vendredi 15 septembre 2017

CINEMA DE MINUIT - LA MALDONNE DES WAGONS-LIVRES...

Bonjour les amis !

Dimanche 24 Septembre, à 00 H 15 : La Madone des Sleepings (1955), de Henri Diamant-Berger...





Hum.
Comment, après avoir traité d'un film de Jules Dassin la semaine dernière, arriver à créer une transition avec... cette chose ?
Disons, pour paraphraser Renaud, que le Temps est assassin. 
Et qu'il emporte avec lui l'intérêt que les spectateurs ont pu porter à certains sujets. Et à Maurice Dekobra.


Qui ça, me direz-vous ? Eh bien, Maurice Dekobra, l'auteur français le plus vendu de l'entre-deux-guerres, devant Gide, Pagnol, et tous ceux que nous connaissons. Le premier auteur de best-sellers de l'ère moderne. Pis : le premier auteur-produit. C'est en effet à une redoutable campagne publicitaire orchestrée par son éditeur que Dekobra doit avant tout sa notoriété, et son succès. Il était l'incontournable , celui qu'on devait lire. La matrice de tous les Sulitzer, de tous les Marc Levy. Et son plus grand succès, il le connaît avec...


... Paru en 1925, épopée kitsch mettant en scène une veuve richissime, qui passe sa vie dans des trains luxueux , et dont la mine d'uranium attire la convoitise d'un chapelet d'individus peu recommandables. On est dans la BD au sens le plus plein du terme, on dit même que Dekobra a inspiré Hergé.
Les producteurs s'intéressent bien vite au livre , qui est porté à l'écran dès 1928.


En 1928, passe encore, le sujet était dans l'air du temps. Mais en 1955, année de la seconde version, tout ceci est déjà bien suranné. De plus, le film est confié à un vétéran de chez vétéran, un croulant , aurait-on dit quelques années plus tard : Henri Diamant-Berger.


Entendons-nous bien : Diamant-Berger n'est pas classé parmi les nanardeurs, au contraire , il est fréquemment cité dans les Encyclopédies du Cinéma pour avoir réalisé la meilleure version française des Trois Mousquetaires de Dumas.
Version qu'il tourne... en 1921, alors qu'il a 25 ans.
Ce succès l'installe, aux côtés d'Abel Gance, de Marcel l'Herbier, parmi les créateurs les plus importants, ceux qui ont donné leurs lettres de noblesse à la fonction de réalisateur.
Puis arrive le parlant... Et les choses se compliquent . Comme beaucoup d'autres de sa génération, Diamant-Berger ne comprend rien au parlant, et se trouve vite contraint à executer des basses besognes pour des producteurs avides d'argent frais. C'est alors qu'il filme des mélos ridicules pour la chanteuse Damia. Techniquement, c'est pitoyable. Artistiquement, c'est nul.


Surprise : il refilme ses Trois Mousquetaires avec le son... Et c'est à nouveau le succès !
Il se maintient plutôt pas mal dans les années 30, notamment en dirigeant Jules Berry en Arsène Lupin. Mais l'Occupation brise net sa carrière : il est juif. Il ne parviendra que tardivement à reprendre le collier, et, là, malgré un Monsieur Fabre de belle tenue, cela sera le plus souvent pour des projets improbables , tels Mon Curé chez les Riches et sa suite, Mon Curé chez les Pauvres ! 
La Madone appartient à cette dernière période. Tout y est compassé, poussiéreux. Giselle Pascal, dans le rôle principal, a un jeu daté, Jean Gaven et Philippe Mareuil , solides seconds rôles, manquent ici un peu d'étoffe, quand au cher Erich Von Stroheim, il vient  cachetonner tranquillement avec sa tendre épouse, Denise Vérac.

En conclusion, je dirai qu'il y a des vieux films qu'il vaut mieux ne pas montrer , de crainte qu'on ne les prenne pour des vieux films.
La Madone des Sleepings est de ceux-là.

A plus !

