samedi 22 août 2015

CINEMA DE MINUIT (à la bourre!) : CAFE DU CANARD...

Bonjour les amis !

Dimanche dernier , à 01 H 00, sur France 3 : Le Café du Cadran (1947), de Jean Gehret, supervisé par Henry Decoin...


Voici, à ma connaissance, le seul hommage filmé à un authentique café parisien, situé dans le 2ème arrondissement , et toujours debout à l'heure où j'écris. Son serveur, Papillon, était célèbre, avant la deuxième guerre mondiale, pour sa vivacité, et ce sont les journalistes, habitués du lieu,  qui ont crée l'expression Minute, Papillon ! , tellement ils avaient du mal à freiner le garçon.
Ce n'est donc pas un hasard si l'origine de cette évocation provient d'un journaliste, et pas de n'importe lequel : Pierre Bénard, qui était, à cette époque, et depuis 1936, le rédacteur en chef du Canard Enchaîné. 
Celui-ci était novice en cinéma , et s'était retrouvé, en 43, alors que le Canard était interdit, embarqué dans le dialogue de Je suis avec Toi, film signé Henri Decoin, et où jouait déjà le jeune Bernard Blier.
Cette équipe se reforme donc pour le Cadran. Car il ne faut pas se leurrer, le film est bel et bien l'oeuvre de Decoin, différentes sources , et notamment le témoignage de Blier, l'ont confirmé. Le réalisateur officiel, Jean Gehret, proche de Renoir, dont il fut l'acteur et le directeur de production, semble n'avoir eu qu'un rôle mineur dans le projet.
Bénard était un grand spécialiste des bars, sur lesquels il écrivait beaucoup. Ce sens du détail , de l'anecdote , donne son cachet au film , que l'on pourrait rattacher au courant populiste, au sens littéraire du mot : anti-psychologique, et souhaitant donner une vision sociologique, voire ethnologique, selon ses détracteurs, de la vie du peuple . Les fleurons de ce mouvement étaient Hôtel du Nord, le livre de Dabit, puis le film de Carné. Et c'est vrai que cette description de la vie d'un café touche souvent juste : les petites rebellions journalistiques autour d'un verre, les histoires d'amour, le garçon philosophe, le poivrot sans-gêne, tout cela parvient à être dessiné tendrement, sans trop verser dans le poétique artificiel ou le pittoresque. En cela, le film est presque supérieur à l'Hôtel du Nord déjà cité !
Mais Bénard était un chroniqueur, pas un romancier. Et quand il s'agit de charpenter son histoire, il manque de souffle. L'idée de nous montrer le bistrot à travers les yeux de ses nouveaux propriétaires est habile, au départ, et donne une dimension initiatique au récit. Hélas, Bénard tombe ensuite dans les pires travers du roman à deux sous : la provinciale timide (Blanchette Brunoy), sous l'influence néfaste d'un violoniste beau parleur ( Aimé Clariond) , devient une coquette exigeante et égoïste, prête à tromper son mari quand celui-ci ( qui s'est commis, pour la satisfaire, dans de sinistres affaires de paris clandestins ) l'abat, un soir , à la fermeture du café. Trop romanesque, tout ça, pour conserver le vérisme originel.
Heureusement, le film est porté par le jeune, et déjà excellent Bernard Blier.


Après avoir joué des seconds rôles de plus en plus importants durant l'occupation (La Symphonie Fantastique, Marie-Martine, le Mariage de Chiffon), ce jeune Blier-là, encore aminci par un long séjour au stalag, accède au vedettariat  à la Libération. Si Le Chanois , et d'autres, l'emploieront dans des rôles sympathiques, pour des oeuvres à portée sociale, comme L'Ecole Buissonnière...

... Ses yeux de cocker et son apparence de français moyens l'amèneront très vite à jouer les maris trompés, dans les oeuvres pessimistes de l'après-guerre : Quai des Orfèvres, Manèges...... A tel point qu'il se surnommera lui-même le plus grand cocu de l'histoire du cinéma français !
Puis il rencontrera Gabin, Audiard, Lautner... Mais ça, c'est une autre histoire...
Bénard, lui, ne verra pas le film fini, au printemps 1947 : il meurt prématurément, en Décembre 1946...


A plus !

Fred.

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