Ce soir, à 00 H 25 sur F3 : Au Seuil de l'Enfer (1930), d'Archie Mayo...
Oh, merci, merci, cher CDM, en programmant ce cycle consacré à la Warner, et en n'y incluant que des films tournés dans la première partie des années 30, tu me combles ! Nous tombons en effet dans la fameuse période pre-code, celle qui anticipe sur la reprise en main morale du cinéma américain à partir de 1934. Nous sommes à l'aube du cinéma parlant, et le cinéma hollywoodien va chercher ses sujets auprès du théâtre new-yorkais , un théâtre dessalé, qui se veut réaliste, c'est-à-dire souvent dur, violent et sexy. Mais dans cette époque très adulte du cinéma américain, un studio va se distinguer particulièrement : celui des Frères Warner . Sous l'influence de Jack W. , mais aussi du jeune directeur de production Darryl F.Zanuck, futur ponte de la Fox, le studio va délibérément tourner le dos à la magie , à l'irréel, au glamour, et produire des films inspirés par les gros titres des journaux . Et qui fait alors les gros titres des journaux ? Les Gangsters . Rendus riches et puissants par l'idiote Prohibition, ils sont plus célèbres que certains acteurs.
Le film de ce soir est une des premières productions du genre, une des premières productions de Zanuck également. Il s'agit du récit de la grandeur et de la décadence d'un chef de gang , qui, tombé amoureux , veut tout lâcher, mais se retrouve rattrapé par son passé. Film rapide (moins d'une heure vingt !), succession incessante d'évènements, dénouement sombre : tout le dispositif Warner Gangster Movie est là, mais encore balbutiant : pourquoi ?
Pas tant à cause du metteur en scène maison Archie Mayo, au style impersonnel , certes , mais assez respectueux de la consigne du studio pour rendre l'ensemble diablement efficace, mais surtout à cause d'une distribution inappropriée.
Lew Ayres fut un des talents les plus prometteurs du début du parlant. En 1930, il est une véritable star, grâce au triomphe d'A l'Ouest , Rien de Nouveau, de Lewis Milestone...
Mais Lew Ayres était un esprit indépendant, libéral, pour ne pas dire progressiste. Surtout, il voulait choisir ses films et rester libre, loin des studios. Ce qui n'était alors, pas du tout à la mode. Et qui l'empêchera de rester longtemps au sommet.
De plus, pour son seul film Warner, il est mal distribué : lui, le doux, le sage, est distribué dans le rôle d'un dur. Un dur repenti, certes, mais un dur quand même. Il aurait pu faire illusion, si , pour compléter la distribution, le studio n'avait pas fait appel à une de ses nouvelles recrues, qui était, lui, un dur de dur : James Cagney .
C'est son deuxième film pour le studio. Dans le premier, il incarnait un marin, et avait déjà surpris tout le monde par son énergie. Ici, dans le rôle du bras droit du héros, ambitieux et cruel, il trouve son emploi, celui qui le fera entrer dans la légende : celui du gangster, du vrai. Il mange le film, et Lew Ayres fait bien pâle figure. Quelques mois plus tard, Cagney tournera L'Ennemi Public numéro 1, et deviendra une des plus grandes stars du studio et de l'époque...
Une réjouissante curiosité !
Extrait du film, avec Cagney :
A plus !
Fred.