dimanche 8 décembre 2013

CINEMA DE MINUIT - WILLIE L'ORSON...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 15, sur France 3 : "Macbeth" (1948) d'Orson Welles...

Orson Welles idôlatrait Shakespeare. Il lui fallut néanmoins attendre son cinquième long métrage , et l'échec  de sa pièce Around the World in 80 days , pour qu'il porte enfin  à l'écran le grand Will. La RKO et la Columbia ne lui pardonnant pas ses frasques, Welles se tourne vers le moins pauvre des studios fauchés, Republic Pictures. Celui-ci accepte de financer le projet pour 200 000 dollars, une misère . Mercury Productions, donc Welles lui-même, rallonge la sauce de 100 000 dollars. Il n'empêche que pour monter une grande épopée faite de bruit et de fureur, ça fait peu.
Qu'à cela ne tienne, le défi est relevé, et audacieusement. Le réalisateur avait déjà monté la pièce au théâtre, avec une distribution... exclusivement noire ! Impossible de transposer la chose, au sein de la très conservatrice Republic. Il est donc décidé de tranformer un défaut ( le manque de moyens !) en qualité, et d'épurer au maximum décors, distribution et costumes ! Il s'agit en fait de répondre aux très classieuses mais très académiques et très cossues versions filmées à l'époque par Laurence Olivier , par exemple Henri V (1944) :


Welles s'oblige à  respecter au maximum les contraintes de sa version scènique. Là où Olivier prend l'espace , Welles filme en plan serré. Là où Olivier met en avant la splendeur ostentatoire de la royauté britannique, Welles noie ses acteurs dans la brume écossaise (jolie façon de cacher la misère ) et choisit  des costumes d'une époque indéterminée et bruts , pour ne pas dire barbares. La fable, teintée de surnaturel, est ici traitée comme un cauchemar ,  un film d'horreur, et préfigure même, par moments,  l'esthétique de l'Héroïc Fantasy..



Welles se réserve la part du lion dans le rôle de Macbeth. Mais il innove grandement : à l'inverse d'un Laurence Olivier qui , à chaque réplique, semble rendre hommage à l'auteur et être conscient de la grandeur de ses répliques, Welles compose un personnage halluciné , qui , tour à tour, éructe et marmonne, le tout... avec l'accent écossais ! Chose que les puristes ne pardonneront pas ! Il faut dire que cet accent appuyé, caricatural, parfois faux ( la plupart des acteurs sont américains !) rend à certains moments le texte inaudible , ce qui constitue pour beaucoup un authentique crime de lèse-Shakespeare !
Il a également le culot de confier le rôle mythique de Lady Macbeth à une quasi débutante , Jeanette Nolan.


Celle-ci fait merveille, notamment dans les scènes de folie, poussées à leur paroxysme. Paroxysme pourrait d'ailleurs être le maître-mot du film, qui n'hésite pas à utiliser les techniques les plus voyantes et aussi les plus grandiloquentes de la grammaire cinématographique : cadrages obliques, toiles peintes, musique omniprésente, contrastes violents , le tout pour casser la raideur, le respect trop grand , le bon goût appliqué systématiquement à l'oeuvre shakespearienne.
A sa sortie, le film est un cuisant échec critique et commercial dans les pays anglo-saxons , notamment à cause de l'accent écossais . La preuve : dans les pays non-anglophones, où le film est doublé ou sous-titré, le film fait un tabac !! Notamment en France, où il est encensé par André Bazin, le futur fondateur des Cahiers du Cinéma... Mais le tollé provoqué empêche sa sélection à la Mostra de Venise, où il aurait été en compétition... avec le Hamlet de Laurence Olivier !


Cet échec met un terme (temporaire) à  la carrière de Welles réalisateur  à Hollywood . Il part alors en Angleterre, y tourner Le Troisième Homme . 


Incorrigible, il réinvestit tout de suite son cachet pour monter son deuxième Shakespeare, Othello. Mais ceci est une autre histoire...


Extrait du film de ce soir :



A plus.
Fred.






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