Dany Carrel, donc.


 Sa présence est peut-être l'élément le plus grévillien du film. Grimée en asiatique, subliment faite, et souvent peu habillée, son personnage de Lin-Lang , incarnation de la tentation et du désir, mange l'écran. Dany Carrel , déjà employée dans des seconds rôles pétillants et accortes par Duvivier et René Clair, vivra le meilleur de sa carrière dans les années 60, conjuguant fantaisie et érotisme avec un bonheur rarement égalé par d'autres...

A côté de ce couple explosif, le couple de victimes paraît bien fade. Passons sur la jolie Lucille Saint-Simon, qui ne fera pas une grande carrière, et attardons-nous un peu sur Mel Ferrer, alias Orlac.


Mari (cocu) d'Audrey Hepburn, C'est à peu près le plus beau titre de gloire de Mel Ferrer . Il a certes participé à certains des films les plus flamboyants d'Hollywood, mais il s'y fait régulièrement voler la vedette : par Robert Taylor dans Les Chevaliers de la Table Ronde, par Marlène Dietrich dans l'Ange des Maudits, et par Audrey dans Guerre et Paix !
Rien d'étonnant à ce qu'à la veille des années 60, son étoile pâlisse et qu'il vienne tourner en Europe ... Mais là aussi, il peine à faire le job. Pour incarner cet homme qui sent, peu à peu, la folie s'emparer de lui, il aurait fallu un acteur d'une autre trempe... Peter Cushing ?? Eh oui, c'est normal d'y penser...

Quoi qu'il en soit, le film est le dernier grand travail de Gréville : mise en scène atypique, audace fréquente, ambiance frelatée. Une jolie réussite à petits moyens...

A plus !

Fred .


 

dimanche 5 février 2017

CINEMA DE MINUIT - SEVEREMENT BURNING...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 25, sur France 3 : La Chambre Ardente (1962), de Julien Duvivier...


Retour à Duvivier , ce soir, et à un Duvivier tardif : la Nouvelle Vague est passée par là, et ce pilier du cinéma classique, et , même , pour certains, de la Qualité Française . est un peu déboussolé.
Il commet l'erreur, en 1960, de vouloir concurrencer le François Truffaut des 400 coups en faisant jouer une nouvelle histoire d'enfant désoeuvré à son acteur fétiche, le jeune Jean-Pierre Léaud. Mais le résultat laisse Truffaut vainqueur par KO.
Le réalisateur décide alors de se tourner vers le cinéma de genre, d'atmosphère. Hitchcock vient de scotcher tout le monde avec Psychose, alors pourquoi ne pas tenter de faire frissonner le public ?
Avec son vieux complice Charles Spaak, il décide donc d'adapter le plus célèbre  roman de John Dickson Carr, maître du roman policier à énigme, en déplaçant l'action dans la France contemporaine.
Si l'ensemble de l'oeuvre se veut rationnelle, la thématique de la sorcellerie, très présente, ainsi que l'action, presque entièrement située dans un inquiétant château , installe efficacement une atmosphère surnaturelle.
Duvivier manie ici le huis-clos aussi bien que dans Marie-Octobre, tourné quelques années auparavant...



Et, comme pour Marie-Octobre, il bétonne complètement la distribution. Pour les rôles secondaires, il retrouve ces fidèles gueules de la vieille garde : Balpétré, Duvallès, Héléna Manson, René Génin.
Mais cette fois, il s'essaie à diriger, et avec bonheur, la jeune génération :

Jean-Claude Brialy et Claude Rich incarnent à la perfection les deux neveux en attente de l'héritage du vieux châtelain, qui, comme par hasard, est retrouvé mort ... Brialy est le bon neveu, gentil et respectueux, Rich, le neveu indigne, dépensier et cynique... Mais les apparences sont trompeuses...


Edith Scob, l'inoubliable interprète des  Yeux sans Visage de Franju, est ici une jeune femme psychologiquement fragile, aux rêves étranges venue au château avec son mari ( joué par l'insipide acteur allemand Walter Giller, seule fausse note de la distribution).

La belle Nadja Tiller est la mystérieuse infirmière de la maison. L'étrangeté de son jeu sert l'étrangeté de l'intrigue...


Plus inattendue, Perrette Pradier, qui joue la femme de Brialy, et qui trouve ici un de ses rares grands rôles au cinéma. Elle se tournera très vite vers la télévision, et surtout, surtout, vers le doublage, dont elle deviendra une des papesses ( VF de Kate Jackson, Jane Fonda, Julie Andrews...). Le film permet de rappeler qu'elle fut, avant ça, une fort bonne comédienne et une très très belle femme (ces yeux !)...

Mais la grande surprise du film réside dans l'interprète du rôle du policier, qui va bousculer tout ce petit monde : monsieur Claude Piéplu...


Présent au théâtre depuis les années 40, Piéplu ne faisait alors que de rares apparitions au cinéma, dans des petits rôles. C'est avec un flair certain que Duvivier lui fait jouer le rôle du flic finaud et implacable , qui va affoler la meute. Hélas, l'insuccès relatif du film ne permettra pas à Piéplu de confirmer avant longtemps. Avant, précisément, 1968... et les Shadoks.


En effet, si l'atmosphère est là, et bien là, l'intrigue complexe , quoique fidèle au roman, la mulitiplicité des personnages et des fausses pistes, rendent difficile le travail du spectateur, sollicitent peut-être un peu trop son attention, ce qui fait que le rebondissement final vient peut-être... un peu trop tard.

Quoi qu'il en soit, La Chambre Ardente reste un très bel exercice de style, et une très belle réunion d'acteurs...

A plus !

Fred.