Fred.





CINEMA DE MINUIT - NEW YORK , UNE CITE SPECIALE...

Bonjour les amis !

Dimanche 17 Septembre, sur F3, aux alentours de minuit :

La Cité sans Voiles (1948), de Jules Dassin... 



La période américaine de Jules Dassin est considérée, et de loin, comme la meilleure. Sa période européenne , entamée suite à l'exil, au milieu des années 50, de cette victime du maccarthysme , est beaucoup plus inégale, il est vrai.
Mais toutes les oeuvres américaines de Dassin ne se valent pas non plus, et on peut même remarquer un réel crescendo dans la qualité , qui connaîtra  son  summum avec Les Forbans de la Nuit (1950), sa dernière production hollywoodienne tournée , ironie du sort, en Angleterre...
Ici, Dassin est encore sous la coupe de la firme Universal et surtout du producteur Mark Hellinger.


Soyons juste : le jeune Dassin aurait pu trouver nettement pire comme mentor : Hellinger , loin d'être un nabab d'Hollywood, est un journaliste très célèbre, qui , dans les années 40, se met en tête de produire des films . Esprit fin et forte personnalité, il veut produire des films différents, plus réalistes. Ce qui le met rapidement en contact avec des réalisateurs ambitieux : Raoul Walsh, John Huston, Robert Siodmak, et le jeune Dassin, à qui Hellinger à le culot de confier un gros film de prison, assez audacieux , Les Démons de la Liberté, avec Burt Lancaster en vedette.


La réussite du projet incite Hellinger à retravailler avec Dassin. Mais cette fois-ci, celui-ci déchante : le scénario qu'on lui remet est "épouvantable", succession de clichés, avec accumulation de personnages et de fausses pistes, le tout mené par un tandem de policiers tout ce qu'il y a de plus stéréotypés. Dassin exige alors , pour donner de l'authenticité à ce projet mal emmanché, de tourner TOUT le film en extérieurs, dans les rues de New-York. Et de fait, il n'y aura qu'un seul jour de tournage en studio.
Hellinger, enchanté par cette idée, accepte même d'écrire et d'enregistrer un commentaire en ouverture du film. Ce sera sa dernière contribution : il meurt le 21 Décembre 1947, quelques jours après le début du tournage. Qui se déroule sans grands soucis. Les soucis , ils sont pour après.
En effet, la Chasse aux Sorcières est lancée. Tout créateur soupçonné de sympathies communistes ou même de préoccupations sociales est dans le viseur des censeurs. Curieusement, ce n'est pas Dassin qui est d'abord inquiété, mais son scénariste, Albert Maltz.

Très engagé à gauche (il collaborera même à un documentaire soviétique pendant la seconde guerre mondiale), il fait partie des Dix d'Hollywood, qui, pour avoir refusé de répondre à la question sur leur appartenance au Parti Communiste devant la Commission des Activités Anti-Américaines, sont inculpés pour outrage et mis à l'index par l'industrie hollywoodienne. L'oeuvre de Maltz est , elle aussi, immédiatement examinée. D'accord avec Dassin, Maltz avait mis , dans la bouche de plusieurs personnages, des tirades conséquentes sur la misère sociale vécue par les New-Yorkais. Tirades qui seront implacablement censurées par Universal. Dassin, ne bénéficiant plus de la protection d'Hellinger, ne peut qu'assister à la mutilation de son oeuvre, qu'il reniera longtemps.

En l'état , le film reste intéressant, même s'il fut longtemps encensé pour de mauvaises raisons. Le filmage documentaire est, certes, superbe (William Daniels recevra, malgré le contexte, un Oscar pour la Photo du Film), mais il ne peut faire oublier le côté conformiste et confus du scénario. Le film souffre également d'une distribution honnête, certes, mais où aucune personnalité forte ne se dégage, si ce n'est celle du  vétéran Barry Fitzgerald.
Mais le film reste justement célèbre à travers son morceau de bravoure final , course-poursuite haletante dans les rues de New-York où l'on sent la patte d'un très grand metteur en scène.


