dimanche 10 mars 2013

CINEMA DE MINUIT - C'EST UN TALLEYRAND QUI BOITE...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 30, sur France 3 : "Le Diable Boiteux" (1948) de Sacha Guitry...


Chronique dédicacée à l'ami Maxime Debernard...

Programmer ce film dans le cadre d'un cycle "Littérature et Cinéma" est une démarche un peu... eh oui, boiteuse ! En effet, le film prend sa source dans une pièce de théâtre,  Talleyrand,  que Guitry a montée uniquement parce que la censure de l'époque lui avait refusé le script original du film !
Pourquoi ce refus ? Recontextualisons, si vous le voulez bien...
En 1947, malgré un non-lieu devant les tribunaux concernant ses activités sous l'Occupation, Guitry demeure un paria. A la Libération, le milieu artistique en a fait ( à tort ou à raison, ça se discute encore) le symbole de la compromission avec les Allemands.Ce qui est sûr, c'est qu'il a été le paratonnerre qui a permis à d'autres de se blanchir en silence . De cette époque, où il fut emprisonné, Guitry demeurera blessé, aigri. Et sa réponse fut une biographie de Talleyrand.



Talleyrand , prêtre défroqué devenu homme d'état, Talleyrand le mal-aimé, celui qui changeait de camp dès que le vent tournait : d'abord pour la République, ensuite  pour l'Empereur, enfin  pour le Roi.
Un traître pour beaucoup, dont Napoléon, qui disait qu'il était "de la m... dans un bas de soie " !
Il est, à tout le moins,  devenu le symbole de l'opportunisme. Attitude compréhensible, nous dit Guitry, car " la Grandeur de la France passe avant la Fidélité au Régime". A travers Talleyrand, le film parle bien évidemment de Sacha, de ses choix.
La Censure ne fut pas dupe . Réhabiliter Talleyrand, c'était justifier la Collaboration . Les censeurs craignaient , entre autres , que certaines répliques du film ne fassent réagir le public. Le problème étant, selon Guitry, que les répliques les plus "fâcheuses" n'étaient pas de Guitry, mais de Talleyrand lui-même.Ou de Louis XVIII, ou de Bonaparte !!
L'étape de la pièce, qui fut un succès, permit à Guitry de contourner la censure et de monter son film.
Certains critiques n'hésitèrent pas, cependant, à ironiser, comme Albert Gilou, qui légenda une photo représentant Napoléon et Talleyrand de la façon suivante : "Sacha Guitry nous montre comment il met un dictateur dans sa poche dès la première réplique"...
Revu aujourd'hui, le film est un des meilleurs du Maître. Passionné par son personnage, il abandonne la (légère, légère) cuistrerie qui alourdissait parfois ses évocations historiques, comme Les Perles de la Couronne ou Remontons Les Champs-Elysées, et nous livre, à travers... son cas personnel,  une démonstration grinçante de la grandeur et des petitesses de la pratique du pouvoir...Quand à la préservation de la Grandeur de la France, c'est une question qui le regarde, lui, et l'on est en droit de trouver cette approche déjà  désuète, même à l'époque. Car il ne s'agirait pas de confondre Grandeur et Dignité. Et la Dignité de la France , entre 1940 et 1944, elle était davantage à Londres ou dans les maquis que dans les salons de Sacha. A mon avis.
Enfin bon, ceci étant dit, c'est un excellent film, à ne pas rater, malgré la présence, pour la première fois, de Lana Marconi, la dernière et la moins convaincante des Guitry-Girls.

Extrait :



 A noter que Guitry reprendra le rôle de Talleyrand, de façon plus épisodique, dans son "Napoléon" (1954)...

A plus.
Fred.



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