mardi 29 janvier 2013

DE LA FUFUITE DANS LES IDEES...

Bonjour les amis !


"Télérama" sortant un hors-série consacré à Louis De Funés , voilà qui ne manque pas de sel. Aussi aberrant qu'un "Spécial Line Renaud" édité par "L'Huma", ou qu'un numéro des Inrocks entièrement consacré à Francis Lalanne ! Faut-il que la presse papier soit en crise pour que l'hebdomadaire chrétien "récupère" la popularité du comique le plus grimacier de France... Lorsque j'ai découvert "Télérama" au début des années 90, le journal cultivait un mépris tenace pour le cinéma comique français d'après-guerre, mépris qui se muait en haine concernant les films de "Fufu" : "Conternant", "Affligeant', "Navrant" étaient les qualificatifs les plus souvent utilisés... Faut-il que la presse papier soit en crise pour que l'hebdomadaire chrétien "récupère" la popularité d'un des comiques disparus les plus populaires de France...


Alors, De Funès, génie comique ou pitre pénible ? Personnellement, je dirais : génie comique, MAIS. Je m'explique.
Génie comique, il l'est par ses performances. Toutes ses performances. Quelle que soit l'oeuvre, et la taille de son rôle (il a "ramé" pendant plus de quinze ans) , il se donne à fond, et s'implique complètement dans ses personnages . Alors que la plupart des seconds rôles des années 50, aussi talentueux soient-ils, se contentent de figurer un "type" (Noël Roquevert, Jean Tissier, et même Francis Blanche), De Funès fait de ses apparitions des fulgurances originales et d'une redoutable efficacité, comme ici, en voisin fâcheux de Robert Lamoureux dans "Papa, Maman, La Bonne et Moi" (1954)...


Il est même le seul comique français à pouvoir revendiquer l'étiquette de "cartoonesque"... Ses personnages vont de plus en plus en dehors du réalisme , leur nervosité se traduit dans tout le corps, et se traduit par une mutilation symbolique du corps, particulièrement évidente dans "Oscar" ( 1967) :


Son engagement physique est total. Sur le plateau, ou sur la scène, il répète chacune de ses apparitions comme un numéro de music-hall autonome, dont il est le seul maître. Et c'est là qu'intervient le "Mais".






C'est Claude Chabrol qui a dit, si mes souvenirs sont bons,  la chose la plus juste sur les rapports entre De Funès et le Cinéma : "Il n'a jamais été bien filmé". Eh non. C'est là que le bât blesse. Au temps des seconds rôles, il fut, certes , dirigé occasionnellement par de très grands metteurs en scène : Guitry, Jacques Becker, et évidemment, Claude Autant-Lara, qui lui a offert son rôle le plus sombre dans la scène mythique de "La Traversée de Paris", face à Gabin et Bourvil...


Mais lorsqu'il accèda aux rôles principaux, il eut du mal à comprendre les prérogatives du metteur en scène , venant s'immiscer dans un art qu'il maîtrisait si bien . Aussi, après des accrochages sérieux avec Edouard Molinaro ou son vieil ami Robert Dhéry, décida-t-il de ne travailler qu'avec des réalisateurs qu'il estimait, ou plutôt, qu'il dominait : Gérard Oury, pour le meilleur, et Serge Korber, pour le pire. Mais surtout, surtout, il accorda la plus grande confiance au plus médiocre d'entre tous : Jean Girault. Il faut dire que c'est lui qui lui avait amené la notoriété grâce à "Pouic-Pouic" et au "Gendarme de Saint-Tropez"...


Et c'est ainsi que De Funès, vedette comique française numéro 1 dans les années 60-70, tourna dans des navets tels "Le Gendarme et les Extraterrestres", du niveau de ceux dans lesquels apparaissaient Topaloff ou les Charlots...
Anxieux de nature ( Bourvil lui demandait souvent : "Alors, Louis, toujours aussi inquiet ?"), De Funès vivait dans la crainte de perdre l'affection du public , ce qui le rendit extrêmement frileux dans le choix de ses rôles, préférant la basse guignolade aux défis d'acteur...
Celui qui lui fit un peu baisser sa garde, curieusement, c'est Claude Zidi, avec "L'Aile ou La Cuisse" (1976) : la rencontre avec Coluche n'était pas évidente pour cet homme très Vieille France, et , au détour de certaines scènes, on sent enfin l'émotion poindre, tout comme dans "La Zizanie" avec Girardot, l'année suivante...



Mais  le film qui résume le mieux le "paradoxe" De Funés est "L'Avare" (1980) . De Funés se confronte à un des personnages les plus mythiques de Molière.Enfin un vrai défi . N'en déplaise aux pisse-froid, il y est , une fois de plus, génial. Mais la mise en scène est hélas de Jean Girault, qui rend l'ensemble balourd et réac. Tout est dit.





Enfin, si, quand même ,  pour conclure :
Fernandel a été filmé par Pagnol, Becker, Autant-Lara.
Bourvil a été filmé par Mocky, Melville, Clouzot.
De Funès a été filmé par Jean Girault.

Le véritable handicap de sa postérité, pour moi, il est là.

A plus.
Fred.

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