A plus !

Fred.

vendredi 8 septembre 2017

CINEMA DE MINUIT - EST-CE QUE CA VOUS GRATOUILLE ??

Bonjour les amis !

Le Cinéma de Minuit est sauvé pour une nouvelle année, autant en profiter !

Et on commence avec

Knock (1951), de Guy Lefranc...


C'est sans doute la sortie prochaine du remake réalisé par Lorraine Levy avec Omar Sy qui est à l'origine cette nouvelle (et pertinente) diffusion de ce classique ... du théâtre.
Knock ou le Triomphe de la Médecine (titre complet) est en effet d'abord une pièce de Jules Romains, créée en 1923, dont le succès fut immédiat, et durable, car elle est encore régulièrement reprise de nos jours.
Il faut dire que cette histoire d'un médecin parvenant à persuader toute la population d'un canton qu'elle est malade et qu'elle a besoin de lui, quoique traitée sur un mode comique, aborde des thèmes toujours modernes : la manipulation, le charlatanisme, les méthodes publicitaires poussées à des fins de domination. Suivez mon regard.
Grinçante, la pièce comporte des répliques encore célèbres aujourd"hui, dont la fameuse question de Knock, auscultant un patient :"Est-ce que ça vous chatouille ou est-ce que ça vous gratouille ?".
Depuis sa création, la pièce est indissociable de son interprète princiipal, Louis Jouvet.


 Chaque réplique de Knock est marquée par son articulation si spécifique d'ancien bègue. Ce rôle est son premier succès public après sa rupture avec Jacques Copeau, et il ne l'oubliera jamais , jouant la pièce régulièrement tout au long de sa carrière; au final près de 1500 fois.


Le cinéma ne pouvait passer à côté d'une telle réussite. La première mouture fut une aberration : d'abord parce qu'elle fut muette (nous étions en 1925 ! ), ensuite parce qu'elle crut bon de se passer de son créateur pour le remplacer par le pâlichon Fernand Fabre.
La première version parlante de 1933 est hélas invisible, et c'est une grande tristesse : il y interprète enfin le rôle-titre... dans sa propre mise en scène  (assisté techniquement  par Roger Goupillères..)  ! L'occasion, sans doute, de découvrir un Knock très proche de la création, pur jus. Mais le film est inédit à la télé, n'est jamais sorti en DVD...








Nous reste donc , comme témoignage ultime de Knock-Jouvet, cette version, la dernière, tournée en 1951.
Elle est l'oeuvre de Guy Lefranc, dont le nom est plutôt associé à une sacrée tripotée de nanars, la plupart joués par Fernand Raynaud : La Bande à Papa, Fernand Cow-Boy, Salut Berthe !. Certes. Mas  il faut bien rappeler que c'est le premier film du jeune Lefranc, et que , pour certains, l'ambition s'en va avec les années...
Il n'empêche, drôle d'idée de confronter un novice à l'homme qui a créé, mis en scène et joué le rôle pendant des années. Et de fait, Jouvet, qui est , à cet époque, malade et fatigué (c'est son avant-dernier film), est troublé par les idées, assez vives, du gamin. Mais il se laisse faire, et le résultat , s'il ronronne gentiment, rend tout de même justice à la pièce. Jouvet, vieilli, maîtrise encore le personnage, et il est très justement entouré d'une pléiade de seconds rôles impeccables, piochés dans la vieille garde (Jean Brochard, Pierre Renoir, Jane Marken) , comme chez les petits jeunes qui montent (Yves Deniaud, Jean Carmet, Louis de Funès). Le résultat, porté par le verbe de Jules Romains, reste un sympathique bonbon doux-amer.
Il faut croire que Jouvet fut satisfait du travail effectué, puisque c'est avec Lefranc qu'il tournera son film suivant , le dernier, bien joli : Une Histoire d'Amour... 

Extrait du film :



A plus !

Fred.